Après avoir rencontré Idryss j’étais rentré chez les Eaux la tête pleines de questions et l’esprit embrumé de pensées étranges. J’étais directement allé me coucher, je crois que Kaporal avait essayé de me demander comme ça s’était passé. Mais je ne lui avais pas répondu. Comme il était celui qui m’avait conseillé d’aller voir la juge du feu, je l’avais prévenu de mon départ, histoire qu’il ne se pose pas trop de questions. Mais en rentrant je n’avais aucune envie de parler à qui que ce soit. Je ne voulais même pas voir Baelia ou aller saluer Gaor. Il travaille dur et bien, c’est un très bon Polyvalent, et je suis persuadé qu’il aurait été un très bon chef d’armée à ma place.

J’avais essayé de m’endormir sans succès, alors je m’étais levé au milieu de la nuit pour me défouler un peu, et quand le petit matin et arrivé j’ai entraîné les loups de l’eu avec l’aide de Gaor. Mais ça, c’était il y a une semaine et quatre jours… Parce que ce jour là, quand le soleil était à son zénith, j’ai demandé à Gaor de s’occuper des loups sans moi, lui disant que j’avais mal à la tête et que j’allais dans ma tanière. Il n’avait pas émit d’objection, et j’avais pu partir tranquille. Mais je n’étais jamais allé dans ma tanière, je suis parti, j’ai traversé le territoire du clan en passant au dessus de la couche de nuage. J’ai pensé à aller voir Mya, mais je n’en avais aucune envie. J’avais alors songé à aller voir Idryss, pour lui reparler de tout ça, mais je m’étais ravisé. J’avais errer quelques jours en évitant soigneusement les lieux où je risquais de croiser une tête connue. J’avais mal au crâne et je ne mangeais plus rien du tout. Ma tête était remplie de pensées sauvages et fugaces. Tout cela m’agressait, et la voix du mâle me harcelait de paroles que j’avais finis par ne même plus être capable de comprendre.

Mes ailes traînaient mollement derrière moi, laissant des sillons dans mon dos. Je soufflais longuement avant d’entendre un craquement. Mes oreilles se dressant j’observais le paysage nouveau devant moi. Ainsi, j’étais arrivé jusqu’au cimetière. Voilà un lieu qui me convenais parfaitement à moi que la famille avait cru mort pendant des années. Un souvenir douloureux était venu me torturé et me faire serrer les crocs, mais j’avais continuer d’avancer dans ce dédale macabre entre les craquements de ossement et les odeurs de putréfaction. Quelques pas encore à vaciller avant que je ne tombe dans un caveau familiale appartenant à je ne sais qui. Soupirant, je me couchais en boule entre les os des morts et fermais les paupières.

Je crois que je vais m’endormir, je ne sais pas pour combien de temps… Ah, les loups de l’eau vont finir par remarquer mon absence. Lester sera sans doute le premier en vue du fait qu’il doit m’amener des plantes une fois par semaine pour lutter contre mes migraines. Ce ne sera pas très utile pour cette fois… Soufflant, je couchais mon museau dans le poil de ma queue et me couvris de mes ailes. Je veux dormir, tranquillement.

Mais le sommeil réparateur ne semblait pas être d’accord pour me venir. Pendant mon sommeil je me vis louveteau, là bas, chez les feux à jouer avec Idryss. C’était agréable au début, jusqu’à ce que le loup vienne me chercher pendant la nuit. Il m’avait attrapé par la peau du coup, et m’avait emmené loin du clan. J’avais hurlé si fort que j’en avais mal aux oreilles. Je voulais rentrer chez moi. Pourquoi… Pourquoi il m’arrachait à maman et petite sœur ? Il me faisait mal en plus, il me frappait, me mordait, me griffait. Je voulais le fuir, mais je n’y arrivais pas. Je ne voulais pas me défendre, je me contentais de le supplier, mais je voyais pas son visage, et n’entendais pas ce que je lui disais.

« Père, pitié… »

Le gémissement de plainte m’avait échappé dans mon sommeil, résonnant dans le silence lourd du cimetière. Mais il continuait de frapper et de gronder, et dans mon sommeil mon corps tressautait. Parfois ma respiration se coupait pour repartir de façon saccadée ou bien faiblement. C’était mon père ? Non, c’était impossible, mon père n’avait as pu me faire une chose pareille… Je m’étais mis à pleurer, il me faisait mal et même si ce n’était qu’un cauchemar j’en souffrais atrocement.

« Allez Thanatos, réveille toi bon sang ! »

Thanatos… Vous m’appelez comme ça depuis le début… Depuis le tout premier jour, la toute première minute. C’est mon prénom n’est ce pas ? Bizarre j’étais sur que c’était autre chose… Mais cela ne change rien, il continue de frapper, de me faire mal. Jusqu’à ce que le dragon apparaisse dans mes rêves et que je ne m’y efface. Attendez… Mais alors, le dragon, c’était moi ?

Je me réveillais en sursaut, haletant et déboussolé. Mon corps entier me faisant souffrir, je lachais un couinement. J’avais mal partout… Je ne me souvenais plus depuis combien de temps j’étais parti. Ni même d’où est ce que j’étais parti. Mais quand j’entendis des pas approcher, mes oreilles se plaquèrent sur mon crâne, et je me mis à grogner férocement malgré mon état misérable. J’avais peur qu’il revienne pour m’achever puisque je lui avais déjà échappé une fois.

En voyant la femelle apparaître dans mon champ de vision je cessais de grogner. Ouf, ça n’était pas lui qui venait m’achever. Je ne me souvenais pas de son prénom, mais de son corps, de son odeur, de sa voix moqueuse et rieuse, de ses ordres, de mon sang qui gicle partout autour de nous… Un frisson d’effroi me parcouru le corps tandis qu’elle venait vers moi. Cette femelle, elle me paraissait gentille et douce, et j’avais la sensation qu’elle était essentielle à ma vie. Mais là tout de suite, dans ma tête, il n’y avait que lui… Quand elle me posa sa question je poussais un couinement d’étonnement tout en penchant la tête. Ma louve ? J’ai une compagne ? Hein… Anh… C’est compliqué tout ça… Pourtant lorsqu’elle frotta sa tête à la mienne j’appréciais cela et ma queue se mit à frapper le sol avec autant de joie que mon corps pouvait en exprimer. J’étais comme un louveteau, et surtout, surtout… Ma voix ne me venais pas… J’avais déjà vécu cela, mais c’était flou… Remarquez, ça n’était pas plus mal, je crois que j’avais un peu oublié.

Quand elle se coucha prêt de moi je resserrais mes pattes contre mon corps et fermait les paupières. Des tremblements me secouais de temps à autres. Je me sentais mal, j’avais encore la vision de lui en train de me frapper dans la mémoire. Je voyais ses crocs, et ses griffes s’abattre sur moi sans répit. Si ça continuait comme ça ces visions allaient me rendre fou, enfin, si je ne l’étais pas déjà. Soufflant longuement, je relevais mon corps amaigris avant de me recoucher tout contre la femelle et de cacher mon museau dans mon pelage. Je me retenais de couiner, mais j’en avais très envie. Je me sentais en danger, comme s’il pouvait arriver à n’importe quel moment. Et la femelle me paraissait bien trop petite pour me défendre contre lui.

Papa, pourquoi tu m’as fais ça ? J’étais si fier de te ressembler… Etait-ce un crime d’être né comme toi ? Dans ce cas là, tu aurais dû me tuer dès la naissance, ça m’aurais évité bien des souffrances. Papa, est ce que tu regrettes parfois ? Papa, j’ai envie de te voir souffrir autant que moi… Papa, je te hais profondément, ton nom m’est inconnu mais je me souviens de ton corps, et si je te vois, je t’attaquerais sans réfléchir. Papa, il t’a remplacé… Et là au fond de ce caveau, je rêve de son pelage épais et de son odeur un peu alcoolisé…

Soufflant longuement je sentis l’odeur de la femelle contre moi. Les souvenirs un peu flou de la louve me revenaient. Se mêlant à ceux de la torture. Mais ils semblaient plus doux et apaisants. Je relevais un peu la tête et posais mon regard sur elle. Mes oreilles se baissant, je n’arrivais plus à retrouver son prénom… Ni celui du mâle don la simple présence me rassurait. Je soupirais alors tristement avant de lever le museau vers l’extérieur du caveau et de pousser un long hurlement de plainte. Pourquoi j’avais mal déjà ? Pourquoi j’avais été curieux de mon passé s’il était si laid ? Pourquoi n’étais-je qu’un idiot sans cervelle ?

Quand mon hurlement s’acheva je me recouchais, incapable de fermer les yeux. Le simple fait de me retrouver dans le noir me renvoyait l’image de ses griffes acérées qui venaient me déchiqueté le corps. Je regardais alors la louve, et le caveau autour, je n’étais sans doute plus capable d’en sortir, l’entrée me paraissait trop raide, et mes ailes étaient complètement à plat, sans parlé du fait que je n’avais rien avalé depuis… Depuis combien de temps suis-je là ? Depuis combien de temps n’ai-je pas aperçu la lumière ?

« Quel… jour sommes nous ? »

Ma voix était éteint et faible et je me surpris même à être parvenu à articuler ses quelques mots. Ils m’avaient d’ailleurs brûlés les voix respiratoires. Et puis j’avais une halène de chacal, ma machoire brûlée par mon propre acide qui avait fait brûlé mon palais et mes joues ainsi que ma langue don la chair à vive commencé à se couvrir de tâche blanches de cloque ou de pue… Mon corps aussi devait sans doute avoir quelques marques que de ma souffrance, je ne le sentais plus, mais je savais que du sang avait dégouliné sur ma patte arrière gauche, néanmoins, je ne savais pas d’où venait la plaie, ni dans quel état elle étai. Ou dans quel état je me trouvais moi-même.

« Vous… Devriez partir… »

Je ne suis pas capable de me lever ou de chasser. Et en plus je pu le sang et l’acide… Elle aime s’empester et s’encombrer d’un loup blesser ? Enfin, elle se dit ma louve. Et je sens bien que je l’aime. Mais… La mémoire est un peu floue, à cause de lui.

Le cimetière. Certains viennent pour rendre visite à des défunts, d'autres pour y mourir directement sur place et puis, il attire aussi les âmes errantes : ceux qui sont accablés par la tristesse, le désespoir ou la folie.

Il y a quatre jours de cela, l'une de ces personnes vint en ce lieu. L'air abattu, impuissant face à ses tourments, faible. Cette personne s'était dirigée machinalement vers le caveau familial : celui de la famille Démonia. Illustre et grande famille noble du clan Feu. Bien sûr, cette personne n'y avait pas prêté attention. Elle avait simplement erré dans le cimetière et son esprit lui avait dicté le chemin jusqu'ici. Puis, l'âme errante s'était cloitrée là-dedans, se réfugiant au fond, avec comme lit, un tas d'os appartenant à ses ancêtres. Ses dernières forces l'avaient quitté et il s'était évanoui dans un sommeil cauchemardesque.

Pendant quatre jours, ce loup-reptilien était resté là, ne bougeant pas, ne se nourrissant pas, ne s'hydratant pas. Après tout, il n'en avait pas l'occasion. Il ne pouvait tout simplement pas effectuer ces actions vitales. Pas qu'il était bloqué dans le mausolée, mais parce qu'il était plongé dans le coma. À la nuit tombée du deuxième jour, le maître des lieux était venu lui rendre visite. Il voulait s'assurer que l'individu qu'il n'avait pas revu sortir, n'était pas mort. Bien entendu, il l'aurait su d'instinct. En temps normal. Parce que oui, quand quelqu'un était dans le coma, cela lui déréglé sa perception exclusive. L'état du coma lui indiqué que la personne était morte, mais qu'elle était aussi vivante. De quoi décontenancer et agacer. Après deux appels de sa part, une frappe sur l'épaule et une vérification de sa respiration, il sue qu'il était vivant et profondément évanoui. L'être divin soupira. Cela pouvait prendre quelques heures, quelques jours voir bien plus. Même si privé de nourriture, il mourra bien avant d'atteindre un an de coma. Devait-il l'achever lui-même ? Après tout, ce n'était pas certain qu'il se réveille un jour. Soupirant derechef, il tourna les talons et sortit de cette maison des morts.

Le quatrième jour, il sentit du changement émanant du comateux. Il sentait qu'il allait bientôt se réveiller. Peut-être devrait-il l'aider à son réveil ? Il verra bien le moment voulu. Plus tard dans la journée, une femelle solitaire entra au cimetière. Poussée par l'instinct, elle se dirigea vers le mausolée Démonia. Le Faucheur la suivit du regard, placé en haut de son perchoir habituel. Il était tant d'y aller. Il s'étira, bailla, et emboîta le pas là où la jeune hybride se dirigeait.

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- Quel… jour sommes nous ?
- Nous sommes vendredi. Et pour information, ça fait 4 jours que tu imites les morts.

Il était venu de nulle part, comme sorti de l'ombre ou apparu tel Cheshire. Il s'était faufilé dans le caveau telle une ombre. Aucun des deux n'auraient pu le remarquer avant. Pas même quand il avait bondi sur cet énorme bloc de marbre noir, abritant les cendres de plusieurs. Depuis combien de temps était-il là d'ailleurs ? Allez savoir. Le grand mâle blanc à la crinière rouge et noir était nonchalamment allongé sur ce bloc. Il s'était couché sur le côté, la moitié de sa patte arrière droite flottant dans le vide et le bout de sa patte avant gauche faisant de même. La tête haute, un peu penchée sur le côté, il les regardait d'un air neutre, indéchiffrable.

Il regarda bien plus attentivement le mâle. Il était dans un état des plus pitoyable. Il était maigre. Combien de temps était-il resté sans manger ? En plus des quatre jours de coma. Il était fatigué. Rien de plus normal, avec ses douleurs et ses tourments l'empêchant d'avoir un sommeil réparateur. Son esprit était embrumé. La preuve, il ne semblait pas reconnaître sa compagne, ni l'endroit dans lequel il se trouvait. Se reconnait-il lui-même au moins ?

Vous… Devriez partir…

Partir ? Il ne le fera pas. Si ce loup devait vraiment clamser dans les minutes ou dans l'heure à venir, il préférait autant rester et lui tenir compagnie pour être directement sur place. Et puis, vu son état, il ne se lèvera pas pour le chasser de lui-même. Jeff n'avait vraiment rien à craindre de lui. La solitaire pourrait bien le faire à sa place, mais il ne la craignait pas non plus, bien qu'elle ait du sang de Terre dans les veines.

Visiblement, tes tourments t'ont pourchassé même dans le coma, Thanatos.

Le nom fut dit un peu plus fort que le reste de la phrase. Il retentit sur les parois du caveau, produisant un léger écho. Donnant de l'importance à ce nom oublié du loup-draconique. Jeff continua de l'observer de son regard neutre, cependant, ses yeux bleus semblèrent le transpercer. Ils semblaient légèrement luire, dégageant quelque chose de spécial, procurant un sentiment indéchiffrable. L'attitude décontractée du loup mystérieux contrasté avec ce regard luisant.

J’étais complètement troublé par la présence de cette femelle qui me faisait du bien mais que mon cerveau n’arrivait pas à me rappeler le nom. Je savais pourtant qu’elle était importante pour moi, ainsi je ne voulais pas qu’elle parte. Cette louve aussi semblait tenir à moi, même si je ne me souvenais pas d’elle ? Elle avait bien du courage… Mais j’étais heureux qu’elle ne m’abandonne pas malgré mon trou de mémoire. Je fermais les paupières et poussais un soupir, attendant sa réponse, avant d’entendre une voix résonner dans le mausolée. Aussitôt je rouvris les yeux et poser mon regard sur le loup faucheur. Je ne l’avais jamais vu, mais il me disait quelque chose… Comme si je le connaissais sans le connaître vraiment. Sa réponse me choqua complètement. Quoi ? Quatre jours que je fais le cadavre au fond de ce trou à rat crevé ?

Mais ce n’est pas la réponse du loup blanc et noir qui me troubla le plus. Mais bien la réaction de la femelle qui s’était placée en position de défense entre lui et moi. Je fus touché qu’elle cherche ainsi à me protéger. Mais je ne sentais aucune animosité émaner de ce mâle, et je doutais qu’il soit venu pour me blesser ou me tuer. Il avait eut tout le temps de le faire pendant quatre jours, alors s’il venait maintenant pour m’abattre il venait avec du retard, car j’étais prêt à me défendre. Néanmoins je n’eus pas de réaction défensive à sa présence. A quoi bon ? D’abord la femelle le faisait pour moi, ensuite il ne me paraissait point être venu avec de mauvaises intentions.

« Quatre jours… J’ai l’impression que ça fait des mois… »

J’avais revisité de manière violente la totalité de mon enfance, et celle-ci n’avait pas durée quatre jours, alors j’avais vraiment la sensation d’avoir dormi des mois. Puis le mâle s’adressa à moi en usant de mon prénom. Je relevais la tête et les oreilles, me redressant un peu plus convenablement pour ne pas être trop impoli. A sa remarque je poussais un profond soupir en ramenant ma queue contre moi. J’avais sans doute un air misérable. Je sentais mes côtes contre ma queue, et en posant mon regard sur mes pattes je remarquais que j’avais perdu en musculature également.

« Mes tourments ? Le vieux dragon ouai… »

Cet espèce de sale démon qui m’avait séparé de ma sœur et laissé pour mort dans le fond d’une tanière. J’aurais sa tête ! Un jour elle me servira d’urinoir ! Je détestais cet individu don j’avais oublié le prénom. Alors que je venais de m’adresser au mâle je vis la femelle partir je baissais les oreilles et me laissais tomber sur le flanc. J’étais déçu qu’elle soit partie. J’aurais aimé qu’elle reste encore un peu. Peut être que sa présence aurait finit par suffire à me rappeler son identité. Je la trouvais très belle en plus, et très agréable à sentir prêt de moi. J’attendais alors une réponse du mâle en me disant que j’allais resté là encore un moment… Je ne pouvais pas rentrer chez moi… Le chef d’armée risquait de me gronder pour ma longue absence, et mon vieux risquait aussi de me passer un savon, et je n’étais pas contre l’idée de retarder leurs colères respectives.

Puis, alors que je fermais les yeux en poussant un soupir, je sentis l’odeur de la chair fraichement abattu. Je rouvris alors vivement les yeux avant de voir la femelle revenir avec des rongeurs qu’elle m’intima de manger. Puis elle se remit entre le loup et moi, et lui dit une chose qui me troubla beaucoup. Je secouais alors vigoureusement la tête avant de regarder la femelle.

« Je ne vais pas mourir jeune louve des Cavernes. Rassures-toi, je ne crois pas que ce dénommé Jeff soit venu pour mettre fin à mon existence »

Je regardais alors ce dénommé Jeff, espérant qu’il appuierait mes paroles. Je doutais qu’il soit venu avec l’autre psychopathe. Une odeur de dragon comme la sienne ça ne s’oublie pas, et ça se sent à des kilomètres à la ronde. Hors je ne sentais pas l’odeur de mon bourreau, ce qui en somme me rassurait. Soufflant je baissais mon museau vers la nourriture tandis que mon corps était encore parcouru de frissons. J’avais des douleurs fantômatique partout, et la terrible envie de me gratter jusqu’au sang car j’avais l’impression d’avoir des plaies en train de sécher et attaquer par les mouches, comme dans ma petite tanière au fond des bois. Me résolvant à goûté la nourriture je dû admettre que ce n’était pas mauvais en soit. Mais, pour l’heure, j’aurais préféré dormir paisiblement sans un fou furieux pour me déranger dans mon sommeil. Ou alors j’aurais voulu me blottir contre père, et me sentir rassuré par sa force. Mais je ne pouvais faire ni l’un ni l’autre et en plus j’étais toujours abattu par un fichu mal de tête qui venait irrémédiablement s’ajouter aux autres douleurs.

Nansaa réagit à son véritable prénom. C'était déjà un début. Il savait déjà son véritable nom et y réagissait. Face à la question du Faucheur, il soupira avant de répondre qu'un dragon le tourmentait.

Oui, les dragons d’élément feu sont assez colériques et brutaux... Ils s'énervent vite.

Il se souvient du temps où les dragons cohabitaient souvent avec les canins, le même temps où les dieux étaient encore là. Il était aisé de les voir et de les approcher hors du désert brûlant. Le clan du Feu s'était même lancé dans des sortes de pactes avec les dragons de feu/braise/lave et ce genre de choses rappelant le feu/la chaleur. Les autres clans avaient fait de même. Plusieurs de ces dragons habitaient avec les clans, les protégeant, partageant leur savoir, combattant avec eux entre autres. Bien que cela dérapait assez souvent chez les Feux, puisque que ces types de dragons sont de natures colériques... Et Nansaa n'avait pas échappé à l'un d'eux malheureusement.

Il ne mourra pas, du moins, si tu restes à ses côtés. Ce que je doute que tu feras. Parce que pour l'instant, je ne peux te garantir sa survie...

Il n'avait pas regardé son sablier avant, mais il n'en avait pas besoin pour voir que, si personne ne s'occupait de Nansaa, il mourait. L'hybride était trop faible pour s'occuper de lui, que ce soit pour aller boire ou chasser un rongeur. Ses nuits étaient trop violentes pour espérer avoir un sommeil confortable. En somme, pour l'instant, il ne pouvait bouger de ce caveau. Fort heureusement pour lui, Mya était présente et saurait s'occuper de lui. Du moins, c'est ce que Jeff pensa.

Nansaa interpela la louve sur sa potentielle mort. Visiblement, il ne reconnaissait pas du tout Mya, pourtant sa compagne. Il venait d'affirmer les intentions du Faucheur. En effet, Jeff n'était pas venu en ennemi. Ces intentions étaient d’éclaircir la brume épaisse présente dans l'esprit de Nansaa. Le Faucheur plia sa patte de façon à pouvoir y poser sa tête (à la manière de Scar dans le Roi Lion). Il posa le regard sur Nansaa et lui demanda :

Alors, parle moi de tes tourments. Je suis disposé à t'écouter. En fait, je suis venu pour ça.

Engager la conversation là-dessus permettrait de l'aider, mais aussi de permettre à Mya de connaître cette histoire bordélique, qu'elle ne connaissait visiblement pas.

J’avais continué de rester dans une position peu élégante même après le départ de la louve des cavernes. Le mâle semblait bien peu déranger par mon apparence peu agréable à observer. J’avais tellement mal dans tous les muscles. Je voulais mourir, ou vivre mais guérir vite… Il est où le petit loup qui me fait sentir des trucs supers cool ? J’aurais bien besoin de sa drogue là. Un peu comme de la morphine en fait. Les yeux mis clos j’entendis Jeff me parlait des dragons de feu. Je relevais la tête et lui lançais un regard désabusé.

« Laisse moi deviner, le dragon vers acide de mes souvenirs, c’tait moi c’est ça ? »

Si oui alors l’histoire n’était pas difficile à comprendre. Ce n’était pas un individu malveillant quelconque qui m’avait séparé de ma sœur. C’était mon propre père qui avait tenté de me tuer et m’avait laissé pour mort. Et j’étais convaincu qu’il avait fais croire à une fugue en rentrant à la maison. J’étais encore jeune, mère ne me laissait pas aller où je voulais quand je le désirais, et j’avais un caractère vif et insoumis. Conclusion la thèse de la fugue soldait par une mort accidentelle aurait été plausible auprès de ma famille. Pauvre Idryss, elle aura tant souffert par ma faute. Non pas par la mienne, mais par la sienne. Mais diable et démon pourquoi suis-je incapable de me souvenir du visage et de l’identité de mon bourreau ?

Quand la caverneuse fit son retour et que je me mis à manger, j’écoutais leur échanger des plus cours tout en la voyant se détendre. Ainsi le vieux délavé ne pouvait pas assurer ma survie ? C’est vrai que je me sentais faible et que je menaçais de m’écrouler à chaque pas, mais je n’allais pas mourir, ça ne m’étais pas permis. Après avoir finis un rongeur je me redressais, attendant d’être sur de ne pas le recracher pour entamer le prochain. Mais alors que j’allais me réinstaller pour me rassasier j’entendis la voix de Jeff s’élever à mon attention. Mon regard acide se posa sur lui.

« Tu es bien gentil dis donc… Es-tu toujours prompts à écouter les soucis des autres ou est-ce exceptionnel ? »

J’avais envie de savoir, j’étais curieux de cela. J’étais désespéré, mais il avait sans doute mieux à faire que de m’écouter m’apitoyer sur mon sort. Je me sentais abandonner, immonde, et inutile, mais lui et la solitaire avaient sans doute d’autres ennemis à chatouiller. Soupirant longuement je détournais le museau et ramenais ma queue contre mon corps. Je me sentais hideux et rejeté. Pourtant je savais que j’avais une maison où rentrer…

« Dis moi Jeff, pourquoi ce loup a-t-il fait ça ? Que lui avais-je fais pour mériter un tel châtiment ? Je n’étais qu’un louveteau… »

Je voulais savoir, et à ce que l’on dit Jeff sais tout, ou presque. Enfin, moi je veux savoir, je veux comprendre… J’ai besoin de savoir, sinon je vais m’enliser dans l’incompréhension et dans la peine. Une peine ardente et violente qui me détruira sans doute aussi lentement que douloureusement. Hors je voulais comprendre, pour avancer, et revivre. Je voulais renaître de mon passé, un peu comme un phoenix de ses cendres. Je lançais un regard à la louve des cavernes qui ne semblait pas désirer quitter les lieux. Je lui donnais alors un petit coup de museau incertain.

« Merci pour le repas… Et… Pour ta présence… »

Je me sentais bien et rassurée avec elle prêt de moi. Elle n'était pourtant pas bien grande. Mais je sentais qu'elle me défendrait au péril de sa vie face à ce loup si jamais il devenait hostile. Et puis elle m'avait nourrit alors que personne ne lui avait demandé et... Et il y avait quelque chose en elle qui faisait que je ne désirais pas qu'elle parte.

Lorsque que Mya fut partit, Thanatos lui posa une simple question. Jeff hocha seulement la tête de manière positive. Ce dragon vert, c'était bel et bien lui. Par la suite, s'en suivit un silence entre eux. Thanatos reposa sa tête sur ses pattes et se posa plusieurs questions une fois de plus. Pendant ce temps, Jeff papillonna et observa une souris. Cela l'occupa complètement jusqu'au retour de la solitaire. Celle-ci déposa des rongeurs devant le museau du mâle qui se mit à dévorer ces proies fraichement tuées. Pendant ce temps-là, les deux solitaires échangèrent de façon brève.

Tu es bien gentil dis donc… Es-tu toujours prompts à écouter les soucis des autres ou est-ce exceptionnel ?

Le grand loup posa le regard sur lui et haussa simplement les épaules. Ça lui arrivait de temps à autre de jouer les psychologues, l'oreille attentive, la personne à qui parler. Souvent, il le faisait quand une personne lui semblait être sympathique et dans un besoin de parler ou d'avoir des éclaircissements. Qui de mieux était placé pour ce genre de rôle ? Mis à part Odine et Chérubin, bien qu'il ne connaisse pas la vie des gens : personne d'autre. Et puis, les personnes venaient d'elles-mêmes pour se lamenter dans ce lieu qui avait tout l'air d'y être propice. Il le faisait également parce que certains, restaient quelques jours et qu'au bout d'un moment, leur morosité finissait par empiéter sur son propre caractère. Cette transmission d'émotion, ça le faisait grave chier ! Donc, il y avait aussi un côté personnel dans la démarche. Il n'avait pas besoin d'être déprimé à cause de leurs ondes négatives nom d'un chien !

On va dire que ça arrive de temps à autre.

La sensation de malaise revient bien vite hanter le grand mâle draconique. Celui-ci se sentait inutile et seul. Il avait clairement perdu toute envie. Tout ce qu'il souhaite faire, c'est de rester cloitré ici. Il soupira longuement avant de tourner le museau vers Mya et de rabattre sa queue sur lui : il se recroquevillait. L'endroit n'était pas particulièrement chaud. Au contraire, il était fabriqué de pierres et celles-ci gardaient plutôt la fraicheur. Il essayait de se réchauffer, de sentir sa propre chaleur pour s'assurer sans doute qu'il était bien vivant. Finalement, sans bouger d'un poil, il posa de nouveau son regard vert acide sur Le Faucheur, quand celui-ci lui parla.

Dis moi Jeff, pourquoi ce loup a-t-il fait ça ? Que lui avais-je fais pour mériter un tel châtiment ? Je n’étais qu’un louveteau…

Ah oui, ce point-ci. Les souvenirs de se faire battre revenaient à la charge, mais il ne savait visiblement pas pourquoi il avait subit ça. Il attendit que l'hybride finisse de remercier Mya et que celle-ci échange quelques mots avec lui. Par la suite, Jeff ne le fit pas attendre plus et répondit :

Il a voulu obliger ta forme de dragon à sortir. Tu peux te transformer en dragon, et il le savait. Alors, il voulait la déclencher pour que tu puisses user de cette forme par la suite. C'est difficile les premières fois de faire sortir sa forme draconique quand on en a une en soit. La méthode douce n'a pas suffi, alors il est passé à la dure. Surtout quand il a vu que tu ne comprenais pas le langage draconique, ce qui aurait été une étape douce de plus. Les dragons rouges règlent leurs problèmes par la violence... Il soupira et ajouta : Tu devais être trop jeune pour pouvoir le faire je suppose... Il devait sans doute être trop impatient de te voir en dragon...

Impatient, c'est sûr que Melkulavim l'avait été. Dès qu'il avait décelé cette capacité chez son fils, il avait essayé à maintes reprises de lui faire déclencher cette forme. Ce, en vain. Il avait, bien entendu, envisagé le fait que son fils soit trop jeune encore, mais son irrépressible envie de le voir, avait gagné la partie. Si bien qu'au bout d'un moment, en ayant marre de patiner au même point, son caractère colérique prit le dessus. Il choisit la violence comme méthode envisageable pour faire jaillir ce maudit dragon. Une fois de plus, en vain. Alors, il abandonna son fils aux tanières dans l'espoir qu'en étant obligé de se débrouiller seul, celui-ci parvienne à accomplir le miracle attendu. Seulement, il n'avait pas prévu que le cerveau du louveteau bride sa mémoire suite à cet acte. Et il n'avait pas su non plus, que le dragon était finalement sorti bien après qu'il soit parti. C'est au bout de quelques jours, en revenant chercher son fils, qu'il sût qu'un clanique l'avait récupéré. Il entama alors une recherche et sût qu'il était devenu amnésique. Voyant que quelqu'un était là pour s'occuper de lui, il n'avait pas cherché à récupérer Nansaa. Il le fera quand le moment sera venu.

Toute cette histoire, Jeff l'a connaissait. Cependant, il n'allait pas tout lui dévoiler d'un bloc. Il attendait les questions pour y répondre en conséquence. Thanatos était déjà très mal en point. Alors, l’assommer d'informations sans qu'il ne les demande, ça risquait de l'achever ! La Faucheur ne souhaitait pas prendre de risque. Et puis, il n'allait pas tout assimiler s'il déballait tout d'une traite. Surtout que les tirades, ce n'était pas son truc. Il se permit tout de même d'ajouter un petit mot concernant sa sœur :

Ta sœur n'a pas eu ce problème, car il n'a pas décelé chez elle de capacité à se transformer en dragon. Par contre, elle parle le draconique naturellement et peut leur commander.

Cette information allait dans le sens de sa question et venait la compléter. Il préférait lui éclaircir ce point maintenant. Sinon, Thanatos risquait de se torturer l'esprit, en se demandant ce qui est arrivé à sa sœur pendant tout ce temps. Alors qu'il avait d'autres choses à penser là, tout de suite. Maintenant, c'était chose faite.

Toujours dans le fond du mausolée en présence de cette femelle dont la présence m’est si douce, j’observais l’autre mâle d’un regard relativement neutre. Je continuais de manger doucement tandis que je regardais l’autre loup. Ainsi ça lui arrivait de temps en temps d’être d’humeur social et de venir en aide à autrui. Soit, c’était à prendre en compte. En attendant l’aide qu’il était en train de m’apporter allé me mettre une dette sur le dos. Et je n’aimais pas franchement avoir des dettes. Puis quand il m’expliqua que mon propre père m’avait battu pour une raison aussi débile qu’un pouvoir un grognement et une insulte en draconique m’échappèrent.

Bien sur que si que je comprenais le draconique, j’appelais ça – La langue des piafs – parce qu’au clan de l’eau personne ne la parlait. Mais à mon arrivé là bas, mon problème numéro un avait été la communication pour cause de non compréhension de la langue commune. J’avais dû apprendre à parler la langue des loups, car dans ma tête ne trottait que des paroles en une langue que les autres ne comprenaient pas. Je poussais alors un soupir en me mettant en boule, faisant disparaître mon museau sous ma queue pour essayer de digérer l’information. Mais le choque émotionnel me fit ressortir mon maigre repas que je vomissais pas très loin de mont train arrière. Je me relevais alors lentement et prit un rongeur dans la gueule avant de m’avancer vers les escaliers du mausolée.

Je l’entendis ensuite parler de ma sœur. Ainsi j’avais belle et bien une sœur. Sans doute la voix féminine que j’entendais. A moins qu’il s’agisse de ma mère, je n’en étais pas sur. Je secouais lentement la tête, en fait je n’avais pas envie de savoir, j’étais déjà bien trop déprimé. Mon père, après m’avoir battu pour réveiller mon pouvoir, m’a abandonné dans une tanière comme on laisserait une carcasse de viande avariée. Je n’arrivais ni à l’accepter, ni à le supporter, ni même à pardonner cet acte. Un grondement sourd m’échappa, si un jour je vois mon père biologique, mon cerveau risque bien de se mettre en vieil pour que mon corps l’attaque avec toute la rage, la colère et la peine que j’ai accumulé ses derniers années. Je lançais un regard à la femelle dans mon dos.

« Rentres chez toi… »

Je montais les premières marches du mausolée avant de parvenir à me hisser à l’extérieur. Je frôlais le pelage de Jeff tout en lui lançant un regard aussi triste qu’énerver. Sans doute un beau mélange des deux émotions qui se disputaient le monopole du pouvoir au fond de mon âme.

« Merci pour les informations Jeff… Mais je ne tiens pas en entendre plus pour le moment…. »

Je voulais rentrer chez moi… Voir l’alchimiste pour qu’il me drogue avec un truc tellement fort que j’oublierais et planerais quelques longues heures. Je voulais aussi voir mon père, celui qui m’avait élevé, et que je considérais d’avantage comme mon père. Je voulais me blottir dans son pelage, et ne plus bouger pendant des heures, des jours, voir des semaines… Une fois hors du mausolée je fis quelques pas avant de m’effondrer sur la terre meuble et sale du cimetière. Un couinement m’échappant à cause du choque. J’avais très envie de fermer les yeux, de m’endormir et de ne plus me réveiller du tout. Mais le désir de voir Kaporal, et de me sentir rassuré fut bien plus fort. J’ouvris alors mes ailes et les secouais, quelques battements difficiles avant que je ne trouve la force de me soulever de terre et de m’envoler. Je ne reviendrais pas ici, jamais… Surtout si c’est pour me rappelais de cette journée insupportable.

Le mâle gris ne dit rien pendant que le blanc parlait. Il se contenta de manger tout en l'écoutant. Ce n'était pas plus mal. Au moins, il ne l'interrompait pas. Ce qui était appréciable. Une fois que Jeff finit, un grognement s'échappa de la gueule de Thanatos. Ensuite, il dit à la femelle de rentrer chez elle. Puis, il se leva, dégobilla et se mit en marche vers l'extérieur.

Jeff regarda ce vomi avec dégoût. Il n'aimait pas que l'on vienne salir de la sorte une tombe ou un mausolée. Fort heureusement, la chose venait d'être régurgitée à peine avalée. De ce fait, son corbeau le mangera. Parce qu'il ne fallait pas compter sur Thanatos pour ramasser la chose, il se cassait déjà sans se soucier de ce qu'il venait de faire. Jeff leva légèrement sa babine supérieure, dévoilant un peu sa canine pointue. Il fixa cette chose avant de porter un regard dur sur le loup-dragon. Néanmoins, il ne dit rien et le regarda simplement passer. Le loup gris le remercia. Il continua de ne rien dire. Il lui fallait retenir son envie de dire quoique ce soit... Sinon, c'est une réprimande qui allait sans échapper.

Le Faucheur se leva, sauta sans un bruit du bloc de marbre et suivit Thanatos pour sortir lui aussi. Jeff sortit peu de temps après le mâle gris. Celui-ci déploya ses ailes, et après quelques battements, réussit à s'envoler malgré ses maigres forces. Jeff le regarda s'éloigner dubitatif, il allait sans doute s'écraser en route... Quoiqu'il en soit, il n'était plus là et il fallait régler un problème. Il se retourna vers l'entrée du mausolée et appela son corbeau qui ne mit pas longtemps à venir se poser sur son dos. Le Faucheur rentra de nouveau et envoya son corbeau sur la proie pré-mâchée et enrobée de bile.