Une personne l'avait poussé à quitter son cimetière. Une personne l'avait poussé à entrer dans le désert. Pourquoi certains choisissent-ils le désert pour mourir ? Il n'aimait pas arpenter le désert à la recherche d'un mort. Entre la chaleur caniculaire le jour et la chaleur douce relativement douce la nuit, le sable où l'on s'enfonce et les dragons, récupérer une simple âme se révélait être tout un défi. Un défi qu'il n'aimait pas vraiment relever. Mais tel était son job et il y avait ses désavantages...
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Il soupira. Fort heureusement, il était tôt. Le soleil venait de se lever. Par conséquent, il faisait encore bon. La température était bien supportable, c'était agréable. Il n'avait pas à subir les rayons brûlant du soleil et tant mieux. Ses pattes s'enfonçaient dans le sable noir, mais en l'absence de la chaleur étouffante, la marche ne se fit pas trop pénible. En ce moment, c'était comme marcher sur la plage. Finalement, cette traversée n’était pas si horrible que cela. Il avait eu un excellent timing. Il leva les yeux et aperçut l'oasis. Enfin. Il vit au loin des vautours postés sur des branches. Ces charognards cherchaient déjà quelque chose à se mettre dans le bec. La personne sur sa liste en fera même, peut-être, partie d'ici la fin de la journée.

Posant une patte sur l'oasis, sa première action fut de boire. Il alla laper le liquide translucide encore frais. Il n'avait pas bu depuis hier soir. Une fois ce besoin assouvit, il se redressa et chercha du regard sa potentielle victime. Il la trouva sans mal et se dirigea vers elle. Devait-il attendre qu'elle meurt ? Ou au contraire, devait-il lui prodiguer ses conseils ? Il opta pour la deuxième solution. Ce choix fera sans doute la joie d'Odine. Du moins, si la renarde survit malgré tout. Il continua, s'avançant d'un pas lourd, afin qu'elle l'entende arriver et ne soit pas surprise. Il se posta à côté d'elle, son ombre étirée lui passa dessus. Puis, sans même se présenter, il lui dit :

Nalie... Si j'étais toi, je quitterai cet endroit et j'irai rejoindre un clan. Ta mère ne reviendra pas.

C'était direct, sans délicatesse et ne passant pas par quatre chemin. Après tout, il n'était pas venu jusqu'à l'oasis Doushite pour faire du baby-sitting. Il souhaitait repartir aussi vite qu'il le pouvait. La chaleur du désert était frappante. Pour l'instant, elle n'y était pas, mais elle pourrait vite arriver. Il aimait la chaleur, mais le désert cuisait au lieu de simplement réchauffer. Pour l'instant, la température était plutôt bonne. Il avait réussi à échapper à la plupart du désert en le contournant, passant par un bout des plantes mouvantes et par la forêt des rêves bleus. Certes, cela avait été plus long en terme de kilomètres, mais bien mieux en terme d'aisance pour se déplacer.

Il fit apparaître sa faux, celle-ci apparut plantée dans le sol. Le sablier pendait, le soleil encore un peu faible fit briller légèrement le verre. Il observa un instant l'objet dont le réservoir du haut est presque vide. Soit cette renarde le suivait jusqu'à un campement, soit il attendait qu'elle meurt. Ce n'était plus qu'une question de temps : le sable l'indiquait clairement. Dans les deux cas, il repartira avec elle.

La renarde ne sursauta pas. Elle l'avait donc bien entendu s'approcher. Elle était faible, à deux doigt de rendre l'âme. En tout cas, un rien pourrait la tuer en ce moment précis. Elle rassembla ses maigres forces pour se redresser. Elle tourna ensuite sa tête vers lui. Ne pouvant pas le voir, son regard parcourut la zone.

- Comment vous pouvez en être sûr...? Vous débarquez, comme ça, subitement et vous prétendez savoir que ma mère n'est plus là...? Comment je pourrais vous croire...?
- Sache simplement que je suis ton guide. Maintenant, à toi de me dire si je dois te guider vers La Mort ou vers La Vie. Met rend toi à l'évidence : toute seule, ton handicap te rend faible. Je parie que tu n'as même pas appris à chasser ? Si tu choisis La Vie, n'espère pas vivre sans un clan... Là-bas, ils pourront t'aider et t'apprendre à vivre avec ton handicap.

Il jeta un dernier coup d’œil à sa faux et la fit disparaître. Il ne fallait pas tourner autour du pot et il fallait faire vite. Espérons qu'elle ne bataillera pas à en savoir plus sur cet étrange personnage qui est venu l'aborder. Sinon, cela allait prendre du temps, un temps précieux pour elle. Après quelques instant de réflexion, elle déclara enfin :

- Oui... Il est peut-être temps que je parte d'ici... Mais... Ce Clan... va-t-il vraiment m'accepter...?
- Sage décision, lui répondit-il en suivant. Les clans sont susceptibles d'accepter tout le monde du moment que la personne ne souhaite pas leur nuire.

Jeff se déplaça alors. Il s'assit, dos au soleil, son ombre recouvrant à présent entièrement Nalie qui devait commencer à ne plus en pouvoir. Bien que la chaleur soit supportable, vu sa maigre espérance de vie, cela pourrait bien finir de l'achever. Il leva un peu le museau, fixant un arbre de l'oasis et se mit à réfléchir à voix haute.

Parmi les quatre clans, ce n'est pas la peine que je t'emmène chez les Feux. Zal te tuera de suite en voyant ton handicap, tu finiras oméga en essuyant ses coups ou il te chassera. Tu reviendras à la case départ, voir pire. Les Terres sont un clan guerrier. Ils pourraient t’accueillir et te trouver une place, mais ce n'est pas conseillé. Ils sont très portés sur la guerre, la filature, l'assassinat. Ils ne pourront pas bien t'apporter l'aide dont tu as besoin. Dans ces deux clans, tu risques plus de finir en croquettes qu'autre chose.

Il marqua une pause et reposa les yeux sur elle.

Il ne te reste plus que l'Air et l'Eau. L'Air est porté sur la stratégie, ils pourront donc fortement t'aider à vivre en développant tes autres sens. Leurs terres sont relativement plates, bien que le campement soit sur une montagne ce qui pourrait être dangereux pour toi. Tu pourrais tomber ou glisser. C'est l'un des points noirs pour toi. De plus, ils sont en tension avec les Feux.

Après une nouvelle pause de quelques secondes, il termina avec le dernier clan.

L'Eau te sera aussi favorable. Leurs terres sont plates, ils allient à la fois stratégie et combat. Ils pourront aider tes sens à se développer sur ces deux plans. Ils aiment beaucoup la chasse aussi et pourront t'enseigner quelques tactiques pour que tu puisses te nourrir seule. Bien que leur campement se situe sous l'eau, un accès facile par le biais d'une galerie a été construit. Je préconise ce clan plutôt qu'un autre.

Il se leva par la suite et entra dans l'eau de l'oasis. Il scruta l'eau limpide à la recherche d'un poisson, chose qu'il trouva aisément. Il y en avait même plusieurs. Pendant qu'il s’affairait à essayer d'en pêcher un, il lui laissait ainsi tout le loisir de réfléchir. Il s'avança le plus doucement possible dans l'eau afin de ne pas les faire fuir. Il se stoppa après quelques petits pas et laissa les poissons venir à lui. La pêche était avant tout de la patience pendant laquelle il ne fallait absolument pas louper son coup. Ça pouvait durer longtemps. Au moins, Nalie aurait largement le temps de réfléchir à ce que lui avait dit Jeff. Après plusieurs minutes d'attentes, un petit banc de poissons se détacha du lot et vint nager autour du loup blanc. Une fois le moment venu, Jeff n'hésita pas à plonger la tête dans l'eau pour attraper le poisson désiré. Il ressortit le museau hors de l'eau avec en sa gueule l'un des poissons. Victorieux, il remonta sur la berge et déposa le butin devant la truffe de la renarde.

Mange ! On a de la route à faire et je n'ai pas l'intention que tu crèves dans le désert. As-tu pris ta décision ? Que choisis-tu ?

Il leva la tête vers le ciel et le scruta quelques instant avent de l'abaisser par la suite, comme auparavant.

Je te conseille de faire vite : le soleil va devenir de plus en plus brûlant. Profitons qu'il ne le soit pas trop encore pour s'extirper de là.

- Le Clan de l'Eau est si loin que ça ?
- Nous y serons sans doute cette après-midi. Mais je préfère m'échapper du désert le plus vite possible.

À peine le poisson déposé, la renarde huma la chose et ne tarda pas à le dévorer. Il attendit qu'elle finisse son repas. Son pelage mouillé ruisselant commençait déjà à sécher. Pendant ce laps de temps, il jugea l'état de la renarde. Bien qu'elle vînt de manger entièrement ce poisson, tout effort trop physique pourrait amenuiser ces quelques forces retrouvées. Elle était encore faible. Marcher dans le désert demandait une forme physique au minimum normale. On ne tenait pas dans le désert avec des faiblesses. Sinon, vous vous écroulerez vite et les charognards vous tourneront autour jusqu'à votre mort. Il soupira légèrement. Il prit donc la décision de la porter pendant la traversée. Il était très grand et en comparaison, elle était très petite : la portée sera chose aisée. La renarde avait accepté son aide, il ne pouvait donc pas se rétracter. Il avait surtout trop peur qu'Odine l'apprenne par la suite et lui passe un savon. Et quand Odine décidait de l'engueuler, elle pouvait le chercher même dans les pires endroits du pays. Il ne lui échapperait pas et il passerait un mauvais quart d'heure, en plus de dégrader leur relation.

Tu es encore faible. Je vais te porter pendant la traversé du désert. Ce sera par la suite plus facile pour toi de marcher.

Il se posa tout près d'elle, la collant même pour qu'elle ressente sa présente. Il s'accroupit, lui permettant de grimper sur son dos aisément. Quand elle posa son avant-main sur lui, grâce à sa tête et son épaule, il l'aida à grimper en la poussant et la soutenant du mieux qu'il put. Il aurait pu la transporter par la peau du coup comme fait une mère. Mais, il jugeait que c'était beaucoup moins contraignant pour marcher s'il faisait office de monture. Il l'avertit qu'il allait se redresser, afin qu'elle se cramponne et ne passe pas par-dessus bord. Une fois ceci fait, il attendit qu'elle se mette bien sur son dos, c’est-à-dire, allongée avec les pattes de chaque côté de son corps, pour partir.

La traversée fut fort heureusement moins pénible que l'on aurait pu le croire, pour Jeff. Le soleil tapait de plus en plus pendant le retour, néanmoins, il tenait bon et la chaleur ne le gênait point. Le désert atteignit sa température culminante quand Le Faucheur foula le sol du domaine du château du Crépuscule. À l’abri de l'ombre d'un arbre, il fit descendre Nalie. Ils continuèrent la route jusqu'au campement de l'Eau, s'arrêtant de temps en temps pour que la renarde se repose et s'abreuvant aux chutes magistrales.