Kelekt allait, une fois encore, se rendre à la Rivière de la Roche afin de se changer les idées. La dernière fois, on ne peut pas dire que ce fut une balade tranquille car elle avait rencontré le long de la rivière un solitaire nommé Deenos. Cette rencontre s'est avéré assez tendue car elle ne supporte pas bien la présence d'un mâle et encore plus celle d'un solitaire.
Elle partit donc du palais lumineux en cet après-midi de début d'automne, la température c'était rafraîchie, le soleil étai moins présent que pendant la période estivale. La juge n'étant pas du genre à se plaindre de la température n'en tint pas compte, mais la perspective de finir sous une averse lui était déplaisante.
Le ciel était nuageux au moment où elle arrivait au niveau de la rivière. Les lieux étaient calmes, comme à l'accoutumée. La louve blanche ne percevait pas de présence indésirable comme la dernière fois. Elle monta alors sur le grand rocher en effectuant un saut souple, se coucha et s'endormit à point fermer. Elle se réveillerai à la moindre agitation.

Kelekt entendit du bruit, ses oreilles s'orientèrent dans la direction de ce dernier puis elle entrouvrit un œil afin de pouvoir observer le nouveau venu. En faite il s'agissait d'une nouvelle venue, une louve au pelage mauve avec quelques tâches d'autres couleurs. Elle était face au vent, la juge ne pouvait pas sentir son odeur. Cette louve pouvait être n'importe qui, la louve blanche ne l'avait jamais vu.
Elle avait la queue battante et venait boire à la rivière. Suite à ça elle s'étira longuement, elle avait sans doute beaucoup marcher avant d'arriver ici, renforçant la suspicion de Kelekt. Puis, l'inconnue regarda dans sa direction, elle l'avait senti et Kelekt n'était pas franchement invisible avec son pelage blanc dans une forêt qui commençait à prendre des teintes marron-orange.
Elle ne bougea pas mais garda un œil entrouvert afin de réagir vite en cas d'agression. Elle était sur son territoire après tout, elle se battrait si on l'attaquait. Au fond d'elle, la juge souhaitait que cette louve quitte les lieux sans l'approcher mais il faut croire qu'il y a beaucoup de passage dans ce secteur, aussi elle tâcherait d'en apprendre plus sur elle si elle venait à approcher sans manifester de mauvaises intentions.

Le regard de l'inconnue finit par croiser celui de Kelekt mais elle ne bougea pas. On aurait dit que la louve mauve la jaugeait du regard, qu'elle analysait son comportement. Elle garda le regard fixer sur la juge qui en faisait autant avec son œil entrouvert. Finalement l'inconnue inspira profondément et engagea le dialogue :

Tu es du clan n’est-ce pas ? Je me nomme Minerva, et je suis l’un des gardiens du territoire du clan du Feu. Et toi quel es ton nom ?

Elle avait parlait assez fort pour bien se faire entendre. Ainsi elle était gardienne et de son clan en plus, voilà qui éviterait sans doute la situation tendue qu'elle avait eu avec l'autre loup qu'elle avait rencontré ici. La louve blanche se redressa un peu sans se lever pour autant, elle ne se sentait pas menacée au vue de la distance qui les séparait. Elle put alors jeter son habituel regard pas franchement amical à la gardienne. Elle répondit alors :

Je suis Kelekt, juge du clan du feu.

Elle avait aussi donné un peu de force à sa voix pour se faire entendre. La juge n'avait cependant pas envie de questionner la louve mauve, si elle était ici, c'était sans doute pour faire un break un peu comme elle dans le fond. Elle se contenta de fixer la louve, une expression neutre sur la face.

Kelekt continuait de fixer Minerva avec son regard froid si caractéristique. Mais d'un coup, un peu après qu'elle ai donné son nom, l'attitude de la louve mauve changea, elle c'était mise à sourire largement. Elle baissa légèrement la tête vers le bas, ce geste est souvent une manifestation de respect à l'égard d'une personne. La louve blanche n'avait pas l'habitude que l'on effectue ce geste en la croisant, cette gardienne devait beaucoup estimer le rôle des religieux. Après ce geste, elle dit :

On m’a déjà parlé de toi. Tu es la louve qui vit au sanctuaire d’Eléonore. Enchantée de faire ta connaissance, Kelekt.

Kelekt commençait à apprécier cette louve, elle montrait du respect face aux rangs religieux, ce qui se fait rare de nos jours. La gardienne se redressa lentement, elle guettait probablement une réaction de la part de la juge, mais elle ne fit rien. Après s'être relever, la louve mauve poursuivit :

Est-ce que tu me permettrais de réduire un peu la distance entre nous ? Crier pour me faire entendre n’est pas mon fort, c’est même assez pénible.

Kelekt se détendit, Minerva ne représentait pas une menace pour elle, plutôt une agréable compagnie. Elle fit un geste d'assentiment, autorisant la louve mauve à approcher. Son regard se faisait moins pesant sur la gardienne.

Après avoir donner son accord, Minerva se rapprocha lentement de Kelekt. Une fois à environ un mètre du rocher où se trouvait la juge, elle hocha la tête en signe de remerciement et s'allongea dans l'herbe. Elle engagea alors la conversation :

C’est beau ici, tu ne trouves pas ? Est-ce que tu y viens souvent ?

Ce n'était la façon la plus fine de commencer une conversation, mais cette gardienne avait manifesté trop de respect pour que la blanche se permette de la rembarrer, ce ne serait pas très aimable. La situation aurait était différente si ça avait était un garde, mais Kelekt ne voulait pas y penser. Pendant son instant de réflexion, Minerva s'était mis à fixer la blanche dans les yeux, elle voulait percer ses intentions mais c'était peine perdue pour elle, Kelekt avait pour habitude de ne pas être très expressive. La juge répondit alors :

Oui, c'est un endroit magnifique et, par-dessus, tout assez calme. J'y viens quand je trouve le Palais Lumineux un peu étouffant. Ça me permet de prendre l'air.

Elle avait décidé de jouer franc-jeu avec la mauve, pour voir ce qui en ressortirait. La mauve poursuivit juste après :

C’est la première fois que je te vois, alors je suis un peu impressionnée. Excuse-moi si je suis maladroite…

Certes, elle n'était pas la plus fine interlocutrice qui soit, mais elle était bien élevé et la blanche appréciait ce trait. Elle répondit donc :

C'est vrai, tu n'es pas la plus adroite que j'ai rencontrée. Mais tu as un respect pour les religieux qui se fait rare. J'apprécie ton estime pour les rangs religieux, mais nous ne sommes que les messagers de dieux et leur représentants, nous ne sommes pas supérieurs aux autres loups. Nous agissons en temps que conseiller.

C'était étrange, Kelekt n'avait pas l'habitude de parler autant, mais elle se sentait bien en compagnie Minerva, alors elle quittait peu à peu son aspect glacial.

La gardienne semblait d'accord avec Kelekt sur l'aspect calme et reposant de la Rivière de la Roche. Après que la juge ai fait preuve d'une franchise un peu poussée, la mauve éclata de rire. Elle se calma rapidement et afficha un sourire en coin tendit qu'elle regardait la rivière. Minerva dit alors :

Merci de ta franchise Kelekt. Il est rare le nombre de loup encore honnête ici, tout comme tu as fait remarquer la rareté de ceux qui respect les loups et louves tel que toi.

Elle s'arrêta un instant pour sourire franchement à la juge, un geste qu'elle n'avait plus l'habitude de voir. La gardienne poursuivit :

Il est normal de respecter ceux qui se voue aux Dieux, et quoi que tu en dises je trouve que vous êtes tout de même au-dessus de nous autres. C’est grâce à vous que nous pouvons avoir la clémence des divinités, grâce à votre travail de messager comme tu le dis.

C'était bien parlé d'après Kelekt même si elle voulait rester modeste, le rôle des religieux était important pour les clans. Cette louve était bien la meilleure rencontre qu'elle ai fait ici. Elle dit alors :

C'est vrai, mais je n'aime pas me montrer arrogante. Pour moi, les religieux tiennent un rôle simplement différent des autres comme le rôle de nourrice est très différent du rôle de gardienne. J'aurai pu être guerrière ou gardienne, mais j'ai opté pour la voie des religieux.

Quand elle y pense, c'est vrai que la raison de son choix était pour le moins bête, les loups aujourd'hui respectent plus un guerrier qu'un religieux, mais elle s'en fichait. Elle affichait un léger sourire qui rompait son air habituellement si neutre. Elle se mit à regarder Minerva dans les yeux elle aussi et dit ;

Et toi ? Comment en es-tu arrivée au statut de gardienne ? Par préférence, ou pour une raison personnelle ?

Elle avait peut-être posé la question de trop, mais elle voulait en apprendre plus sur la mauve. Discuter du respect et de l'importance des religieux c'est bien beau, mais elles ne pourraient pas en parler pendant des heures.

La dernière question de Kelekt sembla surprendre Minerva car elle eu un soubresaut probablement involontaire, mais elle garda son sourire puis répondit :

J’ai fait le choix de devenir gardienne pour une raison personnelle.

La juge s'apprêter à demander une précision, mais son interlocutrice eu un frisson et poursuivit :

Je n’ai jamais connu mon père, c’était un solitaire. Ma mère nous a donc élevé seule mes frères et moi, mais elle n’était pas vraiment heureuse dans la meute car mon père lui manquait beaucoup. Ils s’aimaient vraiment tu sais ? Alors elle a déserté la meute, nous laissant tous les trois alors que l’on venait à peine d’apprendre à se débrouiller tout seuls.  Minerva fit une pause et fixa son regard sur la rivière. Du coup je me suis occupée de mes frères. Shivar, mon grand frère est mort en tant qu’espion pour la meute, et Layk mon petit frère est partit explorer le monde.  La gardienne soupira. Je ne sais pas ce qu’est devenue ma mère, ni mon dernier frère, mais je prie les dieux tous les jours pour qu’ils aillent bien. J’aimerai les revoir, mais même si ce n’est pas possible tant qu’ils sont en vie, alors je suis heureuse.

La blanche l'avait écouté sans broncher. Au final, elles avaient au moins un point commun, aucune des deux n'avaient connue leur père. Mais Minerva semblait plus attristée par la mort de son grand frère et la disparition de son petit frère. C'était compréhensible, Kelekt n'avait que sa mère, elle n'avait donc qu'une personne dont la disparition l'affligerai, pourvu que cela se produise aussi tard que possible pensa-t-elle. Pendant ce temps de réflexion, la mauve avait de nouveau fixé son regard sur elle, elle arborait un grand sourire mais la juge n'était pas dupe, elle voyait bien sa peine dans son regard. La gardienne ajouta :

Voilà pourquoi je suis devenue gardienne. Pour protéger les miens et ne plus avoir l’angoisse de ne pas savoir s’ils sont en vie ou non. Un peu ridicule tu ne trouves pas ?

Ses derniers mots firent tiquer Kelekt, elle se leva, sauta du rocher, elle se retrouva à moins d'un mètre de la mauve. Elle dit alors, sur un ton entre l'autorité et le reproche :

Ne pense jamais que protéger les tiens est ridicule, chacun à ses motivations, et pour le coup les tiennes sont plus nobles que les miennes. Elle s'assit et reprit son ton neutre avant d'ajouter : Je n'ai pas connu mon père moi non-plus, ma mère m'a dit que c'était un couard, il a fuit quand il a apprit qu'il aller devenir père. Je ne l'ai jamais croiser, si ça finit par arriver... Je ne sais pas vraiment ce que je ferais.

De nouveau, elle avait parlé d'elle suite à une confidence d'un autre loup. Elle n'aime pas penser à son père, elle le déteste, mais pourtant, si elle le voyait, elle ne saurait pas quoi faire. Elle avait un peu baisser la tête, elle regardait maintenant vers la rivière. C'est bizarre, cet endroit menait souvent à évoquer son père. Elle avait un air pensif, un peu ailleurs. Kelekt se trouvait à moins d'un mètre de Minerva.