Le soleil se couchait lentement sur les plaines des Elémenloups, on pouvait encore apercevoir de la neige au sommet des montagnes qui s'était accumulée au cours de l'hiver et qui avait encore du mal à disparaître. Les oiseaux étaient nombreux à voleter et à siffloter dans les arbres, marquant l'arrivée du soir. Phenom marchait sur un tapis de feuilles humides, rafraîchies par l'arrivée de la nuit.
Bien loin de l'image de paix qu'ammène le printemps, le loup avançait entre les longues ombres des arbres qui s'étirait sur le paysage. Son regard ambré, dur, comme figé dans le temps, luisait dans la pénombre. Il avançait de quelques pas, observait chaque branche, chaque brin d'herbe avec attention, puis reniflait, grattait le sol de temps en temps, puis refaisait quelques pas. Il les cherchait. Eux. Les enfants de l'assassin de ses parents. Il le savait, il n'y avait aucun doute, c'était lui. Kario. Grand, d'une stature imposante, avec son ignoble queue de lézard. Il l'avait vu une fois, lui et sa famille, heureux. Comment pouvait-on se permettre d'être heureux lorsqu'on a réduit à néant le bonheur de quelqu'un d'autre. Phenom ne pensait plus au bonheur, il savait qu'il l'avait perdu, comme enterré au fond d'un goufre et la seule pelle capable de le retrouver, peut être, pendant quelques instants au moins, c'était la vengeance. La clé de son bonheur, c'était de voir souffrir celui qui l'avait fait souffrir, de la même façon qu'il avait souffert.
C'était dans cette optique qu'il s'était rendu dans les territoires de l'Eau, c'était ses rêves qui l'ont poussés à passer à l'action. Des rêves sombres, cruels, peints de rouge et de noir, où le sang et la misère coulent à flots. Pourtant, ce n'est pas quelqu'un de mauvais, la preuve est qu'il avait réprouver ses idées meutrières pendant un long moment. Mais tous les soirs il les voyait, sa mère en particulier, ses orbites sont vides et sa bouche tellement pleine de sang qu'il ne comprend pas un mot de ce qu'elle lui dit. Phenom voit sa mère en rêve, et elle a l'air de tout, sauf d'être en paix.
Ils sont là. se dit-il, le nez pointé vers une immense caverne. Phenom y entra sans se cacher, il les a renifler depuis longtemps et sait bien qu'ils sont seuls. Ils sont deux, deux louveteaux à observer les cristaux qui commençaient à briller dans l'obscurité naissante. Phenom s'approcha et s'assit comme une ombre, il fit grincer ses griffes contre le la pierre pour qu'on le remarque, s'éforça de sourire, et s'exclama de sa voix rauque et chuchotante, comme celle d'un serpent, regardant les louveteaux de sa faible hauteur, ses yeux orangés de plus en plus luisants.

- La nuit va bientôt tomber, ce n'est pas très prudent d'être ici en pleine nuit...

Une patte appuyée contre l'entaille sous son oeil, Phenom ne réagissait pas aux propos de la loupiote, le visage assombri et pas seulement par la nuit qui tombait au dehors, mais aussi par la rage qui naissait en lui à ce moment précis. Bien que les blessures faites par la petite louve étaient superficielles et bénignes, la brûlure que lui causait la douleur de ces écorchures allumait un immense feu qui était resté en lui, à l'état de braises, pendant très longtemps. Trop longtemps.
Phenom se redressa lentement, lourdement, décidé. Son rire rauque s'éleva à travers la grotte, en même temps qu'un nuage de fumée mauve qui embomait bientôt la grotte en entier. Il fit un pas, puis deux, ses griffes démesurées grinçant sur le sol rocailleux, il ne savait pas si les louveteaux l'entendait, peut être déjà endormis par le gaz soporifique, mais il lança d'un ton grave, marqué cependant par un brin d'amusement qui donnait la chair de poule.

- J'ai autant le droit d'être ici que vous, et je m'en fiche complètement de votre mère, pour être franc, j'aimerais qu'elle crève, autant que toute votre famille d'assassins...

Il s'avança jusqu'au deux louveteau et attendit qu'ils soient complètement endormis, les fixant de ses yeux ambrés, qui brillaient autant que les cristaux colorés de la caverne, entre les rayons blafards de la lune qui commençait à percé à l'horizon...

Phenom sourit en voyant les deux petits êtres s'éffondrer sur le sol. Il resta un petit moment, là, assis, à les regarder fièrement, le regard perçant à travers les volutes de fumée violette qui les entouraient. Il finit par s'approcher d'eux. Il les renifla timidement, les palpa du bout de ses griffes, tourna autour d'eux. Il finit par saisir le cou de sa première victime: la petite femelle qui avait osé s'en prendre à lui plus tôt. Il la secoua furieusement, comme un vulgaire chiffon, avant de l'envoyer valser à l'autre bout de la grotte. Il grimaça lorsqu'il remarqua que le sang coulait le long de sa langue reptilienne, il se hâta de l'avaler. Âcre, le goût lui restait dans la gorge, mais il n'y fit pas attention. Il était aveuglé par sa soif de vengeance, et le seul moyen de l'étancher était de faire couler les larmes de ceux qui l'avait fait souffrir. Il se jeta sur l'autre louveteau, un grognement commençait à naître au fond de sa gorge, parfois noyé par le sang qui remplissait sa gueule au fur et à mesure...
Après, il ne se souvient plus. La haine lui avait fais perdre ses sens, il ne voyait plus, n'entendait plus, ne sentait plus. Seul l'image de ses parents qui jonchaient le sol, entouré de ce liquide écarlate qui avait remplit la gueule de leur meurtrier, et qui remplissait maintenant la sienne...
Soudain, il revint à lui. La fumée violette qui remplissait la caverne s'était presque entièrement dissipée, les cristaux brillait de nouveau sous la douce lumière de la lune, dans le rythme du chant des grillons. C'était calme. Phenom se leva, les muscles endoloris. Il mit un moment à se rendre compte qu'il était sur une scène de crime. Sur la scène de son propre crime. Il se leva brusquement, paniqué, il observa furieusement les alentours. Les louveteaux étaient toujours là, il ne savait pas s'ils étaient mort, mais c'était vraiment le cadet de ses soucis. Il soupira, soulagé de voir qu'ils étaient là, et que personne ne les avaient encore vus.
Sans attendre plus longtemps, Phenom se glissa hors de la caverne, avant de lancer un dernier regard aux de louveteaux, baignés par la lumière de la lune. Il murmura un triste "désolé" avant de s'enfuir dans l'obscurité...