C'était le grand jour! Enfin!

Myrinne avait reçu il y avait trois jours un nouvel arrivage de peaux, de larges peaux. Les groupes de chasse avaient réussi à abattre deux cerfs géants et personne n'avait réclamé leur toison, Myrinne les avait donc récupéré et les avait lentement déshydraté tout en les raclant avec une pierre lisse pour enlever les poils.

Au bout de trois longs jours, le cuir était magnifique, légèrement élastique et bien épais, une aubaine pour la tanneuse! Elle avait hâte de faire plein de trucs avec, des pièces d'armure? Des gourdes? Des sangles? N'importe quoi! quoi qu'il se passe, elle serait ravie de les utiliser, mais pas pour rien.

Maintenant, Myrinne faisait des plans, elle imaginait mille et une tenues dignes d'être faites avec ce large cuir. mais elle raturait et recommençait à chaque fois.

Pour ses croquis, la louve avait récupérer de larges écorces de bouleau, et avait pu piquer un charbon à un loup maitrisant le feu. Il dessinait bien, mais elle devait en changer souvent et il lui était compliqué de nettoyer les écorces. Aussi, la pile de son stock diminuait à vue d’œil, alors que la louve se grattait le menton, répendant du noir de charbon partout sur son visage et ses couettes.

La louve, concentrée, remarqua du coin du regard l’irruption de sa frangine dans l’atelier. Pour autant, Myrinne ne décolla pas de son morceau d’écorce, une moue de tension tant elle était concentrée déformant lentement son visage, faisant sortir sa langue du bout de ses babines en fronçant les sourcils et le museau.

Bérylle s’aventura plus en avant dans l’atelier, et la tanneuse la devinait être entrain de zieuter partout. Ca ne la dérangeait guère, la louve tanneuse n’avait rien à cacher à sa chère sœur. Toutefois quand cette dernière admira la magnifique pièce de cuir rapportée par les chasseurs, Myrinne tendit une patte vers elle, fixant toujours sa maudite écorce griffonnée.


C’était pas le moment que Myrinne soit déconcentrée. Sa grimace s’accentua alors qu’une idée germait dans son esprit. De l’autre patte, elle griffonna une espèce de trait. Elle maintenait son charbon par un harnais fabriqué rien que pour cette utilisation. Son père à l’époque maniait le charbon par la gueule, et avec ça il avait toujours les crocs magnifiquement blancs. Mais Myrinne détestait le gout rance de ces trucs-là, et son harnais permettait de tenir le charbon dans le creux de sa patte sans qu’elle n’ait peur de le perdre.

Puis son visage s’éclaira soudainement, et dans une exclamation, elle traca d’autres traits avant de redresser la tête, ébahie par le génie de son idée ! Alors elle recula pour admirer l’écorce griffonée de traits et de symboles qu’elle seule comprenait, le sourire large aux babines.


Aussitôt, Myrinne sautilla jusqu’à l’un de ses établis pour y déposer son harnais de patte et le morceau de charbon avec les autres, puis elle sautilla à nouveau jusqu’à la peau de cerf géant, et sa sœur, lui affichant son sourire le plus enjoué, oubliant totalement qu’elle avait la moitié de la face crasseuse de charbon.

On ne peut mieux ! T’as pas idée de savoir à quel point j’ai hâte que cette peau soit prête à être travaillée ! Et toi madame la guerrière, pas trop dur la vie de militaire ?

Elle pencha la tête en haussant ses sourcils plusieurs fois avec un petit sourire mesquin, tout en faisant mine de rouler les muscles qu’elle n’avait pas beaucoup.

Bérylle ne fut pas submerger par l'enthousiasme de Myrinne, lui semblait-il. alors cette dernière sautilla d'autant plus pour combler la pose inerte de sa sœur. Quand elle imita un bon gros macho de militaire, elle réussit cependant à faire craquer sa soeur, qui éclata d'un rire plus que contagieux dans lequel la tanneuse se plongea aussi, avant de se figer à sa remarque.

La mine pleine de charbon? elle ouvrit grand les yeux avant d'éclater de rire à nouveau. Elle s'était encore foutu du noir partout! Heureusement que sa soeur était là pour le lui dire, sinon seuls les dieux savaient combien de temps il aurait fallu à l'artisane pour le savoir. Son corps toujours secoué de rire, elle se dirigea vers une vasque d'eau et y plongea la tête en la frottant avec ses pattes. En sortant , elle jeta un regard intéressé à Bérylle.



Elle pouffa en imaginant la scène. Elle n'avait pas plus de détail, mais aurait trouvé ça hilarant que ça soit sur l'une des plus anciennes juges du clan. L'atelier de Myrinne n'était pas très proche du centre névralgique du camps. elle saisit l'une des étoffes qu'elle avait récupéré de son père et se frotta le visage avec pour essuyer le gros de l'eau, après quoi elle coula un regard intéressé vers sa sœur, le visage totalement ébouriffé, attendant qu'elle sorte ses propres ragots.