La louve à l'oreille unique revenait d'une chasse où elle avait réussi à ramener un faon. ça n'avait pas été compliqué, le jeune cervidé avait été laissé là par sa mère partie en vadrouille, il n'avait fallu à la vieille louve qu'à lui casser la nuque. Pas une chasse très sportive mais bien plus fructueuse que celles où elle ne ramenait qu'un lapin ou quelques mulots.

Imryu devait se rendre à l'évidence, elle ne guérirait jamais vraiment de sa blessure et Odine ne pourrait rien y faire. On ne pouvait guérir les effets de l'âge et Imryu sentait qu'elle vieillissait mal. Quand il faisait trop froid ou humide, sa patte la meurtrissait douloureusement et il arrivait que le reste de ses articulations s'y mettent aussi, la laissant parfois paralysée par la douleur sourde qui lui vrillai les nerfs. Elle ne se plaignait pas, jamais, et se forçait pour bouger, refusant d'être un fardeau comme elle l'avait déjà trop longtemps été jadis.

Ses petits étaient presque adultes, deux grands et magnifiques loups, volant à la perfection et gagnant en maturité chaque jour. Zedekiel était toujours aussi explorateur qu'avant, et Imryu ne pouvait plus faire grand chose contre ça. Elle ne pouvait exiger de son fils qu'il change de nature. Maintenant il ne restait plus qu'à Zédekiel d'apprendre de ses propres expériences, Imryu avait déjà légué à ses petits tout son savoir.


Elle déposa son faon dans la tanières de proies communes à la meute. Elle avait pris soin de la vider juste après l'avoir tuée, la vidant de ses entrailles pour que la viande ne se gâte pas. Elle avait enterré les restes profondément et était rentrée.

Son fardeau déposé, elle retourna dans sa tanière en poussant un grand soupir, et s'y roula autant en boule qu'elle le pouvait sans que cela ne lui cause de douleurs articulaires. Elle ne ferma pas les yeux ni n'essaya de s'endormir. Elle avait trop mal pour ressortir et partir en chasse. Elle n'avait pas vu Rahawk, mais les patrouilles de garde l'avaient vu rentrer. Elle avait filé droit devant elle, ne regardant pas plus que les silhouettes qui l'observaient. Elle avait honte quand elle revenait de ses chasses pour ne rapporter qu'un maigre butin, tandis que sa fille enchainait les grosses proies.

Elle entendit les bruissements de pas, mais avant qu'elle ne puisse lever la truffe pour sentir une autre odeur qu celle de ses pattes, Chérubin s'allongea contre le dos de la louve. Cette dernière leva la tête pour le regarder, avant de bailler, de s'étirer et de se laisser reposer contre le corps chaud de son compagnon. Il lui lecha la nuque et la louve tendit le cou pour lui laisser la place. Elle soupira finalement sans bouger, autant d'aise que de lassitude.



Elle gigota un peu pour se caler mieux entre les pattes de son compagnon, profitant du confort qu'il lui offrait, et de la proximité de son corps.



Elle posa sa tête sur le cou de Chérubin, enfouissant sa truffe dans les poils beiges et dorés de l'ange. les yeux ouverts, Imryu était pensive, se posait plein de questions sur tout ce qui lui passait par la tête. Non pas qu'elle remette ses choix de vie en question, mais elle se demandait ce qu'on attendait encore d'elle sur ces terres.

Chérubin déroula ce qu'il avait sur le coeur, la louve se doutait qu'il avait deviné, même si elle lui parlait peu de ce qu'elle ressentait, chérubin lisait en elle comme personne d'autre. Elle ne bougea pas , l'écoutant, retournant chacun de ses mots dans sa tête. Vieille, elle le devenait. Sa vie l'avait vieilli, ses batailles et ses guerres avaient affaiblis son corps. dans un clan, on prenait la retraite à 10 ans, et Imryu les atteindrait bientôt. Cependant, la louve noire se sentait plus vieille encore.

Imryu pensa vers Kuma et la louve eut un pincement au coeur, Kuma était plus vieille encore, et avait tenu la durée malgré ses blessures. Toutefois vu son état, il faisait peu de doutes à la louve noire que son amie s'envolerait bientôt. Kuma était si maigre, si faible, elle avait du mal à se lever et paraissait continuellement fatiguée. devenir ainsi faisait peur à la louve, elle ne voulait pas finir comme ça.

Elle voulait mourir avant que ses enfants ne la voient ainsi, elle ne voulait pas laisser ce dernier souvenir d'elle en eux, mais Chérubin... Les derniers mots de l'ange empêchèrent la louve de lui parler de ses pensées. Là où elle était, elle se pelotonna plus encore contre lui, rassurée par l'odeur de son pelage, par la douceur de ses plumes, par son coeur qu'elle sentait battre. elle se sentait si mal, déchirée entre sa volonté et celle de son compagnon, l'idée de lui faire du mal l'apeurai tout autant que l'idée de devenir un poids.

Un jour elle serait amenée à faire ce choix, sera-t-elle capable de le prendre?

Elle hésita longuement suite aux paroles de Chérubin. Il était si doux, si gentil et attentionné... Il se mettait de côté pour elle, mais imryu savait que quoi qu'elle dise, cela risquait de faire du mal à son Ange. Finalement, après de longues minutes, la louve noire pris un grande inspiration et raconta ce qu'elle avait sur le coeur, sans relever la tête vers son amant.


Elle déglutit.


Peut être aurait elle préféré mourir ce jour là, elle aurait été tuée en tentant de défendre sa famille, peut être aurait elle préféré qu'Odine ne vienne pas la sauver, que ses blessures finissent par la tuer, plutôt que de souffrir ainsi. Elle n'était pas sûre. A vrai dire elle ignorait ce qui était le mieux , pour elle comme pour ses petits et Chérubin. Finalement, elle poursuivit.



Elle posa la tête sur ses pattes, le regard hagard et l'oreille basse, elle fixait le mur sans plus voir un poil de la fourrure dorée de son compagnon.


Ses griffes de métal grattèrent la terre. Elle resta contre lui sans le voir, déchirée entre sa volonté de ne plus souffrir et sa profonde nécessité d'être au près de lui.

la louve noire sentit le poids de la tête de son compagnon dans son cou, elle poussa sa propre tête un peu plus contre lui, comme s'il était possible de mélanger leurs deux corps plus encore jusqu'à n'en former plus qu'un seul. Il confirma les pensées d'Imryu, cela aurait sans doute été bon pour tout le monde qu'elle meure ce jour là.

Mais aujourd'hui elle vivait, c'était ainsi, et elle ne demanderai pas qu'on la tue. Elle ferma les yeux et renifla, mais aucune larme ne coulait de ses yeux. Les paroles de son Ange ne l’apaisaient pas, mais lui faisait se rendre compte d'à quel point elle était importante pour lui. Sans un mot, la louve noire se releva, et vint glisser sa tête sous l'aile de son compagnon, avant d'y glisser son corps et de se rouler en boule contre lui.

Elle lança un long soupir, se sentant en sécurité, chez elle. Elle sorti la tête de sous l'aile de Chérubin sans pour autant changer de position, elle gardait ses yeux fermés, son visage exprimant sa douleur et sa peine. Imryu avait mal, tant physiquement que mentalement. Finalement, elle les rouvrit, pressant son crâne et son moignon d'oreille contre le loup doré.


Elle ne pouvait entreprendre le voyage à présent, incapable de marcher longtemps, elle ne saurai ni s'y rendre ni revenir. Elle savait bien que le jour où elle forcerait sa carcasse à ce voyage, elle n'en reviendrait pas, peut être même le voyage la tuerait elle avant qu'elle n'y arrive.

Pourtant, Imryu voulait plus que tout revoir cette immensité de lumière qui promettait tant d'avenir, tant d'horizons différents, sans qu'elle n'aie pu jamais les découvrir elle même. Mais elle ne voulait pas faire le voyage seule.

Elle ferma les yeux et sourit légèrement sous les coups de tendresse de son compagnon. Elle l'écouta, attentive, et ne répondit pas. Elle se sentit soulagée que Chérubin accepte, et comprenait ses pensées. Leurs petits étaient grands, adultes, et maitres de leur vie. A présent seuls les dieux pouvaient savoir ce que Zedekiel et Hélianthas désireraient faire.

Elle posa sa tête sur l'une des larges pattes de Chérubin, puis rouvrit les yeux en lui lançant un regard espiègle, comme si tout était toujours allé bien. Après une demi seconde, elle projeta sa tête en avant puis lui lécha la truffe.


Finalement, après un rire aussi doux que sincère, elle referma les yeux en soupirant, cachant tant bien que mal la nouvelle crampe qui tordait sa patte arrière. Elle pourrait presque s'endormir contre lui, tant son contact l'apaisait.