AKEBA

La jeune louve se dorait au soleil avec sa soeur. Alexis toilettait sa crête avec une attention qu'elle n'accordait qu'à elle seule. En grandissant, des plumes avaient poussé au milieux des cheveux, contribuant à en rendre l'entretien particulièrement compliqué. Cela faisait pester l'énorme louvette à la langue bleue.

Akeba avait les yeux fermé, appréciant ce moment de complicité et d'affection qui n'était destiné qu'à elle. Elle avait depuis quelque temps émis le souhait, de plus en plus brutalement d'ailleurs, qu'on la nomme au masculin. Elle était frustrée d'être une louve. Les mâles avaient la vie bien plus facile. Vince pouvait faire ce qu'il voulait, et leur père ne disait rien. Enfin, si il le remettait à sa place quand c'était nécessaire, mais il adaptait sa façon d'entraîner à son fils. Il n'en faisait pas tant pour ses filles, qui étaient obligées d'apprendre avec Heindrick et Chérubin.

Elle se retrouvait donc forcée de partager sa soeur, ce qui la mettait dans une colère noire la plupart du temps. Mais Alexis lui faisait un sourire, son sourire mauvais qui indiquait qu'elle allait faire une grosse bétise, et la colère d'Akeba s'évanouissait.

C'est l'bordel là dedans, faut arrêter de la laisser en désordre hein.

La voix d'Alexis claqua au-dessus de ses oreilles. Elle sourit. Elle aimait bien quand sa soeur l'engueulait, parce qu'au fond, elle finissait quand même toujours par la lui toiletter, sa crête. Et puis c'était pas de sa faute si des plumes poussaient de façon anarchiques le long de sa nuque et de ses épaules.

HÉ! Heindrick!

Le sourire d'Akeba disparut, sa soeur se leva pour aller vers le caverne.

T'as chassé? j'ai faim.


Elle avait pas besoin de lui. Akeba pouvait très bien chasser pour elle. Bon elle ne savait attraper que de petites choses, et du poisson. Mais elle avait pas besoin du caverne! Elle regarda le mâle avec un air mauvais. En plus elle le mordillait. Sa fourrure enfla.

-Heindrick-

La chasse à l'auroch avait été bonne, tout comme sa rencontre avec la solitaire rousse. Il y repensait souvent, un peu inquiet. Allait-elle bien ? Avait-elle assez à manger ? De son côté, la proie conséquente lui avait permis de nourrir le groupe pendant plusieurs jours, mais bien vite, la pression de la chasse était revenue, avec celle de devoir garder les frontières. Pour ne rien enlever au plaisir, un des petits de Rahawk, qui avaient bien grandi, le suivait dès qu'il l'apercevait pour l'embêter. Comme s'il n'avait que ça à faire, lui, de babysitter un monstre.

Alors qu'il avait l'esprit accaparé de pensées sur la chasse, et Mordor, il entendit la voix d'Alexis. Ne changeant pas sa course, il continua, morose. l'hiver arriverait bientôt, et il avait peur de manquer de terrains de chasse. Sa mère lui avait proposé de construire un autel à Mordor dans les terres cavernes, pour les enrichir en proies, et il avait commencé à étudier la question. Mais un cri le tira de ses réflexions :


Cette fois-ci, il n'y couperait pas. Il soupira, alors que la louve aux dents de sabre vint lui mordiller les pattes. Les morsures de la monstre était douloureuse, et il dégagea sèchement sa patte avant de contourner la femelle. D'un coup d’œil, il aperçut Akeba, celle qui n'était jamais loin derrière. Evidemment. Rahawk l'avait conseillé de ne pas se laisser faire, mais il n'était pas du genre à s'énerver. Alors, il répondit neutrement :

Laisse moi tranquille. J'ai autre chose à faire.

AKEBA

Laisse moi tranquille. J'ai autre chose à faire.

La colère d'Akeba continua d'enfler devant le manque de respect que ce mâle témoignait à sa soeur. Alexis était une reine, la fille du plus puissant des solitaires. Il lui devait le respect. Certes l'idée qu'il chasse pour elle la mettait hors d'elle, mais qu'il la rejette l'outrait encore plus. Ses crocs épais commencèrent à se dévoiler alors que sa soeur cendrée revenait à la charge.

Ha ouais? autre chose à faire? J'pensais que tu devais te rendre utile, ça sert à quoi si t'es même pas capable de chasser?

Elle se jeta sur lui, le mordant et le griffant jusqu'à ce qu'il lui accorde son attention. Le sang d'Akeba bouillait devant les efforts que sa soeur devait faire pour obtenir le respect qui lui était dû. Bien entendu, jamais elle ne se permettrait d'intervenir sans sa demande expresse. Alexis était divine. Rien ni personne ne la surpassait. Elle n'avait pas besoin de son aide. La seule chose qui comptait pour la dernière de la portée, c'était ses désirs, elle était capable de se mettre dans des situations impossible rien que pour les combler. Mais la géante n'abusait jamais de ce pouvoir qu'elle avait sur elle, ce qui ne faisait que renforcer l'amour qu'elle éprouvait pour elle.

Finalement elle revint vers elle et se mit à lui lécher l'oreille, la détendant instantanément, enfin son attention était pour elle et pas pour ce gros mâle répugnant. Elle soupira d'aise, acceptant un peu mieux que sa soeur se soit trouvé un nouveau jouet.

-Heindrick-

Comme tout ne pouvait pas être facile, la peste revint à la charge, mordant plus fort cette fois-ci. Enfin, ses dents faisaient toujours moins mal que celles de son père, mais Heindrick se garda bien de lui faire remarquer. Il ne voulait pas se battre, il n'avait pas envie, et elles étaient deux. cependant, les paroles de Rahawk résonnaient toujours en lui : il faudrait probablement les mater une fois pour qu'elles comprennent qu'il n'était pas de ceux qui se soumettraient à elle. Le mi-caverne était inconfortable avec cette idée. Il n'était pas un dominant .... enfin il croyait, Rahawk l'était.

La louve le lâcha enfin, alors qu'il se retournait, mitigé entre continuer à l'ignorer ou tenter de lui donner une raclée. Mais une sensation désagréable de lassitude le prit à la poitrine, lui coupant la chique. Cela arrivait régulièrement ces derniers temps, et à chaque fois avec Alexis. Le regard vicieux et concentré de la peste cornue lui faisait dire qu'elle n'y était pas pour quelque chose, mais il n'avait aucune preuve. Enfin, elle lui tourna le dos pour venir se réfugier dans les pattes de sa soeur qui faisait office de tonnerre depuis tout à l'heure. Heindrick ne les comprenait pas. Il aurait bien aimé faire office de grand frère avec elles, comme il l'avait été pour Zed et Hélie, mais ... elles étaient différentes. Elles étaient mauvaises.

Heindrick se secoua pour chasser la sensation désagréable avant de les regarder de haut en bas. Il avait de moins en mois envie de se battre, mais il ne pouvait pas s'empêcher d'avoir peur que les choses empirent s'il ne faisait rien. Peut-être qu'en les provoquant ... Les mots ne furent pas difficile à trouver, en regardant les deux femelles incapables de la moindre parole sympathique. Elles se reposaient sur la force et l'autorité de leur père pour obtenir des faveurs, sur leur physique pour jouer les terreurs. Mais si Rahawk avait gagné son respect en protégeant la meute, elles ne le méritait pas.

"Vous faites pitié."

AKEBA

Akeba regardait sa soeur avec affection, oubliant le caverne qui l'avait mise en colère, oubliant même sa simple existence. Tout son monde se résumait aux pupilles vertes de son aînée. Il n'y avait rien au monde qu'elle ne ferait pas sur une simple demande de la cendrée. Et sa soeur le lui rendait bien. Elle la traitait comme un prince, lui réservant toujours les morceaux les plus tendres, quitte à se battre avec Vince pour les obtenir.

Vous faites pitié.

La voix du mâle lui rappela son existence et l'outrage qu'il continuait de perpétrer contre Alexis fit bouillir son sang. Un grondement sourd enfla dans sa poitrine, et elle se tendit, prête à bondir sur lui à la moindre parole de sa soeur. Mais à sa surprise, la cendrée n'intima pas le silence à cet abruti, elle se serra contre elle et soupira.

Oui, tu as sans doute raison.

Elle lui tourna carrément le dos, frottant sa tête sur celle de sa soeur. Akeba la regardait avec des yeux ronds. Elle ne pouvait pas se laisser marcher sur les pattes comme ça ? Avait-il utilisé son pouvoir sur elle ?! Non, elle avait déjà vu son pouvoir, il pouvait se transformer en d'autres loups. Elle l'avait vu le faire avec son père, et avec le loup aux ailes dorées, mais Rahawk ne le laissait jamais garder sa forme très longtemps. C'était donc le comportement d'Alexis qui était anormal sans raison.

On fait certainement pitié, à demander à ce qu'un adulte chasse pour nous, nous pauvres enfants trop jeunes pour nous aventurer si loin sur des terres dangereuses toutes seules.

Elle tourna la tête vers le mâle avec un air malheureux. Ah, Akeba commençait à comprendre. Elle avait quelque chose derrière la tête. Elle voulait le faire culpabiliser. Sa sournoiserie n'avait pas de limite. Elle ferma la bouche qui était restée entrouverte sous le choc et commença à sourire doucement.

Oui, on doit faire pitié de demander l'aide d'un incapable, à quoi nous attentions nous.

Le sourire de la petite grise s'élargit à la pique qu'Alexis avait lancé au mâle. Mais elle n'insista pas plus, s'éloignant du mâle qui la regardait surement avec un air perplexe. Akeba ne le saurait pas, son regard ne pouvait se poser que sur sa soeur. Elle se leva à son tour et trottina à la suite de son ainée, frottant sa tête le long de son flanc en remontant à sa hauteur.

-Heindrick-

Le mâle était tendu. Il sentait que ses paroles ne passeraient pas auprès des imposantes femelles, et se préparait mentalement à se battre. Après tout, c'était ce que Rahawk lui avait dit : il fallait la mater la dominer pour ne pas être dominé. Cependant, Alexis eu une réaction bien différente de ce qu'il imaginait : elle resta contre sa sœur, et soupira, restant calme même si son regard serpentin était indéchiffrable.


Heindrick resta neutre, mais il ne comprenait pas. Elle s'arrêtait là ? Elle ne relèverai pas l'insulte ?Il resta immobile, attendant la suite. La louve lui tourna le dos, dansant autour de sa sœur, lentement, ce qui semblait satisfaire cette idiote, tout juste bonne à suivre les ordres de la leader.

Heindrick coucha les oreilles. Voila venir l'insulte, il l'attendait. Mais le comportement de la louve avait diminué la tension dans son corps. Elle ne cherchait pas la bagarre, c'était tant mieux. En plus, au vu de leur carrure, elle ne passait plus pour des enfants depuis bien longtemps. Si elles avait voulu qu'il leur apprenne à chasser, il aurait fallu demander. Il leur lança un dernier regard avant de faire demi-tour, grognant :

"J'préfère ça."