Eva secoua son pelage sombre parsemé de clairetée. La louve des bois ne connaissait pas les lieux, et la course ne lui avait pas clairement offert la possibilité de visiter le territoire. Au pire elle s’excusera auprès de ses pairs si c’est une erreur que de visiter seule sans guide une terre qui n’est pas sienne. Quoi qu’aux yeux de la femelle la terre appartenait à tous ceux qui savaient la respecter sans exception possible. Mais guère peu de vivants étaient de son avis. Créant alors des frontières qui disparaissaient dès l’instant où l’on prenait de la hauteur.

Drapée de soleil, la femelle appréciait la douceur candide des rayons qui effleuraient son pelage et faisait murir les fleurs de ses bois. Les oreilles pointées, elle les sentit s’agiter quand l’envole des hirondelles la prit de surprise. Elle releva ses beaux yeux vers les cimes et suivit les oiseaux qui devenaient tâches noires dans le ciel azur. Elle sentait la fraîcheur presque délicieuse des lieux. Mais la louve ne quittera jamais les Désertiques, quitte à en mourir de chaud et de soif, quitte à finir cendres au milieu de la poudre de sable. Elle retournera de toute façon à sa mère la terre quand la vie la quittera. Le faucheur y veillera, le bois finira par ronger son corps et son sang, les insectes se nourriront de ses entrailles, elle offrira un repas à qui voudra se nourrir de ses restes, et elle en sera heureuse. Utile et aux services des autres, même dans sa mort.

Le bleu des bois était féérique et ensorcelant. Elle aimerait se coucher ici dans l’herbe, et y disparaître sans laisser de traces. La louve boisée souvenait de la fraicheur entre les racines. Des branches qui poussent à même sont crâne. De ces feuilles qui tombent, glissent en caressant son corps et la fond frissonner, elles qui lui font perdre un petit bout d’elle. La femelle finit par s’arrêter au pied d’un frère, le soul se dresse comme un titan aux cœurs des chênes et des hêtres. Il est beau, il est majestueux, il respire la force et la sagesse du temps. Evalijha sourit doucement, avant de se glisser sous les feuilles qui effleurent la terre, passant le rideau de ses bras, pour finir de l’autre côté sous son ombre fraîche et délicate. Elle attend, humant l’odeur, écoutant la nature, ces embruns de sous bois et d’herbes humides. Un souffle, une respiration, une foulée légère, quelqu’un arrive. Qui ?