-Aymeric-

Le chasseur aurait du être heureux, excité, joyeux. C'était enfin son heure de gloire. Après avoir laissé ses deux soeurs le dépasser lors de l'épreuve précédente, il allait enfin pouvoir montrer aux deux clans ses compétences en chasse, devant Mordor en personne. Mais Aymeric n'était rien de tout ça. Il se sentait ... mal. Et pour cause, la chasse, il la faisait en binôme avec Jarksobann.

La discussion avec le loup dragon ou il lui avait révélé l'avoir forcé avait été le dernier contact que les deux anciens amis avait eu. Aymeric était resté perplexe d'abord, puis dégouté, horrifié du comportement du dragon. Il lui semblait ne plus le reconnaître, ne plus le connaître tout court, celui qu'il pensait être un bon pote était en fait ... Un violeur ?

Les deux loups s'étaient retrouvés au campement. Après s'être à peine échangé un bonjour, ils partirent vers leur lieu de chasse. Aymeric fuyait le regard de Jarks, et le malaise entre les deux était palpable. Après tout, ils auraient pu abandonner, mais c'était faire fi de l'honneur de leur clan pour une affaire si personnelle. Et tant qu'Aymeric n'avait pas de son coté résolu le problème, il préférait faire comme si de rien n'était. Alors lorsque le corbeau représentant Mordor s'envola, marquant le début de la chasse, Aymeric resta professionnel, et se mit à chercher les traces d'animaux passés par là récemment.

La truffe au sol, Aymeric sentait la terre de la forêt, ou les lys ne s'était pas encore embrasés. Cette même forêt ou il y a quelques semaines ... Le chasseur secoua la tête, incapable de se concentrer. Le temps passait, mais il ne trouvait rien de rien. Il fallait qu'il se concentre, mais il entendait Jarks non loin, ses patte frottant contre le sol, et son odeur ... Ha ! Une trace ! Aymeric se concentra : c'était un cerf, qui était passé par là il y a peu ! Il le signifia à Jarksobann :

"Jarksobann, j'ai trouvé une piste de cerf."

Jarksobann✹

Jarks était toujours aussi mal. Depuis sa conversation avec Aymeric la culpabilité le rongeait de l'intérieur, il n'en dormait plus. Aujourd'hui l'épreuve de chasse commençait. Il allait donc devoir faire à nouveau face au jeune loup ailé... il était mort de peur et de honte. A l'aurore il faisait déjà les 100 pas devant sa tanière, se demandant s'il devait y aller ou non. Mais finalement son sens de l'honneur reprit le dessus, il s'était engagé auprès du jeune loup il ne pouvait pas lui faire faux bond quels que soient ses états d'âme.

Ils avaient convenu de se retrouver au campement et de faire la route ensemble. Jarks n'osa même pas regarder le jeune loup dans les yeux, il gardait la tête baissée et le suivait en silence. Ils prirent donc la direction de la forêt des lys de feu oui devait débuter l'épreuve sans s'échanger le moindre mot.

La chasse commença à l'envole du corbeau. Le loup dragon prit la décision de mettre ses états d'âme de côté et de se donner à fond, il savait à quel point cette épreuve était importante pour Aymeric il allait donner le meilleur de lui-même pour au moins lui offrir cette victoire.
Le loup rouge se mis à renifler le sol à la recherche d'une piste, son expérience à chasse était plutôt médiocre, il n'était pas très bon traqueur mais il disposait de la force physique et de l'agilité nécessaire pour abattre une proie, du moins l'espérait-il. Il ne voulait surtout pas être un boulet pour son jeune compagnon. il s'efforça de se concentrer. Au moment où il lui semblait avoir senti une piste de sanglier il entendit la voie d'Aya.

"Jarksobann, j'ai trouvé une piste de cerf."

Sans un mot il le rejoignit au plus vite, évitant toujours son regard et il se mire à traquer la bête ensemble. Après quelques dizaines de mettre alors qu'il sortait d'un buisson une boule de poils blanche se mis à cavaler devant eux. Un lapin... mince aucun intérêt, il leur fallait des proie plus prestigieuses s'il voulait gagner. Sans plus d'intérêt pour le rongeur il reprirent la traque.

Après quelques minutes le loup dragon flaira une piste, ça lui semblait être un gros gibier, peut-être un cerf. Il héla son jeune compagnon et il filèrent tous les deux le long de la piste. Malheureusement ce gros animal s'avérait être encore un lapin, serte plutôt costaud mais sans intérêt. Jarks s'excusa à demi-voie, il n'était vraiment pas doué il ne pouvait pas se permettre de faire perdre la chasse à Aymeric. Il redoubla d'attention bien décidé à réussir cette fois-ci.

Cette fois il en était presque sûr c'était bien un cerf qu'il flairait ! Aya avait visiblement trouvé une piste de sanglier mais d'un rapide coup d'oeil ils décidèrent de suivre la piste du loup dragon qui s'avéra encore une fois mené à... un lapin ... Jarks était tout penaud, décidément il n'était bon à rien. D'autant que le jeune chasseur lui dit d'un ton hésitant

Faut qu'on se ressaisisse là.

Ce n'était pas méchant, il le savait mais le loup dragon ne put s'empêcher de le prendre comme une critique de ses compétences et après tout le jeune loup avait raison jarks était un incapable.

Alors qu'ils s'apprêtaient à reprendre la traque le vent tourna et apporta à leurs narines la forte odeur caractéristique d'un gros sanglier. Cette fois c'était certain ! Le loup dragon parti au quart de tour c'était enfin l'occasion d'aider le jeune chasseur ! Malheureusement la lourdeur de sa course avertie leur proie qui commença à prendre la fuite sans que le garde ne puisse ne serait-ce que l'effleurer. Il serra les dents de rage face à son incompétence, priant intérieurement pour que l'agilité et l'expérience du jeune chasseur lui permette de rattraper leur proie.

-Aymeric-

Le silence entre les deux loups était presque étouffant. Les rares fois ou Aymeric posait par mégarde ses yeux sur le dragon, celui-ci l'évitait lui aussi, comme écrasé par le poids de leur discussion d'il y a quelques jours. Après avoir flairé sa piste, ils la suivirent, se tenant à distance l'un de l'autre comme s'ils étaient des ennemis. Cela pouvait presque rendre le chasseur triste, mais il ne savait plus ou il en était.

Et leur cerf était un lapin. Flute ! En soupirant, les deux loups abandonnèrent la chasse. En temps normal, il l'aurait chassé ce lapin, mais là, ils devaient trouver plus gros s'ils voulaient gagner. Une minute plus tard, ce fut Jarks qui le héla : un cerf ! Mais une fois encore, la piste ne mena que vers une boule de poil blanche.

Faut qu'on se ressaisisse là.

Les oreilles couchées, la voix faible, Aymeric avait dit cela plus pour lui que pour Jarks. Oui, il devait se ressaisir. Il n'était pas du genre à être si .... mou, si apitoyé sur son sort. Que diable, il était le fils des deux betas, ou, ou non ? C'était sa première chance de vraiment briller après l'épreuve de course ! Alors, ils reprirent leur traque, la queue d'Aymeric battant l'air derrière lui. Puis soudain, une trace : un sanglier ! Il releva les yeux, et faillit croiserle regard de Jarks : il l'avait senti lui aussi, c'était bon ça !

Les deux loups se lancèrent sur la trace, et bien vite, la belle bête fut en vue. Le chasseur resta tapis, cherchant comment l'abattre, mais Jarks bondit hors du buisson, se jetant sur le sanglier. L'adrénaline monta dans ses veines d'un coup, lui faisant oublier ses soucis. Il fallait qu'ils tuent cet animal ! Il bondit à l'opposé, coupant la route du sanglier fuyant la tentative ratée du garde. D'un geste fluide, il l'attrapa à la gorge, la faisant basculer à l'aide de ses deux ailes, et l’égorgea sur place. Le sang coulant sur sa gorge, il adressa une rapide prière à Mordor, sentant son poul dans ses oreilles. Finalement, la bourde de Jarksobann lui avait permis de tuer correctement le sanglier, trop paniqué après avoir vu le dragon. Ce n'était pas plus mal.

D'un geste de tête, il sourit au loup dragon. Un sourire qui s’effaça bien vite lorsqu'il se souvint pourquoi ils étaient en froid. Il baissa la tête. Il fallait repartir. Après quelques temps, il flaira de nouveau la trace d'un cerf. Il l'indiqua à Jarksobann sans vraiment y croire : jusqu'ici, son flair semblait avoir confondu les cerfs avec des lapins .... Mais cette fois-ci, les deux jeunes loups aperçurent bien les ramures majestueuses d'un cerf à travers les fourrés, entourés de biches. Il sentit son instinct reprendre le dessus, et tapis dans les fourrés, parla à voix basse, professionnel :

"Il faut faire attention à celui-là. On se sépare, tu vas vers la gauche puis tu bondis et tu le fais s'enfuir vers moi, vers la droite. Ensuite je l'arrête et tu viens m'aider."

Un plan simple, qui avait peu de chance de fonctionner. Aymeric n'avait pas la force d'abattre un cerf seul, il faudrait donc qu'ils soient une vraie équipe pour cette fois ... Tant pis. Il marcha doucement, sous le vent, vers la droite, puis resta caché, attendant le signal de Jarksobann.

Jarksobann✹

Après avoir abattu leur première proie, pas grâce à lui, du moins c'est ce dont Jarks était persuadé. Ils se remirent en chasse. Le loup dragon avait remarqué le fugasse instant de joie du jeune chasseur lors de la mise à mort et sa fierté d'avoir réussi. Cette réaction aussi courte soit-elle lui mit un peu de baume au coeur et il repartit avec un nouvel élan de détermination.

Le chasseur repère de nouveau une trace de cerf, ils décident de la suivre sans grande conviction mais à leur grande surprise ils tombent sur une harde dirigée par un superbe cerf en pleine fleur de l'âge. Une proie vraiment prestigieuse. Jarks fut soudain assailli d'un doute. Etait-il vraiment capable d'abattre un gibier de cette taille ?

Il n'eut pas le temps d'y réfléchir davantage, Aya lui communiqua une stratégie à voie base

"Il faut faire attention à celui-là. On se sépare, tu vas vers la gauche puis tu bondis et tu le fais s'enfuir vers moi, vers la droite. Ensuite je l'arrête et tu viens m'aider."

Le loup dragon se contenta de l'appliquer à la lettre. Il contourna le groupe par la gauche et une fois qu'il lui sembla être bien positionné il s'élança du buisson créant une panique général parmi la harde. Il resta cependant focalisé sur le cerf prenant bien soin de le diriger vers le jeune chasseur planqué à l'opposé de la clairière

-Aymeric-

La jeune chasseur s'était placé, et à présent attendait, tendu comme une liane, le signal. Puis, en un bruissement, le loup dragon bondit des fourrés et tenta d'attraper la patte du cerf. La harde explosa en un fouillis de pattes, de poils, de sabot, mais Aymeric essaya de rester concentré sur le cerf, majestueux, qui fuyait parmi les autres. Jarksobann rata son coup, mais réussit à faire fuir l'animal dans sa direction. Le chasseur attendit le bon moment, les secondes s'étirant comme des heures, son poul battant dans ses oreilles .... Avant de s'élancer, machine à tuer tous crocs dehors.

Le cerf fit un écart, et Aymeric planta ses crocs non pas dans sa gorge, mais dans son épaule. Le choc fit tomber le cerf, l'ailé accroché à lui, cependant Aymeric ripa et lâcha prise, entaillant salement l'épaule de l'animal. Il roula au dessus de sa croupe avant de choir au sol en un nuage de poussière, le cerf se relevant derrière lui, l'écume aux lèvre, l’œil presque blanc. Un éclair le traversa : si Jarksobann ne le rattrapait pas maintenant, c'était fichu. Il avait roulé trop loin pour avoir le temps de se relever et de l'attaquer de nouveau. C'était maintenant que tout se jouait.

Jarksobann✹

L'écart entre Jarks et le cerf s'était un peu creusé, l'animal courait plus vite que lui. Aymeric était intervenu tout pile au bon moment, la blessure qu'il infligea à l'épaule de l'animal ralentit ce dernier juste assez pour donner le temps au loup dragon de sauter en s'aidant d'un puissant coup d'aile qui lui permit de tomber de tout son poids sur le dos du cerf à peine relevé. Dans l'élan de son geste le garde enfonça profondément ses crocs dans l'échine de l'animal lui brisant la colonne vertébrale de sa mâchoire puissante. Il le sentit s'affaisser sous lui,le sang coulait à flots dans sa gueule. Le corps de sa proie tremblait, agité de spasme, le loup dragon ne relâcha pas son étreinte, il ne devait pas se louper cette fois, il resta ainsi pendant une minute qui sembla durer une éternité puis enfin le majestueux animal s'immobilisa. Le garde desserra les crocs, la mâchoire tétanisée rendue douloureuse par l'effort. il n'en revenait pas, il avait enfin réussi ! Il leva doucement les yeux vers son coéquipier, la tête base, les oreilles tombantes , il mit toute la douceur et l'humilité qu'il pouvait dans son regard. C'était grâce à lui, il voulait lui dédier cette victoire comme une excuse, qui peut-être les mettrait tous deux sur la voie du pardon, du moins il l'espérait. Il dit d'une petite voie hésitante à son compagnon

C'est grâce à toi... Merci Aymeric

-Aymeric-

Le chasseur se releva d'un bond, mais bien trop tard : Jarksobann avait bondit, et d'un geste avait chopé le cerf à l'échine. Le sang giclait de la blessure, teintant le sol d'une couleur à la fois macabre, et victorieuse. L'instinct de chasse d'Aymeric en était sur à présent, spectateur des soubresauts nerveux du grand animal : ils avaient gagnés. Ils l'avaient eut ! Et puisque le corbeau n'avait pas encore signalé la fin de la chasse de leur équipe adverse, ils avaient gagné !

Le plumeux ne tenait plus de joie, et lorsque Jarksobann lâcha sa proie, il bondit devant lui. Le corbeau croassa, signifiant leur victoire, et s'envola. Le jeune mâle regarda son coéquipier, mais ce dernier avait les oreilles baissées, les épaules affaissées. Puis, tout lui revint. Oui, c'est vrai. Son énergie sembla s'éteindre, comme un feu follet sous la pluie, et il détourna le regard. Ils faisaient une bonne équipe tous les deux, c'était indéniable.


Aymeric tourna son regard, en coin, vers le dragon. Sa voix était hésitante, timide, ce qui était étonnant venant de lui, mais plus tellement ces derniers jours. Ils s'étaient ... fait du mal, à tous les deux. Mais Aymeric n'était pas capable de penser à aller de l'avant, à oublier ce qui avait été fait. Il regarda vers le camp avant de répondre d'une voix neutre :

C'était aussi grâce à toi. On a bien bossé, sur la fin.

Il n'y avait rien de plus à dire, et pourtant tant d'autres choses. Mais Aymeric se tut, et déglutit. Il fallait qu'ils rentrent, alors il se mit à marcher vers le camp, une expression bien loin d'être victorieuse sur la gueule. Pourtant, il aurait du être heureux.