-Odine-

La représentante de la Vie faisait quelque chose d'inhabituel pour elle : elle traquait. La saison des amours était finie, celle des naissances n'avait pas débuté, c'était le moment parfait pour assouvir sa curiosité. Elle était partie après sa discussion avec l'Ours, mais en retournant aux tanières s'était arrêté un moment. Le sort de ceux qui y résidait l'importait plus qu'elle ne la laissait penser, et quelque chose lui disait qu'elle n'allait pas cesser de s'y arrêter. Cependant, en allant vers le cimetière pour visiter Jeff à propos de ce mystère, une odeur capta son attention. Une odeur inconnue, musquée. Une odeur qui déclencha son sixième sens.

Elle la remonta alors, avec de grandes difficultés. La louve verte était douée en médecine et dans l'art de faire naître les louveteaux, mais la chasse et la traque restait encore un mystère parfois. Evidemment, la louve savait se nourrir. Mais traquer un loup était une autre paire de manche. Elle mit plusieurs heures à remonter jusqu'à la frontière avec les marais, lieux qu'elle se refusait à pénétrer sauf en cas d'urgence. Là, une silhouette se dressa au loin. Elle marcha calmement en sa direction, sous le vent. lorsque ses yeux purent enfin le décrire, elle s'arrêta : Zal.

Ile ne l'avait pas vue. La louve verte resta immobile un instant, partagée entre la sombre réputation du pyromane, et sa curiosité envers sa présence ici. les Dieux l'avait ramené, pourquoi faire. Finalement, elle dépassa les quelques arbres qui les séparait avant de se laisser bien voir, la queue basse, placide. Elle gardait néanmoins une distance raisonnable, très raisonnable avec lui. Ses yeux brillants le détaillait : il était bel et bien de retour, tout comme Ragnar. Mais il y avait quelque chose de différent. Il était plus vieux. Il sentait différemment. Elle répondit d'une voix calme et interrogatrice :

"De ton temps bien peu ont eu l'orgueil de prétendre être à l'origine de ta mort, Zal. L'Au Dela t'aurait-il rendu moins sur de toi ?"

-Odine-

Le mâle sembla se détendre à sa vue. Même s'il était une ancien du Feu, la réputation de la louve de la Vie la précédait, et il était bien connu qu'elle ne ferait pas de mal à une mouche. Zal, ou plutôt la coquille qui hébergeait son âme, lui sourit, calmement. Il était bien loin des rumeurs que la verte avait pu entendre, mais elle continuait à se méfier. Après Pandore, elle fut sevrée des fous furieux, et s'était promis de ne plus les approcher.


Il confirmait donc avoir été rendu à la vie. Mais pourquoi ? Le savait-il lui-même ? Il s'assit en continua, sous le regard observateur et neutre d'Odine :


La verte fit un pas en avant,se sentant un peu plus en confiance grâce à l'attitude de Zal. Elle se refusait néanmoins à s'asseoir, pour continuer d'assurer sa fuite si besoin était. Puis, elle plongea son regard dans celui de l'ancien pyromane. Non, elle était loin de le haïr. Les Immortels n'éprouvaient que rarement ce genre de sentiments, les années ayant tendance à effacer les affects. Ses ennemis étaient morts, les uns après les autres, tout comme ses amis, ne laissant plus que des souvenirs effacés. Elle répondit d'une voix égale :

"Je ne te connais que de réputation, Zal. Ceux de mon genre haïssent rarement, tout comme ils aiment rarement. Je ne suis ici que par curiosité, pour comprendre pourquoi les Dieux ont essayé de te ramener."

Elle pencha légèrement la tête, le perçant de son regard brillant :

"Ton temps est compté, tu as du t'en rendre compte. As-tu trouvé la réponse ? Ou erres-tu sans but sur cette terre en attendant que Rhéa te rappelle à Elle ?"

-Odine-

Le loup en face d'elle ferma les yeux un instant, laissant le silence ouaté envelopper les deux loups. Comme si le temps s'arrêtait, comme s'ils n'étaient plus que deux créations de Rhéa parmi les autres. Comme s'il 'une n'était pas immortelle, et l'autre n'était pas mort-vivant. Puis, il répondit d'une voix calme. Comme Odine l'avait suspecté, les Dieux ne lui avaient pas dit quoi faire. Tout comme pendant la guerre contre Akui, ils ne parlaient qu'en devinette, en ressentis, en énergie. S'ils avaient donné un peu plus de temps à Zal, c'était pour une bonne raison. Le mâle évoqua sa fille, qu'Odine connaissait bien pour l'avoir aidée à mettre bas, ainsi qu'Avalone. Le pyromane était comme un souffle de passé, venu réorganiser ses affaires avant qu'expire sa dernière heure.

Il enchaîna ensuite avec son ressenti, confirmant la sensation qu'avait Odine de se trouver face à un fantôme. Elle sentait confusément que son pouvoir n'aurait aucun effet sur un loup comme lui : ses heures étaient comptées, comme tous les mortels, mais en minutes plutôt qu'en années. Lorsque le loup se tut, Odine n'était pas vraiment plus avancée. Elle avait vu de nombreux loups mourir, souvent injustement. Les Dieux avaient choisis de ramener Ragnar à la vie, et la verte avait comprit ce choix, l'avait salué. Mais Zal ? Sa seule hypothèse était que quelqu'un avait besoin de lui ici-bas, impérieusement. Pourtant, Anvie avait l'air de vivre tranquillement, s'était même peu à peu acclimatée à ses louveteaux sans qu'Odine n'ait eu à l'aider. Alors qui ? La verte plongea son regard dans celui, inexpressif, du mâle, laissant un vent chaud soulever les poils de son crâne. Elle voulait comprendre, mais savait qu'elle ne le pourrait pas. Le temps ou les Dieux lui chuchotaient directement leurs intention à l'oreille était bien loin, elle était à présent lotie à la même enseigne que les autres, et devaient interpréter les signes. Elle finit par répondre :

Tu reviens comme un fantôme du passé hanter les vivants ... Y a-t-il encore quelqu'un qui a besoin de toi, Zal ? Ta fille semblait avoir trouvé un équilibre, un mâle, une famille qui l'accepte. Je ne sais si elle l'a hérité de toi, mais elle est assez forte pour donner du fil à retordre à deux immortels. Espérais-tu son pardon ?

-Odine-

A sa question légèrement interloquée, le pyromane rit. Odine plongea son regard loin dans celui à présent totalement neutre du fou que Zal avait été, alors qu'il parlait d'Avalone, de sa fille, de son fils. De tant de liens qui le gardait encore sur cette terre. Peut-être était-ce tout simplement pour ça que les Dieux l'avait ramené, pour qu'il mette en ordre ce qu'il avait quitté en cendre. Il mentionna Rakah, et bien qu'Odine ne le connaisse pas, elle nota son nom pour garder un œil sur lui. Mieux valait éviter que le fils de Zal suive ses traces en effet.


La louve verte le regarda passer à côté d'elle, sans pouvoir retenir un léger frisson. Sa silhouette gardait quand même quelque chose de menaçant, comme un souvenir ancré, un réflexe. Mais il ne restait plus rien du fou qu'il avait été. Odine le regarda partir, sentant que malgré tout, elle avait trouvé ici des réponses.