-Kaleea-

La louve cendrée était entre la conscience et le rêve. Son corps semblait flotter, léger et doux, dans une bulle d'air ou de vide. Ses cheveux étaient poses sur le haut de son crâne comme les feuilles d'un arbres, et sa respiration était paisible. Petit à petit, les affres des vivants vinrent la déranger. D'abord, la lourdeur de l'air. Puis, les multiples petites douleurs qui faisaient qu'elle était bien vivante et non flottante auprès de rhea. Enfin, sa conscience et ses souvenirs émergèrent, tout doucement.

Alors qu'elle profitait d'encore quelques secondes de ce délicieux état, ou rien ne l'atteignait, deux éclairs la traversèrent, la tirant définitivement de son sommeil. Le premier fut comme tous les matin le souvenir de sa mère et de son frère, venant peser sur ses épaules le poids de deux deuils trop lourds. Le deuxième était inhabituel. Elle ouvrit lentement les yeux, interloquée. Qu'est-ce qu'elle avait fait hier soir ?

Toujours immobile, la grise parti à la recherche de ses souvenirs. Elle se souvenait confusément des lys enflammés, et d'une autre présence, d'un loup aux yeux bleus. Elle n'arrivait plus à mettre les mots sur ce qu'elle avait dit, mais ce qu'ils avaient fait lui revint vite. Kaleea sentit sa gorge s'assécher, espérant encore que ce fut un rêve, mais non. Qu'est-ce qu'elle avait bien pu foutre encore ?!

Alors qu'elle se redressa lentement, elle pu capter un éclat de regard venant de l'entrée de la tanière. Son père était réveillé, et la regardait d'un air inquiet et sévère. La louve resta interdite, encore déstabilisée face à sa soirée qu'elle ne pouvait reconstituer. Son pelage était encore imprégné de l'odeur de ce mâle.... Balder. C'était ça. Elle se souvenait avoir dormi avec lui presque jusqu'au matin... Ce qui expliquait le regard de son paternel. Elle déglutit avant de prendre la parole, d'une voix hésitante :

Bonjour papa...

Cela maintenant quelques temps que le poids des années avait commencé à montrer ses affres sur le corps de l’ancien mercenaire solitaire. Bien qu'il avait toujours le regard vif et si particulier qui le caractérisait. Quelques poils blanc avait commencé à lécher la fourrure du dragon.
Ses cicatrices étaient devenus plus visibles. Tout comme ses écailles, qui recouvraient maintenant complètement ses pattes.
Deenos avait vieillit. Certainement en partie à cause du stress permanent, du rejet des émotions et de ce deuil bien trop lourd à porter.

Si il n'avait pas put tenir toute ses promesses envers Triss, ni même être complètement honnête avec elle. Il avait décidé qu'il vivrait maintenant et ferait en sorte de garder la tête hors de l'eau pour ses enfants.
Deenos était perdu, fatigué et lassé de ce qu'il vivait. Mais il ne pouvait plus se permettre de flancher. Maintenant, ce n'était plu sa souffrance qui était la plus importante.

Drakili avait beau ne pas sembler si mal vivre le deuil, il l'observait d'un œil attentif...
Quand à Kaleea ... elle l'inquiétait de plus en plus chaque jours. peut être était ce en partie à cause d'une certaine forme de paranoïa. Peut être était ce car il l'avait vu au plus bas et qu'il s'était donné le rôle de particulièrement veiller sur elle..

Mais depuis l'accident, il n'y avait pas un soir où le cendré n'allait pas jeter un coup d’œil dans la tanière de sa fille
Bien sur, il ne voulait pas particulièrement la priver de liberté ou lui donner l'impression d’être toujours dans ses pattes, mais il se faisait du soucis.. Bien trop de soucis.

Un beau soir, la louve ne rentra pas à la tanière, et comme à son habitude depuis maintenant quelques mois. Deenos n'avait pas fermé l'oeil. Il avait retourné le camps et l'avait cherché une bonne partie de la nuit.
Quand la fatigue fut trop présente, il s'écroula à l'entrée de la tanière, n'arrivant toutefois pas à s'endormir de crainte des cauchemars. Cette sensation à chaque fois que Kaleea partait sans lui dire...C'était un peu comme si il avait l'impression de l'abandonner.
Ce fut qu'en fin de matinée qu'une silhouette daigna pointer le bout de sa truffe. Forçant alors Deenos à se redresser. A la fois soulagé et un peu grognon.
Elle s'avança vers lui, l'air penaude:

Bonjour papa...

Les oreilles du dragon se redressèrent alors et un air sévère, bien que fatigué se dessina sur son visage:

Par tout les dieux, où étais tu passé Kaleea ? Je t'ai cherché toute la nuit ! son ton sévère retomba toutefois assez vite, laissant plus place à l'inquiétude qu'il avait pu ressentir C'est pas dans tes habitudes..Si jamais il y a quelque chose qui va pas, je préfère que tu m'en parles..

-Kaleea-

La cendrée fuyait le regard de son père, plus dur que d'habitude. Elle était habituée à un papa perdu, tendre parfois lorsqu'elle-même était au bout du bout et qu'elle ne voulait que partir. Mais un papa sévère ? C'était plutôt nouveau. A vrai dire, non, il avait été sévère avec elle ... avant. Avant tout ça. La voix de Deenos la fit sursauter, comme une piqure de guêpe :


La grise serra légèrement la mâchoire. Comment lui expliquer ? Elle n'avait pas tellement envie qu'il s'inquiète encore plus qu'à présent, mais elle -même se sentait au bord de la rupture. Pourquoi avait-elle fait ça ? Etait-ce possible de se perdre autant, de perdre la raison ainsi seulement à cause des chaleurs, ou était-elle en train de devenir folle ? A vrai dire, plus rien ne lui semblait normal depuis l'incident, et cela faisait longtemps qu'elle pensait avoir sombré dans la folie, surtout lorsque la Nuit tombait sur elle. Mais ça, c'était nouveau.

Alors qu'elle peinait à trouver une réponse, un flash la traversa : et s'il sentait son odeur ? C'était un source après tout ! Elle releva un regard peureux, et recula d'un pas, balbutiant quelques mots. Non, il ne fallait pas que quelqu'un d'autre paie pour son erreur. Mais était-ce vraiment une erreur ? Elle ne s'était jamais senti aussi bien qu'avec ce mâle, jamais aussi pleine, entière. Peut-être que justement c'était l'inverse, c'était exactement ce qui lui fallait ? Mais pourquoi avait-elle l'impression d'avoir été quelqu'un d'autre hier soir ?! Finalement, une seule chose émergeait de son amas de pensées : il fallait protéger Balder. Puis, aller voir un medecin. Donc, d'abord un mensonge. Au bu de son comportement, il allait en falloir un gros ... Elle regarda le sol et dit d'une voix monotone, résignée :

Désolée papa, j'étais ... j'étais au fleuve hibiscus. J'ai bu l'eau du fleuve et je me suis endormie là-bas, j'étais trop ...

Elle releva le regard, mais son corps refusait de mentir. Pas cette fois-ci, lui criait-il. (mensonge = 94) Cependant, elle tenta quand même, la voix sans émotion, débitant son mensonge à toute vitesse :

Çà me fait du bien d'aller là-bas, ça me permet d'oublier. Mais j'en ai trop bu cette fois-ci.

Elle déglutit. Ça ne passerait jamais. De plus, son père bloquait l'entrée de la tanière, et en sortant elle passerait forcément devant lui : s'il ne l'avait pas déjà fait, il sentirait son odeur et comprendrait vite ce qui s'était passé. Et là ...

Lorsque son ton fut un peu plus dur, Deenos sentit Kaleea sursauter. Et d'instinct il s'en voulu un peu d'avoir haussé le ton. Celà faisait bien longtemps qu'il n'osait plus le faire...mais il ne pouvait rester ainsi. Le cendré avait beau se sentir mal de gronder sa fille, il fallait bien qu'elle comprenne qu'il se faisait du soucis pour elle.. Que c'était pour son bien.
Hesitante, cette dernière n'osa d'ailleurs pas trop avancer. Baissant le museau tandis qu'elle ajouta d'une voix légèrement hesitante.

Désolée papa, j'étais ... j'étais au fleuve hibiscus. J'ai bu l'eau du fleuve et je me suis endormie là-bas, j'étais trop .

Hm...

Pas vraiment convaincu, les oreilles de Deenos tiquèrent. Toutefois, il ne la coupa pas. S'avançant doucement dans sa direction tandis qu'il la sentit de plus en plus se tendre

Çà me fait du bien d'aller là-bas, ça me permet d'oublier. Mais j'en ai trop bu cette fois-ci.

Elle lâcha cette phrase à une vitesse tel qu'il ne put que soupirer en l'entendant. Fronçant les sourcil alors qu'il s'approcha.

Je suis ton père, jeune louve. Tu sais que ça ne sert à rien de me mentir.

Cependant, au fur et à mesure qu'il approcha, une odeur bien étrange vint titiller ses narines, celle d'un loup de la source. Par instinct, Deenos leva la tête regardant autour d'eux. Puis doucement, il compris que cette fragrance imprégnait en réalité la fourrure de la fille.
Il sentit son pelage gonfler alors que rapidement le puzzle se reconstitua dans sa tête.
C'était les chaleurs. est ce qu'il ..? Avec un source ?!
Bien qu'il essaya de faire de son mieux pour garder de son calme. Il sentit un peu de colère l'envahir.
Si Deenos se fichait bien que sa fille ai un petit ami. Il ne put toutefois se sortir de la tête que ce mâle, quel qui soit ne devait pas être bien intentionné. Cette alliance avec leur clan rival n'était qu’éphémère et il ne voulait pas que Kaeela se retrouve avec des louveteaux d'un inconnu qui ne serait jamais là pour elle.
Elle n'avait pas besoin de ça. pas tout de suite. Pas après tout ce qui lui était arrivée.

Kaleea.. Il ferma les yeux, l'inquiétude prônant alors sur la colère. Si c'est bien ce a quoi je pense, cela pourrait avoir de grave conséquences..

Il rouvrit les yeux, regardant alors sa fille. Essayant de rester doux en la voyant si stressée. Il ne voulait pas la rendre plus mal qu'elle ne l'était..mais il avait besoin de savoir. Baissant un peu les oreilles, il ajouta d'un ton serieux

Ce... source ? Il ne t'a pas sauté dessus ou forcé la patte j'espère ?

Si c'était le cas, il le retrouverait et lui ferait passer un sale quart d'heure. Deenos avait beau n'être plus que l'ombre de ce qu'il était. personne ne pouvait se permettre de lever la patte sur sa petite fille sans en payer de très lourdes conséquences.

-Kaleea-

Son papa ferma les yeux en inspirant : il avait cramé son mensonges à coup sur.


Il s'approcha, et Kaleea recula d'un pas, mais elle ne pouvait pas continuer sans avoir l'air trop louche. Elle se figea, et très vite, elle vit son père froncer le museau. Evidemment qu'il l'avait senti, quelle cruche elle était ! Non seulement elle faisait n'importe quoi, mais elle plus elle se piégeait elle-même ! Elle baissa la tête, regardant le visage de son père s'assombrir alors qu'il comprenait petit à petit ce qu'elle avait fait. La queue basse, les oreilles couchées, la fille de Triss n'en menait pas large. Elle s'attendait à un déluge de colère, mais seulement la voix calme et inquiète de Deenos retentit :


De graves conséquences ... Oui, oui il avait raison ! Elle ouvrit de yeux un peu plus grand. La situation était plus urgente que ce qu'elle pensait, elle risquait ... Elle risquait des louveteaux ! Mais ou avait-elle la tête hier ?!


Kaleea se redressa soudainement, écartant ses cheveux argents de son visage. Non, il se trompait totalement si il pensait que Balder était le responsable dans cette affaire ! Elle se souvenait de s'être presque jeté sur lui, de l'avoir incité au possible à la prendre, de l'avoir dragué comme une folle nymphomane. Les yeux grand ouverts, elle s'écria :

Non ! Non, pas du tout, c'est moi qui ...

Sa voix s'éteint. Elle avait honte de l'admettre, mais oui, c'était elle qui l'avait poussé à faire ça. Balder n'y était pour rien, et si son papa voulait aller le voir, elle s'assurerait qu'il ne lui arrive rien. Ensuite, il était hors de question qu'elle ai des petits, pas maintenant, pas jamais. Elle secoua la tête, sentant la fatigue revenir sur ses épaules peu à peu. Comme si sa vie n'était pas déjà assez compliquée.

Il n'y est pour rien, je ne sais pas ce qui m'a prit je ... Papa, je me sentais pas moi-même, tu penses que c'était les chaleurs ?

La detresse de Kaleea transparut à travers sa voix. Elle était réellement perdue, est-ce que toutes les femelles avaient ce genre d'expérience lors de leurs premières chaleurs ? Elle sentit son regard se mouiller légèrement, et son coeur se serrer : sa mère lui aurait expliqué, si elle avait été encore là. Tout se serait bien passé dès lors qu'elle aurait été avec elle. Mais elle n'était pas là. Heureusement, elle avait encore son papa.

Le regard emplit d’inquiétude. Il se détendit toutefois un peu alors qu'il sentit sa fille se raidir et régir au tact au tact à sa question.

Non ! Non, pas du tout, c'est moi qui ...

Sa voix semblât alors s’éteindre, se muant dans une forme de honte qui fut douloureuse à voir pour le loup sombre.

Il n'y est pour rien, je ne sais pas ce qui m'a prit je ... Papa, je me sentais pas moi-même, tu penses que c'était les chaleurs ?

Deenos la regarda alors d'un air désolé, baissant un peu les oreilles alors qu'il lui offrit une lèche rassurante sur le museau. Au moins..ce source n'avait pas profité de sa petite fille en profitant de son état de souffrance...Et c'était certainement le plus important. Même si l’inquiétude subsistait, il essaya d'abord de la rassurer.

Ce...C'est des choses qui peuvent arriver en ces périodes...Tu n'as pas à t'en vouloir Kaly... Le plus important c'est de prendre les choses en patte rapidement pour les conséquences si tu ne les souhaites pas..

Il chercha alors doucement son regard, se sentant encore un peu coupable. Encore une fois, il avait en partie échoué à son rôle de père. Baissant doucement les oreilles il rajouta.

C'est de ma faute, j'aurais du faire plus attention et te prévenir mieux sur ça..

Doucement, il vint placer délicatement une des mèches argentés de la louve derrière son oreilles, son coeur se serrant un peu en la voyant de nouveau pleurer.
Deenos avait beau connaitre les médecins du clan, il s'en retrouvait lui même un peu perdu. Si Triss avait été là, elle aurait put tout lui expliquer et certainement mieux la rassurer.
Il pouvait difficilement savoir ce que ça faisait d'avoir des chaleurs comme une louve...Il était là à son écoute, et pourtant, il ne pouvait pas l'aider autant qu'il aurait aimé.

-Kaleea-

La jeune louve perdue sentit une lèche sur son museau, et elle releva le regard. Son papa semblait tout aussi perdu que lui. Elle aurait aimé qu'il soit un pillier pour elle, quelqu'un sur lequel s'appuyer, quelqu'un qui lui dise que tout allait bien se passer, et que bientôt tout ne serait qu'un cauchemar. Mais elle avait appris il y a bien longtemps que Deenos n'était pas comme ça. D'ailleurs, la vie n'était pas comme ça. Tout ne se passait pas toujours bien. Et au moins, son père lui disait la vérité.


Les conséquences ... Kaleea baissa le museau en reniflant, puis sécha ses larmes. Ce n'était pas le moment de penser à sa maman. Il fallait ... Il fallait qu'elle grandisse, qu'elle devienne adulte maintenant.


Elle releva le museau, sentant la griffe de son père remettre une de ses mèches derrière son oreilles. Elle ne savait pas ce qui lui arrivait, et tout était parti en vrille depuis l'incident. Mais pour son père aussi, et c'était presque ce qui la rassurait le plus. D'un geste, elle vint lover sa tête contre sa poitrine, reniflant sa drôle d'odeur un peu brûlée, appréciant le contact avec son poil et ses écailles. Il fallait ... continuer d'avancer, coute que coute. Et comprendre. En ce moment, Kaleea sentait qu'elle devait supporter son père autant qu'il la supportait. Alors, elle parla, d'une voix faible, mais sans trembler :

Non, ce n'est pas de ta faute, c'est de la mienne. Mais j'irai voir un médecin, et ça ira ...

Sa voix flancha sur les derniers mots. Elle n'y croyait pas vraiment, que ça allait aller. Pourquoi elle y croirait, alors que sa vie était devenu aussi terne ? Elle en avait presque oublié le gout des choses. Seul ce moment passé avec Balder lui avait redonné un semblant d'espoir. Elle ... pouvait revivre.