chutes magistrales

-Aymeric-

Rien n'allait plus. Rien. La famille Génésis était toujours en deuil, et Aymeric ne cessait de s'inquiéter. Sa cousine et son père étaient toujours dans une profonde tristesse, et même si Djama et Irina semblaient aller, le chasseur s'inquiétait maladivement pour elles. Et puis .... et puis il y avait Eris. Depuis qu'ils avaient discuté, qu'elle l'avait consolé, elle était distante. Elle l'évitait. Au début, il avait cru que c'était son imagination. Qu'elle en avait marre car il cherchait trop à la protéger, la suivant parfois, s'imposant à elle. Mais non, son comportement avait bel et bien changé.

Et il n'en pouvait plus. Parfois, on ne se rend compte de ce qu'on a que lorsqu'on le perd. Enfin, c'est ce que sa mère lui avait dit, un jour. Il ne savait plus. Mais l'absence de la démonia, et surtout son évitement était extrêmement douloureux. Chaque matin, il se réveillait en pensant à elle. Chaque nuit, il ne se retournait sur sa couche sans cesse en pensant à elle. Il pensait à la mort, à sa mort, à leur futur. Et il n'en pouvait plus.

Après une nuit blanche, le mâle sorti de sa tanière, encre groggy par le maque de sommeil. Il leva son museau vers le ciel d'un blanc laiteux. Non, il ne pouvait plus vivre ainsi. Il s'était promis de protéger Eris, mais elle le rejetais. Il ne pouvait pas accepter ça. Il s'ébroua, puis fit quelques pas et s'envola dans les airs. Le vent lui fit du bien, et il s'éleva pour en sentir l'humidité et la fraîcheur. Il parcourut le camp, puis l'arène, et lorsqu'il survola les chutes magistrales, il l'aperçut. Elle était toute petite, en bas. Au même endroit qu'il y a un mois, comme si tout n'avait pas bougé entre temps. Il fit un cercle au dessus d'elle avant de se poser un peu abruptement sur le sol, à quelques mètres d'elle. Il posa ses yeux sur elle, ne cachant pas sa douleur, sa peur. Il la détailla un instant, les quelques mètres les séparant lui procurant comme une douleur physique. Une brise légère lui apporta son odeur, forte, musquée, désespérément attirante. Il prit la parole d'une voix rauque :

Eris ...

Il secoua la tête. Il fallait qu'il lui parle, il fallait qu'il l'empêche de partir, encore une fois.

Avant de partir ... attends. S'il te plait.

Il prit une grande inspiration avant de la regarder, de la dévorer des yeux. Elle était belle. Son cœur battait fort dans sa poitrine, et ses pattes chancelaient. Mais il devait lui parler.

Je ... Je ne peux pas. Je ne peux pas continuer à vivre alors que tu m'évites. Je ne sais pas pourquoi tu ne veux plus ... Tu ne veux plus de moi, mais moi je ne peux pas vivre sans toi.

Il fit un pas en avant, le cœur prêt à sortir de sa poitrine. Sa respiration était saccadée, mais il ne s'était jamais senti aussi vivant qu'en cet instant. Il voulait vivre, il voulait vivre avec elle, toute sa vie. Peu importe la menace de la mort permanente au-dessus de leur tête, il voulait montrer aux Dieux et au Hasard qu'il était capable d'être heureux.

Je veux ... je veux que tu sois heureuse, en sécurité, et je suis prêt à faire n'importe quoi pour, même si tu as des devoirs envers ta famille, et même si c'est compliqué, et ...

Il secoua la tête. Ça n'avait aucun sens. Il releva les yeux vers elle, et son cœur se serra. Il ouvrit la gueule, légèrement.

Je t'aime, Eris.

-Aymeric-

Mais qu'est-ce qu'il avait fait, mais qu'est-ce qu'il avait dit ?! Les yeux d'Aymeric s'agrandirent, et il aurait pu loucher vers sa langue tant il lui semblait qu'elle avait parlé sans son accord. Pourtant, il l'avait dit. Et c'était à présent évident. Il l'avait regardée se figer, de dos, cachant son visage. Il avait détaillé ses cornes, ses queues, son poil. Son odeur enivrante avait rendu la torture plus intense, plus douloureuse encore. Et ce mélange de douleur, d'envie, de bonheur, d'espoir, c'était de l'amour, il en était sûr à présent. Il la voulait pour lui, tout de suite.

Elle s'était retournée, l'air revêche, et Aymeric se retint de faire un pas en arrière. Il avait fait une erreur ... elle ne l'aimait pas en retour, son comportement de ces derniers jours l'avait prouvé. Mais peu importe, il ne regrettait rien. Il sentit son poil se gonfler alors qu'il la détaillait. Il avait fait son choix, et il irait jusqu'au bout à présent.

Le mâle sentit l'émotion le prendre, presque jusqu'au larmes. C'était ça alors, le problème ? Elle ne l'avait pas rejeté, elle avait simplement évoqué de nouveau ses devoirs. Mais lui s'en fichait ! Il s'en fichait que sa mère la prenne pour une poule pondeuse, lui la voyait autrement ... Il fit un pas en avant, et l'odeur le prit au museau, encore plus forte, encore plus attrayante. Sa respiration s'accéléra encore alors que sa voix s'emporta, résonnant sur l'eau à sa droite, et qu'il déplia ses ailes :

Mais peu importe ! Peu importe !

Il secoua la tête. Pour lui, il y avait d'un côté leur relation, de l'autre son devoir. Les deux ne pouvaient se concilier, mais il ne voulait pas enterrer l'un pour garder l'autre. Il ne pouvait pas. Alors peu importe, qu'un autre loup doive la prendre, c'était le contrat. Peu importe qu'un jour, elle ait des petits qui ne lui ressemblaient pas. Lui voulait la voir heureuse, tout simplement. Il hésita à faire de nouveau un pas en avant, mais avait peur de la brusquer. Il n'était plus sur de rien, et se raccrochait à ses yeux comme un noyé à un morceau de bois.

Je sais que tu as des devoirs. Mais ça ne change rien, ça ne ... ça ne change rien à mes sentiments. Je ne sais pas de quoi sera fait l'avenir, mais je ne veux plus jamais te laisser seule, je ne veux plus jamais me réveiller et passer une journée sans te voir, je ne veux plus jamais te savoir en danger. Et si tu dois faire des louveteaux avec un autre, alors je veux les protéger, et les aimer, et tout ça parce que ça te rendra heureuse et c'est tout ce que je veux.

Aymeric s'arrêta, la gorge trop serrée pour parler. Ses yeux s'étaient embués sous l'émotion, comme s'il venait de vomir tout ce qu'il avait sur le cœur. Il prit une inspiration, laissant les larmes couler sur ses joues sans sangloter, gardant les yeux fixés sur Eris. Peut-être que ses larmes venaient de gâcher sa belle tirade, mais il n'avait jamais été doué pour la drague. Au moins, il aurait tout tenté pour la retenir, et il pensait chacun des mots qui étaient sortis de sa gueule.

-Aymeric-

La visage de la démonia finit par laisser transparaître ses émotions, comme un masque qui se mettrai à fondre sous la chaleur. Et des larmes perlèrent dans les yeux d'Eris alors que les deux loups échangeaient un regard plus intense que jamais.


Le mâle rit nerveusement, se détendant un peu par la même occasion. C'était bien là la louve qu'il connaissait, celle qui osait le charrier, celle qu'il aimait de tout son cœur. Elle essuya ses larmes d'une pattes, d'un geste rageur, comme si elle avait honte, puis avança. Le cœur d'Aymeric s'emballa alors qu'elle marchait vers lui, et il se rejoignirent enfin. Elle posa sa truffe dans les poils de son encolure, et toute son odeur, si délicieuse, empli les poumons d'Aymeric.


Le mâle sentit sa poitrine se gonfler, et il la prit dans ses pattes, son cœur battant si fort dans sa poitrine qu'il lui semblait qu'il allait sortir par son thorax. Elle aussi avait voulu le protéger, à cause de son devoir envers sa famille, à cause de tout ça ... Le temps était en suspens alors que les deux loups s'enlacaient, et rien n'existait plus autour d'eux.


Le mâle cligna des yeux, avant de poser son museau tendrement, fébrilement dans les poils d'Eris. Si ils s'aimaient tous les deux alors rien, rien ne pourrait les arrêter. Le chasseur leva une patte et la posa sur le dos d'Eris, la rapprochant de lui. Son cœur était plus qu'enivrante et il sentit tout son corps se tendre de désir. Il dit, d'une voix rauque, presque chuchotant :

Alors on y arrivera. Tant qu'on est ensemble, on pourra traverser toutes les épreuves.

La respiration accélérée, il lécha tendrement l'oreille de la louve, ses larmes séchant sur ses joues. Il joua dans son cou, ne se préoccupant plus de rien. Il voulait seulement être ici, pour toujours, avec elle.

-Aymeric-

La femelle leva son museau vers lui, et lança, retrouvant un peu de sa répartie :

Il rit, d'un rire mouillé mais soulagé. Son corps se détendait à présent, et il sentait le bonheur le parcourir, puissant, comme une onde jusqu'au bout de ses orteils. Elle était contre lui, et elle ne partirai plus jamais.


Il leva les yeux aux ciel, remerciant peut-être pour la première fois les Dieux, et se remit à rire. Il rit de la vie, car elle était pleine de facétie, et il rit de lui-même, d'être empli à ce point de bonheur et de malheur à la fois. Comment était-ce possible ? La mort de Yoru et de Triss le rendait mortellement triste, et Eris mortellement heureux. Il ferma les yeux un instant, une larme sur le coin de chacun de ses paupières. Il resta un moment comme ça, sentant son ventre gronder de plus en plus fort. Finalement, il renifla avant de s'écarter, mettant une distance toujours douloureuse entre la femelle et lui. Il coucha légèrement les oreilles, l'air gêné, avant de se racler la gorge et de dire à Eris, le regard un peu fuyant :

Désolé rrrmh tu ... tu sens vraiment très bon et j'ai pas envie de faire de bêtise, haha.

Il lui lança un regard désolée, mais son sourire ne quittait plus ses babines. Il avait bien fait de s'éloigner, car sa respiration s'accéléra rien qu'en la regardant. Il savait à présent ce qu'était le désir, et ses hormones adolescente ne le laissait pas en paix, surtout devant une louve aussi belle qu'Eris. Il la dévora des yeux, mais ne voulait vraiment pas se laisser dominer par ses pulsions. Il regarda autour de lui, et ses yeux se posèrent sur l'eau. Ha, oui, ça ça serait une bonne idée. Il s'ébroua, puis lança à Eris, d'un regard en coin :

Ça te dit une baignade ?Parce que j'ai vachement chaud là

-Aymeric-

La louve leva un sourcil, mais elle finit par comprendre. Le chasseur baissa la tête, un peu gêné, s'il avait pu rougir il serait cramoisi. Il ne faisait que découvrir ces sensations nouvelles avec elle, et il n'était pas de ces mâles qui savaient immédiatement quoi en faire. Cependant, il se joint à elle dans son rire, et fut soulagé de la voir accepter leur éloignement. C'était plus ... confortable pour lui, même si la frustration était grande.

Puis soudain, alors qu'il avait fait un pas vers le bord de l'eau, elle bondit et le fit basculer dans l'eau. La surprise se peint sur son visage une fraction de seconde alors qu'il battait des ailes pour recouvrir son équilibre, mais il ne put s'empêcher d'aller s'écraser comme une flaque dans l'eau. Il se débattit, mais ses ailes le recouvrèrent, et il s'empêtra de manière ridicule, jusqu'à presque s'étouffer en essayant de sortir la tête de dessous sa masse de plumes. Lorsqu'il réussi enfin, il toussa tout en riant, incapable de reprendre son souffle. Il essaya de se redresser mais glissa et retomba en dans l'eau tout en riant. Aymeric ne put s'empêcher d'avaler de l'eau, s'étouffant à moitié en se relevant. Il toussa, expulsant l'eau qu'il avait avalé, avant de s'écrier d'une voix rauque et mouillée :

Hé t'as pas le droit !

Il se redressa, et étendit violemment ses ailes, projetant une myriade de gouttelettes d'eau en l'air pour asperger Eris qui était resté sur la berge. Ses grandes ailes soulevèrent beaucoup d'eau, retombant sur la démonia. Aymeric se remit à rire, d'un ton enfantin. Elle l'avait provoqué, et à présent son instinct de louveteau reprenait le dessus.

-Aymeric-

Sa vague atteint son but, et Aymeric regarda la belle louve à présent trempée, un sourire satisfait sur la face. Elle lui lança un regard de braise, qui raviva la sensation brûlante dans son ventre. Il avait clairement envie de venir la titiller, de se rapprocher encore, de sentir son odeur, mais ne voulait pas tenter le diable, non. Alors il se contenta de sourire, la dévorant des yeux depuis l'eau.


Elle lui tira la langue, et il lui répondit en lui la tirant aussi, non mais. Il était quoi, un poulet, maintenant un dindon ? Il lui aurait bien montré de quel bois il se chauffait, mais n'osait pas sortir de l'eau et se rapprocher d'elle. Ses parents n'étaient pas encore prêts à devenir ... papy et mamy. Alors il lui tourna le dos, lui présentant ses fesses, avant de s'avancer encore et de se mettre à nager, lui jetant un petit regard en coin pour la surveiller et l'inciter à venir nager.

-Aymeric-

Aymeric finit son petit tour dans l'eau, pas très habile. Après tout, il était du Desert et pas de l'Eau, c'était normal qu'il ne sache pas bien nager. Mais surtout, ses poils, ses ailes, ses cheveux, tout l'attirait vers le bas. Eris quant à elle s'approcha de l'eau, mais au lieu d'y plonger comme il l'espérait, elle bu. Tant pis pour la scène romantique qu'il s'imaginait, ça serait pour une autre fois ! Un petit frisson le parcouru. Eris et lui. Lui et Eris. Il était heureux. Est-ce que c'était mal ? Probablement pas, lui aurait dit Triss si elle avait encore été là.

Il s'approcha, faisant quelques pas sur le sol un peu gluant de la rivière, mais Eris s'éloigna de nouveau après s'être secoué.


Elle fit demi-tour, alors Aymeric comme il l'avait fait depuis qu'il la connaissait, la suivit. Il sortit de l'eau, s'ébrouant pour chasser le mieux possible l'eau de ses poils mouillés. La fraîcheur de la rivière lui avait fai du bien, et il se sentait revigoré. Il se mit à trotter pour rattraper la douce odeur d'Eris, tout en gardant une distance raisonnable entre eux. Distance qu'il savait qu'ils combleraient une fois ces satanées chaleurs passées. Il sourit. Il avait hâte.