YSTRELLE

Le printemps était de retour et avec lui les proies. Ystrelle avait attrapé son premier raton volant de la saison, et évidemment, elle était immédiatement allé l'offrir à son mâle. Gothic dormait sous le soleil, près l'ombre bienfaitrice du grand arbre arborant le trophée de l'assassin, le crâne blanchi du roi des Cavernes. Il l'avait accueilli comme d'habitude avec un grand sourire, mais sa queue s'était agité quand il avait vu le présent qu'elle tenait entre ses crocs. Elle l'avait forcé à lever sa vieille carcasse et à lui courir après comme des louvards pour obtenir son délicieux trésor. Il l'avait bien entendu attrapée et l'avait gardée captive entre ses épaisses pattes pendant qu'il dévorait la petite créature pour son plus grand plaisir. Ils avaient ensuite passé quelques minutes de plus enlacés avant qu'elle ne le laisse à sa sieste pour retourner chasser.

Elle était retournée dans les plantes dans l'espoir de trouver un ou deux autres ratons pour les anciens. Leur chair très tendre était plus facile à mâcher pour leurs crocs gâtés. Elle ne pouvait évidemment pas retourner au même endroit où elle avait certainement fait fuir tous les autres ratons. Elle se mit donc en quête de nouvelles traces fraîches quand Faubaru s'approcha d'elle.

Maman. J’ai quelque chose à t’avouer.

La chasseuse sursauta, concentrée qu'elle était, elle n'avait pas entendu son fils approcher. Elle se tourna vers lui et le regarda avec une moue taquine.

Ca va devenir une habitude de me tomber dessus pour me dire des choses ? Entre toi et ton nouveau frère je vais finir par devenir chèvre!

Ils avaient appris quelques jours plus tôt que Cynthia avait changé de sexe, si elle avait au départ été choquée, Ystrelle y avait vu une occasion d'avoir peut-être enfin des petits enfants. Peut-être une louve saurait-elle séduire celui auprès duquel tous les mâles du clan avait échoué? Elle rit doucement avant de reprendre son sérieux.

Je t'écoute Faubaru, dis moi ce que tu dois me dire.

YSTRELLE

Quand il finit par prendre la parole, sa voix était teintée de stress. Il n'en menait visiblement pas large et Ystrelle se demandait ce qu'il avait bien pu faire pour se mettre dans cet état. Elle espérait qu'il n'avait pas fini par aller défier Nils, mais il n'avait pas l'air blessé donc elle supposa que non.

Je… J’aime une louve.

Le visage de la louve s'illumina. Enfin! Enfin un de ses petits allait avoir une compagne dans le clan! Ses queues s'agitèrent joyeusement, il y en avait enfin une que le sang Gothic n'avait pas fait fuir! Mais pourquoi était-il aussi gêné de lui dire cela ? Il devait savoir depuis le temps que rien ne pouvait la ravir plus que de voir ses petits fonder leur propre famille. Quand Gothic avait rapporté que Rahawk allait être père, elle avait dandiné du popotin pendant toute une soirée et avait attrapé assez de ratons volant pour tout ceux qui vivaient encore dans la tanière familiale.

C’est une chasseuse, elle aussi.

Encore plus formidable! Ystrelle ne pourrait qu'aimer une louve qui partageait son amour de la chasse. Et puis, elle devait faire partie des groupes de chasse classique, donc pas une grosse brute comme sa fille aînée qui participaient aux chasses aux grosses proies. Un louve calme et douce, ce serait parfait pour son fils. A vrai dire, elle l'avait toujours imaginé avec une nourrice, mais une chasseuse, c'était parfait. Elle se demanda qui ça pouvait bien être ? La jeune Edha peut-être? Elle n'était pas dans son groupe de chasse, mais elle était ravissante.

Elle est gentille et attentionnée envers moi. Sa beauté n’a aucun égal, encore plus quand elle chasse. Je serai prêt à tout pour elle.

Oh oui ça ne faisait aucun doute maintenant, c'était très certainement la petit Edha. Les queues d'Ystrelle battaient très joyeusement. Elle ne comprenait toujours pas pourquoi il était aussi stressé de lui révéler une si bonne nouvelle. Encore, à l'époque de Yogrenn, si ça avait été une caverne, effectivement vu les relations de son père avec ces loups, il aurait pu se sentir tracassé. Mais les seuls qui restaient au camp aujourd'hui étaient Gaor, Widys et leurs enfants, et ils n'avaient pas de chasseurs dans leur famille.

Cette louve… C’est toi… Maman…

Les queues d'Ystrelle retombèrent instantanément, en même temps que sa mâchoire inférieure. Soudain, elle eut l'impression que sa vue se couvrait d'un voile noir. La fourrure de son dos se hérissa sous un courant glacé. Elle avait mal entendu. Ce n'était pas possible. Il n'avait pas pu vouloir dire ça. Impossible. Pas son fils. Ils avaient toujours eu une relation particulière mais rien n'avait pu lui laisser penser qu'il s'attachait à elle de cette façon. Son estomac se tordit violemment et elle vomit son repas sur ses pattes avant (98/100). La tête lui tournait. Allait-elle s'évanouir? Des mouches lumineuses papillonnaient sur le voile noir de son regard.

YSTRELLE

Alors qu'elle chancelait, le regard voilé par le choc de la révélation de son fils, elle se sentit soudain soutenue par un mur de fourrure. N'y prêtant pas attention, elle se laissa peser dessus le temps que son coeur reprenne un rythme plus normal et que sa vue redevienne claire. Faubaru devait continuer à parler car elle entendait sa voix, comme sous l'eau et très lointaine. Son corps avait beau la lâcher, son cerveau tournait à toute vitesse.

Faubaru venait de lui dire qu'il était amoureux d'elle. Elle. Sa propre mère. Son estomac se tordit de nouveau. Non c'était impossible. Il faisait erreur, il confondait un sur-attachement développé depuis sa plus tendre enfance et l'amour véritable. Il n'y avait que ça comme explication. Après tout il était jeune, il ne pouvait pas savoir. Reprenant peu à peu contenance elle s'écarta du support qui l'avait soutenue et fit quelques pas incertains, posant sa patte avant sur son front pour étouffer le début de migraine qui allait sans aucun doute lui tomber dessus dans quelques minutes, s'étalant un peu de vomi par la même occasion.

Tu ne l’as probablement jamais pensé comme ça… J’étais souvent avec toi, toujours, sauf pendant les chaleurs… Tu devais penser que je faisais comme les autres, que je tournais autour de louves de mon âge… La vérité c’est que je me tenais toujours à une distance importante de toi, Maman… Pour ne pas sentir ton odeur qui est la seule que je trouvais vraiment attirante… Aucune autre ne m’a procuré cette sensation… J’aurai pu venir t’en parler dés le départ… Mais j’avais peur… Peur d’être tenté de faire quoi que ce soit… Maintenant, il n’y a plus vraiment de risques…

Elle rouvrit les yeux. Faubaru pleurait. Les larmes dévalaient ses joues. Mais elle ne ressentait que du dégoût (95/100). Elle avait espéré qu'il confondait des sentiments purement platoniques avec le véritable amour qui était une union de l'esprit et de la chair. Mais il avouait qu'il avait toujours trouvé ses chaleurs plus odorantes et agréables que celles de toutes les autres louves du clan. Des larmes se mirent à couler sur ses joues également. Ce loup n'était pas son fils, il lui avait volé son tendre bébé, il avait volé son corps pour la punir d'elle ne savait quel péché encore. Son museau se fronça.

Je suis rien qu’un monstre de plus !

Elle ne parvenait pas à dire un seul mot, mais plus ce loup restait en sa présence, plus elle montrait des signes d'hostilité. Elle ne le reconnaissait plus comme son fils. Faubaru était mort. Son coeur pleurait et saignait, mais avant de pouvoir s'abandonner à sa peine elle devait éconduire ce prétendant. Elle était la compagne de Gothic, aucun autre mâle n'était digne d'elle.

Je suis si désolé… Maman…

Elle ne put plus retenir un grondement sauvage. Comment osait-il l'appeler maman?! Sa fourrure se gonfla et ses dards d'argent se formèrent dans son pelage. Elle ne les projeta pas (contrôle de soi 28/100).

Tu n'est pas mon fils!

Gardant contrôle d'elle-même, ne pouvant malgré tout blesser l'enveloppe de son fils bien aimé, elle le contourna pour rentrer au camp (39/100). Elle avait un nouveau fils à pleurer. Un nouveau fils dont elle ne prononcerait plus le nom. C'était un cauchemar. Tout son corps frissonnait alors qu'elle avançait vers la tanière familiale. On lui jetait des regards étranges, mais elle gardait la tête droite, personne ne saurait rien de ce qu'elle ressentait. Elle ne laisserait rien voir tant qu'elle ne serait pas en boule au fond de sa tanière, sur la couche de son fils disparu.