Son ventre la tiraillait, elle était épuisée. Sygrid, énorme, en avait déjà marre. Elle n'avait toujours pas compris ce qu'il y avait d'exceptionnel, car jusqu'à présent, elle n'y voyait que du négatif. Elle était énorme, ses mamelles pendaient affreusement, elle était fatiguée sans même faire d'effort, elle mangeait comme quatre, et elle ne savait plus s'entrainer.

En plus de ça, son ventre énorme l'empêchait de dormir comme elle le voulait. Adieu sa position favorite, maintenant c'était sur le flanc et rien d'autre. Il y avait au moins du positif: Sa grossesse se déroulait merveilleusement bien, ce qui signifiait qu'elle ne serait pas un échec et qu'elle ne devrai pas réitérer l'opération de sitôt.

Heureusement, sa mère et elle se partageaient la régence, aussi Sygrid pouvait se permettre de ne plus penser à rien. Sous les conseils de sa mère et de l'unique médecin décrépi du clan, elle avait aménagé sa tanière du mieux qu'elle pouvait, sans comprendre pourquoi jusqu'à ce qu'elle se couche sur la paillasse épaisse pleine de plumes et du duvet de son ventre. La paillasse moelleuse était si confortable que rapidement, son mal de dos fut calmé.

Rapidement, elle se posait des questions. Elle voulait faire de ses petits de bons héritiers, mais comment? De ce qu'elle savait de sa famille, il y avait toujours eu un problème à chaque portée. Elle se demandait avec anxiété si ça serait à nouveau le cas dans la sienne, si cette malédiction allait de nouveau marcher, ou non, mais tout ça, elle ne le saurait qu'au dernier moment.

Elle marchait, la vieille doc ridée lui avait dit de marcher, ça soulagerait elle ne savait plus trop quoi. Alors elle marchait, mais ça ne soulageait rien. Ni son dos, ni ses pattes, ni sa peau distendue, rien. Mais elle marchait quand même, ignorant pourquoi elle écoutait les conseils de cette vieille verrue.

Puis soudain, une explosion.

Une douleur atroce, dans le creux de ses entrailles, elle se figea, les pattes courbées. Elle se tendit, le souffle court.

Deuxième explosion.

Elle fit demi tour, alors que la douleur la déchirait de l'intérieur, l'instinct prenant le dessus. Si mal, elle avait si mal! Elle sentit un liquide salé couler sur ses joues, elle ne contrôlait plus rien tant la douleur était intense. Sans même se demander pourquoi, elle se rua dans la tanière de sa mère, aveuglée par la douleur, hurlant.



Elle s'effondra au sol, la respiration sifflante. Trop énervée par la douleur, crispée. Soudain, une nouvelle contraction la fit se rouler en boule alors qu'elle hurlait, son cri étouffé par les poils dans lesquels elle avait fourré son museau. Elle ne pensait plus à rien, ne se disait pas que la douleur était normale, elle souffrait le martyr et voulait juste que ça s'arrête. Ses yeux roulèrent sous le supplice, cherchant la silhouette familière et rassurante de sa mère.

Sa vue jusque là floue se fit nette et elle devina la silhouette de sa mère devant elle. Un puissant sentiment de sécurité l'envahit, jusqu'à ce qu'une nouvelle vague de douleur la fit se tordre. Sa mère demanda quelque chose, à quelqu'un que Sygrid ne voyait pas, et un grondement sorti de sa gorge. Qui était-ce!

Un loup bleu, à la silhouette très fine, débarqua. Sygrid ne reconnu pas l'apprenti médecin. ce dernier expliqua, chuchotant à Amélia, que Natasha ne pourrai pas venir, étant paralysée de tout l'arrière train, et que c'était lui qui allait aider. Sygrid n'en perçu pas un mot, mais elle sentait le stress vibrer dans le corps de cet oshur, ce qui la fit gronder encore plus, il n'avait pas intérêt à approcher! La silhouette recula avant de déguerpir, allant chercher de l'eau.

Les pattes de sa mère sur sa fourrure la calma un peu, et lentement, elle tenta de calquer sa respiration sur ce que lui montrait sa mère. A nouveau, une contraction encore plus violente que les précédentes la fit se tordre, ses yeux exhorbités étaient noyés de larmes. Mais elle se concentra sur le réconfort des pattes de sa mère sur son flanc gonflé et tendu, et, alors que les contractions se faisaient plus violentes que les précédentes, et de plus en plus rapprochées, Sygrid ferma les yeux.

Alors, une nouvelle contraction lui déchira les entrailles, elle se concentra du mieux qu'elle pu, et au lieu de hurler, elle poussa, de toutes ses forces, grimaçant sous l'effort, se cambrant. Il lui fallu faire à deux fois l'effort avant qu'une première boule ne sorte de son ventre. Sygrid se relâcha complètement, haletant, les yeux fermés, avant que son instinct ne la pousse à lever la tête pour poser le petit contre elle et le laver. Mais alors qu'elle allait le saisir, une nouvelle contraction la cloua au sol. Elle grogna, elle gémit, la douleur si vive que même le hurlement ne la calmait plus.

La vision floue, elle remarqua l'apprenti se pencher vers amélia pour lui chuchoter quelque chose. Sygrid n'entendit rien, mais il avait apparemment compris que s'il faisait un pas vers elle et son petit, elle allait l'égorger illico, qu'il soit le dernier médecin du clan ou non. Elle n'eut pas le temps de penser plus, elle se contracta à nouveau en gémissant.

Sygrid ne remarqua même pas que le loup s'en allait. Le corps secoué par la douleur, elle fixait le mur, elle ne comprenait pas que si elle se laissait aller, tout irait pour le mieux. Personne ne lui avait dit comment faire. Elle sentit alors un minuscule corps chaud et mou contre son ventre, et soudainement, tout fut plus clair.

Sygrid leva la tête pour laver frénétiquement le petit, il était crème et marron, les poils collés partout sur le corps. Un magnifique masque noir se dessinait cependant sur son crâne, et marquaient ses pattes et sa queue comme s'il les avait plongé dans une flaque. Une sensation plus qu'étrange gronda dans les entrailles de Sygrid, alors que le petit gémissait, jappait, geignait, en tétant.

Elle reposa la tête et grogna en gémissant, se contorsionnant sous une nouvelle contraction. Bordel!
Elle réussi avec beaucoup de peine à articuler le prénom de sa mère. A présent, Sygrid tremblait de peur, de peur que ça ne se passe pas bien, de peur qu'il y aie un problème. La douleur intense qu'elle resentait lui semblait anormale. Mais rapidement, alors que son ventre se tendait et se tordait, elle sentit une nouvelle boule humide entre ses pattes arrières, et profita de la délivrance pour la poser elle même entre ses pattes.

Celui là, bien que trempé, bien portant et bien charnu, était tout blanc.

Pas le temps de se poser des questions, s'il n'y avait pas de blanc dans la lignée de ce petit, Sygrid s'interrogerai plus tard sur cette anomalie. Elle fut rapidement mis de nouveau à terre, alors qu'un nouveau hurlement lui déchirait les cordes vocales.

L'appui léger que lui offrait sa mère, en posant régulièrement sa truffe sur son cou, aidait Sygrid, elle repris lentemnet contenance en se mettant à respirer et à pousser à interval régulier. Elle avait mis au monde deux petits, et elle sentait toujours le mal lui déchirer les entrailles, mais les deux premiers étaient tous deux quasi parfait pour le peu qu'elle en avait vu, et une hâte atroce lui brûlait l'estomac. Elle voulait voir leur bouille, les visages de ces petits qu'elle avait enfanté.

Mais si elle avait à présent trouvé la bonne manière de faire, le dernier s'avéra le plus compliqué, confortant l'idée qu'il n'y en aurait plus après. Finalement, après une éternité de travail, Sygrid éjecta le petit corps dans un hurlement étouffé mais déchirant.


Elle resta inerte, incapable de bouger le moindre de ses membres, elle fixait le vide en haletant rapidement, plus aucune contraction ne la secouait, mais le petit corps entre ses pattes arrières ne bougeait pas non plus. L'instinct en elle se réveilla alors, inhibant toute douleur. Si elle n'agissait pas rapidement, son bébé allait s'étouffer dans son sac amniotique! Elle se redressa, se tordant pour lécher le petit, et au bout de longues secondes, elle réussit à arracher le sac et l'avala, léchant son petit pour le nettoyer au mieux. Finalement elle le pris par la gueule et le posa avec douceur avec les deux autres.


Sygrid venait de devenir mère. Elle les inspecta, commençant par le dernier né. La dernière née en l’occurrence, était très sombre. Elle représentait si bien l'idéal de beauté des Yten, malgré quelques petites taches bleues, qui deviendraient probablement des ocelles plus tard, rappelant ses origines Oshur. Sygrid ne s'en formalisa pas, elle même représentait à moitié cette partie de la race. Sygrid la regarda, puis leva ses yeux mouillés vers sa mère Amélia. Emily, elle s'appellerait Emily.

Elle baissa à nouveau le regard vers le second petit. Encore une femelle, toute blanche. Sygrid retint une grimace. Pourquoi elle était toute blanche celle là? Elle passa sa truffe sous le ventre de la gamine et ne sut que penser en sentant son petit coeur battre si fort. Sygrid recommença à l'observer intensément. Yogrenn aurait certainement coupé court à la vie de cette gamine. Mais Sygrid passa un coup de langue sur le dos humide de la gamine, elle lui donnerait une chance. Peut être. Entretemps la gamine blanche s'appellerait Garm, mot parfait pour représenter le malaise qu'elle ressentait à avoir mis au monde un petit pareil.

Son regard dévia ensuite sur le dernier petit, et son coeur fondit sans attendre. C'était un petit mâle.

Un magnifique petit mâle. Sygrid passa tendrement sa truffe sur le dos du petit. Robuste, bien gros et épais. Un loup parfait. Subjuguée par son petit prince, elle se mit à ignorer les protestations des deux autres qu'elle avait écarté de son ventre en se tordant ainsi. Elle n'avait plus d'yeux que pour son fils, les deux autres ne comptaient plus tant maintenant qu'elle avait mis au monde un héritier en bonne santé. Elle ferma les yeux en inspirant un grand coup, mémorisant l'odeur de son prince.

Elle leva une nouvelle fois ses yeux plein d'amour vers sa mère, fière d'elle, déjà fière de ce petit si parfait. Il allait être grand, fier, beau, parfait. Une sensation étrange brûlait ses entrailles mais c'était réconfortant. Sygrid aimait ses petits. Sa voix fut cassée par l'émotion.


Elle désigna les petites, peut être sa mère verrai la ressemblance du nom de la dernière avec le sien, Sygrid n'y accordait déjà plus d'attention. Elle passa à nouveau sa truffe sur le dos du mâle.


Elle ferma les yeux en savourant ce contact, cette sensation addictive qui l'empêchait de décoller sa truffe. Elle murmura, si calme et si paisible.


Son premier né, son héritier, l'unique mâle, elle allait accomplir la volonté de son père, elle allait faire de lui le caverne parfait. Le futur Roi.

Sygrid vit du coin de l'oeil sa mère s'allonger de l'autre côté des petits. La jeune mère avait un sourire béat sur son visage, pouvant presque la rendre belle et inoffensive, Sygrid baignait dans le bonheur.

Mais tout pris brusquement fin, dégénérant comme le scénario d'un mauvais film. Amélia se releva brusquement et Sygrid la suivit des yeux, surprise. Puis lentement la colère grondant en elle contre cette louve. Elle redressa ses babines, dévoilant ses crocs, grognant contre sa génitrice. Elle venait de souhaiter ça! Amélia la fixa et Sygrid laissa voir toute la colère et la férocité qui l'habitait. Sa mère était brisée, mais qu'avait elle fait pour se défendre? Rien! Elle avait été faible toute sa vie et maintenant profitait de la mort de son bourreau qu'elle n'avait pu tuer elle même. Sygrid se pris de honte d'avoir aimé sa mère.

Quand Amélia eut fini, Sygrid se releva, lentement, les petits endormis peu dérangés par son mouvement leur retirant leur doux matelas chaud. Elle se dressa de toute sa hauteur devant la louve obèse. Du sang coulait encore sur ses pattes arrières et elle était fatiguée, mais était une fière et forte combattante, elle ne ferai qu'une bouchée de cette vieille louve faible et grosse. Dans la voix de Sygrid, tremblait sa rage et sa haine.




En colère, elle avait toujours eu ce ressentiment. Si elle avait été un mâle, Yogrenn aurait été encore plus fier, et elle aurait été plus redoutable. Sygrid s'approcha d'un pas, se dressant entre ses petits et l'ennemie dans sa tanière.


Elle gronda, grogna, et claqua ses machoires devant le museau d'Amélia.


Il lui suffirait de hurler. Des anciens supports de son père ,elle en connaissait quelques un. Peut être même Jéremiah lui obéirait-elle, parce qu'il avait été élevé selon les principes de Bosco, l'un des meilleurs loups du clan. Son regard se fit cruel, et elle claqua une nouvelle fois des dents devant sa mère, lui arrachant une petite touffe de poil sur le museau.

Alors qu'elle pensait qu'Amélia allait battre en retraite, comme elle l'avait toujours fais, cette dernière au contraire poussa violemment l'Unique et Vraie Reine. Déstabilisée, elle recula, n'ayant eu le temps de contrer l'attaque. Grondant de fureur, elle se rua sur l'obèse pour tenter de la prendre au cou, déterminée. Ce fut un échec, cette garce était peut être un peu plus forte que prévu, mais Sygrid ne s'en rendait toujours pas compte.

Alors qu'elle se repositionnait pour attaquer à nouveau, L'oshur fut plus rapide et réussit à plaquer la jeune mère à terre. Un instant, un vent de panique pris Sygrid, si elle avait aterrit sur un petit?! La fureur grandit en elle, et elle tenta de se débarasser du poids lourd qu'était Amélia en logeant ses pattes arrières sous son ventre. Mais ça ne l'empêchait pas de voir les crocs de la reine obèse se rapprocher inexorablement de son cou... Elle voulait la tuer.

Mais alors que Sygrid allait perdre, Amélia hésita. Sygrid vit là l'occasion parfaite, elle se délogea de son poids en la poussant, réussissant à se redresser. Amélia pleurait, c'était pathétique.


beau, grand et fort comme il l'était, quelques minutes à peine après sa naissance, Sygrid en ferait un enfant parfait, elle était déjà si fière de lui, une puissante vague d'amour le nourrissait. Sygrid la poussa contre un mur, l'éloignant de ses petits. Mais Sygrid se surestimait, et sous estimait les capacités de la Reine en morceaux.


Elle reçu la gifle avec stupeur. Sans pouvoir réagir, Amélia ne traina pas et la plaqua à nouveau au sol. Elle sentit un petit roque sous son dos, comme quelque chose qui ne devait pas s'y trouver. Puis soudain une vague de chaleur puissante jailli de son cou et se diffusa dans son corps tout entier. Elle ouvrit la gueule pour hurler contre sa mère, mais aucun son n'en sortit, rien à part un gargouilli rempli de sang. L'air qu'elle tentait d'aspirer sortait en sifflant par sa gorge. Elle ouvrait et fermait la gueule, tentant de bouger, tentant de parler. Mais ses yeux s'emplirent de terreur, tandis qu'elle fixait la louve qui lui avait donné la vie.

Elle ne réalisa qu'à peine qu'elle était couchée sur la moitié du corps de l'un de ses petits. la panique la gagna, l'avait elle blessé?! forcément oui. Une nouvelle vague de haine l'envahit, sa mère détruisait sa vie, une fois de plus. Mais au fond de ses yeux, il n'y avait que de la terreur. Les larmes emplirent son visage, mouillant ses joues et se noyant dans sa gorge. Elle sentait ses cheveux baigner dans un liquide poisseux, elle sentait la chaleur sur son cou mais pourtant aurait pu trembler de froid. Suffocante, elle se figea lentement, plus capable de rien, elle fixait sa mère.


Et lentement, ses beaux yeux émeraudes se couvrirent d'un voile vitreux, tandis qu'elle ne cessait de fixer celle qui lui avait donné la vie, et qui l'avait repris à présent.