Fin décembre 268
Dieu Mordor, joué par Fracture46

Le moment était venu. Ils s’étaient mis d’accord. Ils devaient se montrer devant leurs proches fidèles : les religieux. Mordor avait choisi le moment propice pour apparaître, quelques prieurs se trouvant près de son autel. Pour ceux qui étaient dans les environs proches, un hurlement très particulier se fit entendre, un hurlement de chasseur. Le son semblait provenir de la statue du Dieu de la chasse et une aura verte apparut sous son socle.
Des brisures se formèrent sur la statue représentant la divinité alors que le hurlement continuait. Puis, la sculpture s’enveloppa de la même aura verte qui brilla fortement avant de se dissiper, révélant la silhouette brune tachetée de verte du colosse représentant les herbivores de la région. Il sauta de son piédestal avec l’agilité du plus fin chasseur et ouvrit ses yeux ambrés pour balayer l’assistance. La plupart étaient ahuris à sa vision en chair et en os. Cependant, il ne saurait rester ainsi plus d’une heure ou deux, il devrait être bref et répondre aux questions éventuelles de ses fidèles. D’un voix caverneuse allant bien à sa stature imposante, le dieu s’adressa aux religieux d’une voix forte, celle d’un meneur de chasse qui ne perdait pas son temps en longs discours.

« Mes fidèles druides, je n’ai pas beaucoup de temps alors je tâcherai d’être bref. Vous aurez constaté depuis un moment la disparition de vos dons. Sachez que ceux-ci vous reviendront bientôt, puis seront de nouveau accessibles à l’ensemble de votre clan. »

Mordor poussa alors un autre hurlement, un voile vert se répandant devant lui. Les religieux touchés purent percevoir la magie de la divinité les toucher. Certains eurent envie de chasser, d’autres de simplement courir. Mais tous restèrent devant lui, résistant visiblement à leur envie. Le Dieu des la chasse observait l’assistance de son regard montrant autant sa capacité de prédation que sa sensibilité vis-à-vis de l’environnement qui l’entourait. Il avait choisi ce lieu pour sa statue pour une raison : il l’appréciait tout particulièrement. Voir les mortels chasser ici depuis le plan divin lui faisait d’autant plus plaisir. Il n’était pas du genre à beaucoup parler. Les mortels devront poser leurs questions tant qu’il était présent.

Mordor observaient ses prieurs, toujours aussi étourdis par son apparition soudaine. Une fois cette surprise passé, l’un d’eux qui ressortait du lot : Cirice, lança un mouvement en faisant une profonde révérence face à lui. C’était le lot des mortels de se mettre en quatre quand il voyait un dieu. Le représentant de la chasse n’était pas forcément un grand fan de ce genre de preuve déférente de respect. Il préférait la simplicité et le respect ordinaire. Tous étaient des chasseurs, la seule nuance était qu’il menait et qu’ils le suivaient. Mais une chasse est un tout et chaque membre se respecte. Si le chef doit être écouté, les autres n’ont pas besoin de rouler des mécaniques en sa présence car ce n’est pas le lieu. Mais là n’était pas le sujet car il n’agissait pas d’une chasse.
Après un silence, le mortel noir rayé de blanc prit la parole.

« Dieu Mordor ... Pourquoi nous rendre nos pouvoirs, s'ils sont l’œuvre du Dieu Akui, celui-là même qui a massacré nos familles, tué nos fils, nos enfants, nos frères ? »

Le Dieu de la Chasse n’appréciait guère le ton employé par le prieur. Il s’adressait à lui comme si il venait placer une épée de Damoclès sur eux. Tel n’était pas son but. Bien malheureusement, un silence s’installa. Visiblement, ce mortel avait une influence importante sur le groupe de druides.
Sans bouger de sa position, Mordor balaya du regard l’assistance avant de répondre.

« Akui a été puni et il a été privé de ses pouvoirs. Ce sont mes confrères, consœurs et moi-même qui avons restauré la magie. Cette source même qui a volé en éclats le jour de la défaite d’Akui et de votre victoire. »

Comme il savait bien que cela ne suffirait pas, il poursuivit, toujours sur le ton de celui qu’on se devait d’écouter, un ton ferme et profond.

« Toute vie a un début et une fin, comme Rhéa vous l’a enseigné il y a fort longtemps. Que la magie existe ou non, le mal subsistera, tout comme le bien. Vos dons ne sont pas mauvais, ils sont un cadeau de notre part pour vous aider à faire face, à rester debout et à vaincre le mal. »

Mordor attarda son regard un instant sur Cirice, lui adressant mentalement.

« Je comprends ton envie d’être le guide de ceux qui voudront bien te suivre, mais apprend à parler avec discernement et guide-les sur la bonne voie. Tes paroles peuvent avoir plus d’impact que tu l’imagines. »

Vouloir être le chef de chasse d’un groupe n’était guère une ambition que le dieu des chasseurs voyait mal. Au contraire, la plupart des loups ont besoin d’un guide pour avancer, pour suivre une voie et un sens commun, pour suivre des règles et honorer des traditions. C’était ainsi que les dieux s’étaient placés il y a fort longtemps : en guides. Puis ils ont laissé cette responsabilité aux mortels par le biais des Alphas, bêtas et chef d’armée. Mais d’autres voix peuvent toujours se dresser pour tenter de créer un nouveau sens, tant que ce sens restait bienveillant.

Mordor put percevoir l’étonnement du prieur auquel il s’était adressé mentalement. Son immobilité soudaine ne trompait pas, de toute façon le Dieu de la Chasse sentait ce genre d’émotions. Par la suite, d’autres druides approchèrent un peu, posant des questions à leur tour. La divinité prit le temps de répondre à chacun d’entre-eux.
Certains demandèrent pourquoi les divins n’étaient pas venus en personne les aider à vaincre Akui. Il répondit simplement qu’Akui avait engrangé bien plus d’énergie que les autres grâce aux pouvoirs, chaque utilisation lui conférant un peu de puissance. Ainsi, il avait été en mesure de s’incarner plus facilement que le reste du panthéon. Le Dieu des chasseurs adressa que cet événement pouvait être considéré comme une épreuve pour les mortels, pour voir si ils sauraient vaincre Akui sans une aide directe des dieux. Ils avaient réussi grâce à l’Artefact.
Un autre prieur demanda pourquoi le temps sans pouvoirs avait été si long. Mordor exprima simplement que rassembler les fragments de ce qui formait la magie pour les mortels avait nécessité du temps, de l’énergie et de la concentration à chaque divin.
En suivant, un autre mortel demanda si les divinités rendraient visite à leur prieurs à l’avenir. Le dieu brun et vert secoua alors lentement la tête avant de signifier que cette apparition physique coûtait beaucoup de puissance à chacun des dieux. S’incarner ainsi n’était pas aussi simple et répéter le processus demanderait du temps. De plus, si les dieux avaient quitté ce monde, c’était pour devenir des figures, des images de droitures et de principes et non plus des influences de manière générale. Leurs visions et autres messages tacites étaient des interactions bien suffisantes. Leur apparition temporaire était purement exceptionnelle.
Du coup de l’œil, Mordo remarqua Cirice, celui qui deviendrait peut-être le chef des prieurs, s’abaisser et murmurer.

« Merci Dieu Mordor, de vous être montré à nous. Je chasserai en votre honneur tous les jours pour vous remercier d'avoir ramené nos pouvoirs. »

La divinité eut un mince sourire bref. Chaque proie tuée par un loup lui conférait puissance et bonne humeur. Une période de disette le mettrait dans le plus grand des désarrois. Mais, heureusement, cela ne risquait pas de se produire grâce à sa divine influence sur la nature. Malgré tout, sa présence avait faibli avec le temps, le monde étant de plus en plus livré à ses aléas sans qu’ils furent influencés par lui ou ses confrères et consœurs.
Alors que les langues se turent, les prieurs se contentèrent d’admirer le dieu qu’ils priaient parfois depuis des années sans jamais avoir reçu le moindre signe. Il ne pouvait s’en vouloir, n’étant pas du genre bavard avec les mortels. Aujourd’hui était un jour particulier.
Le silence se fit alors qu’une brise agréable se leva, portant les odeurs d’un Été essoufflé et d’un Automne prochain. Mordor ferma les yeux un moment, sa fourrure s’agitant de manière légèrement surnaturelle face à un vent pourtant si léger. Il n’en était pas sûr, mais il lui semblait soudain que quelque chose se tramait et lui échappait. Sans changer d’expression, il rouvrit les yeux et observa l’assistance, sondant chacun d’eux pour les inviter à lui parler s’ils le souhaitaient. Si plus aucun d’eux n’avait à parler, le Dieu de la Chasse n’allait pas s’éterniser ici.