D’après son calcul très simple, Mlle.Midéro en avait conclut que la quarantaine devait être bel et bien finie à présent. En principe, comme son nom l'indique, une quarantaine dure plus ou moins quarante jours. Elle avait ensuite laissé une vingtaine de jours de plus au clan, histoire qu'ils se remettent de tout ce qu'elle avait provoqué. Ainsi, d'un pas léger, elle avait emprunté les souterrains et s'avançait vers la prairie du monde, afin d'enfumer au moins un couple de sentinelle. Histoire qu'elles leur donne de ses nouvelles de temps en temps et leur rappeler que ce ne serait pas totalement fini, temps qu'elle existe.

Bien qu'elle n'aime toujours pas son pouvoir (elle s'y était juste habituée et s'était faite à l'idée), elle n'était pas peu fière de ce qu'elle avait provoqué. Ce pouvoir déployé à grande échelle, elle n'aurait pas pu le faire sans l'aide d'Arkadius et des autres présents, elle le savait très bien. Lorsqu'ils sont rentrés, elle avait pu constater que les deux louvettes n'étaient plus là, mortes de ce qu'il avait annoncé. Ça ne l'étonna guère. Elle l'avait pressentit que c'était bien trop tôt de les envoyer à un tel front. Imryu devait être effondrée. Ce qui ne l'étonna pas non plus, c'est qu'ils n'avaient pas gagné et qu'ils étaient rentrés avec quelques blessures, dont l'un ayant passé un sale quart d'heure. La forêt des lys de feux est très importante pour le clan, abritant le palais lumineux en son ciel, les cachots en sa terre et faisant le lien entre le campement, ces territoires, les chutes magistrales et la forêt Talaïala à présent. C'est donc absolument évident que la forêt est très bien gardée et encore plus depuis la première attaque solitaire d'Adès. Car la perdre serait terriblement terrible.

Qui est là ?

Elle s'arrêta, la torche magique devant laquelle elle allait passer, venant de s'enflammer. Elle n'avait pas fait attention à la lueur se dégageant plus loin, après le tournant. Cette personne était là, juste au détour de la galerie. Elle pourrait faire demi-tour, partant en galopant, mais cette personne allait lui courir après. Son ombre se projetait vers l'avant, donc c'était sûr et certain que l'autre savait qu'elle était là. Oh, mais elle pouvait tout aussi bien envoyer son écran de fumée avant de s'en aller. Bonne idée, mais avant cela, elle s'avança encore, apparaissant finalement aux yeux de l'inconnue. Mlle.Midéro se doutait que quelqu'un durant l'attaque aurait pu l'entrevoir malgré sa fuite grandiose. De plus, elle ne put à chaque fois être complètement invisible des sentinelles et autres qu'elle a attaqué. Quelqu'un sachant qu'elle se trouvait là, ce ne fera pas la différence concernant son plan.
Elle l'observa. Il ne s'agissait pas d'une louve issue du Feu, sinon elle aurait une vague impression de l'avoir déjà vu. Il devait s'agir d'une ancienne Air dans ce cas. Néanmoins, elle eut une impression étrange, comme une aura plus forte se dégagent d'elle. Ce genre de chose que l'on peut ressentir avec quelqu'un de charismatique, dangereux, très séduisant ou de puissant. Mais ce n'était pas ce genre de ressentiment la concernant. C'était autre chose. Un peu la même chose qu'en voyant Akui, mais avec bien moins de pression. Midéro se tendit et se tient prête. Prête à enfumer cet espace et à courir à toutes pattes.

L'aura qui se dégageait de la louve n'était pas quelque chose d'imposant et lourd. C'était plutôt quelque chose de fort maternelle et... Elle ne savait trop quoi d'autre. Pendant un instant, Mlle.Midéro se demanda si elle allait pouvoir s'en sortir en usant de son pouvoir, si jamais elle doit lever un écran de fumée. Ou plutôt, elle se demandait si son pouvoir allait fonctionner sur cette personne. Elle eut un doute venant de nul part. Suspicieuse, elle observa plus en détail cette inconnue. Elle n'avait rien de particulier en apparence. Elle redressa finalement la tête, redevenue plus sûre d'elle. Non, son pouvoir venait d'Akui. Bien sur qu'il fonctionnerait. Elle pourrait la faire tomber malade si elle le souhaitait.

Durant l'inspection de Mlle.Midéro, il sembla que sa rencontre fasse de même avec elle. Elle vit l'attitude de la femelle devenir plus dure à son égard. Même si la femelle se montrait plutôt hostile, c'est d'une voix douce et posée qu'elle lui demanda la confirmation de son identité. Mlle.Midéro s'était attendue à ce qu'elle lui crache cette question. C'était plutôt appréciable de voir une autre louve se tenir telle une lady. Chez les adeptes, il manquait cruellement de grâce et d'élégance entre Médée qui est folle et garçon manqué ce qui est dommage, car c'est une beauté d'apparence. Et Imryu qui se laisse mourir dans sa tanière, avec probablement la peau sur les os à l'heure actuelle... Il n'y avait que sa fille, Skandyème, pour être à la hauteur de la noblesse d'une louve distinguée. Il n'y avait pas non plus de véritable gentleman, mis à part Najah arrivé récemment. Les adeptes n'étaient pas des personnes de charisme. C'était plutôt comme du temps de Pandore, où la plupart ne pense qu'à se battre, se défouler, draguer et sont sales.

Un sourire étira les babines de la gothique lolita. Être reconnue, c'était une fierté quelque part. Cela montrait que ses petits actes furent assez conséquents pour qu'elle soit quelqu'un dont il fallait connaître l'existence et dont il fallait se méfier. Ce qui l'avait propulsé à être véritablement connue de tous, fut sans doute son coup remarquablement porté grâce à l'attaque menée par Arkadius. Elle lui avait un peu volé la vedette, mais c'est bien normal.

Ma réputation me précède. Et vous êtes ?

La suite dira si les deux louves se crêperont le chignon verbalement ou non. Si la louve verdâtre lui foncera dessus dans l'optique de l'arrêter ou non. Si elle tente de lancer un appel d'alerte, malgré le fait que la galerie étouffera son cri. Si Mlle.Midéro enfume l'espace pour s'enfuir. Si l'inconnue la laissera rebrousser chemin ou non. En tout cas, Midéro ne savait pas qui elle était. Elle pourrait être une sentinelle et ce serait un problème pour sa petite opération. Néanmoins, elle pouvait toujours se contenter d'une cible sous-terre et repartir plutôt qu'une ou deux en surface. En attendant, les deux louves n’avaient pas bougé et continuaient de s'observer. La première qui bougera actionnera automatique une réaction de la part de l'autre. La cornue ne pouvait pas se battre et dans cet espace, il était difficile d'esquiver les coups, à part en partant en arrière. Si confrontation physique il y a, elle s'enfuira de toute manière.

Une médecin. C'était peut-être pour ça qu'elle ressentait cette "chose" étrange émanant d'elle, ce sentiment qu'elle ne pouvait pas qualifier. En tant que Pestilence, l'incarnation de toutes les maladies existantes, les médecins sont ses ennemis jurés. C'était le premier médecin qu'elle croisait depuis sa désertion du clan du Feu, puisqu'elle n'était jamais retourné à leur campement et qu'elle n'attaquait que les frontières. Il y en avait bien enfermés dans le château ou devenus adeptes, mais ce n'était pas pareil. Elle n'allait jamais dans les geôles, respectant le territoire du Bourreau Rahawk. Et puis, cet endroit sordide n'est pas fait pour une dame comme elle. La seule raison qu'elle aurait de pénétrer là-dedans, serait pour s'exercer à son pouvoir, mais elle ne le faisait pas.

J'étais au Désert lors de la quarantaine. J'ai soigné ceux qui par ta faute sont tombés malade.

Eh bien, si Akui ne lui avait pas donné ce pouvoir, toutes ces victimes n'auraient pas existé. Elles auraient été victimes d'autre chose. Elle n'aimait toujours pas son pouvoir, elle s'y était faite et l'appréciait. Néanmoins, elle devait avouer que c'était bien pratique pour semer du grabuge et bloquer les actions d'un clan tout entier. Si elle avait eu ce pouvoir depuis l'enfance, l'ère de Pandore aurait été encore plus terrible : famine, hiver glacial sans fin et maladies. Ça aurait été terriblement terrible. Les quatre clans se seraient à coup sûr éteints et le clan de La Mort règnerait à présent avec Akui à leurs côtés. Malheureusement, quelqu'un d'autre serait à la tête de ce clan, Pandore ayant entre 10 et 15 ans lorsqu’elle mourut. Les saisons se seraient remises en place comme actuellement, mais ils auraient probablement continué sur leur dictature, écrasant les faibles et semant encore la terreur. Le pays serait à eux. En étant adepte, c'était comme être "à la maison". Elle était dans son élément. Elle fut endoctrinée dès la naissance, alors son côté fourbe, manipulateur, "mafieuse" et aimant le chaos n'étaient pas prêt de disparaître maintenant. Pourtant, cette part d'elle avait bien failli disparaître, à force de vivre en tant que membre du Feu et s'y sentir bien. Mais la mort de son mâle avait ravivé cette part sombre d'elle et la venue d'Akui lui avait rappelé cette "douce" époque de dictature où elle était importante.

Et vous avez survécu à la quarantaine. Bravo. Même s'il y a eu des morts. D'ailleurs, un certain Brasio serait-il mort atrocement ?

En vérité, elle ne savait pas s'il y avait eu des morts, car ils n'avaient pas ces informations. Seulement, en vu de tous ceux qu'elle a touché lors de l'attaque, certains ont obligatoirement dû attraper une terrible maladie, bien virulente de surcroit. C'était obligé. Elle ne pouvait pas avoir donné que des choses sans importance. Elle se fichait de toutes les victimes, sauf une. Elle espérait par-dessus tout que ce fumier de Brasio soit à présent six pattes sous terre. Si elle avait pu faire souffrir le meurtrier de Xef, alors elle sera entièrement comblée.

Dite moi qu'il est mort ! Après ce qu'il a fait, cela me comblerait de bonheur.

Son regard était sévère et les poils de ses omoplates s'étaient dressés. Sa queue était aussi un peu redressée. L'idée qu'il avait pu échapper à la mort par son pouvoir la frustrait et l'énervait. Si elle avait la force nécessaire, sans nul doute qu'elle se serait déjà immiscée dans les terres de l'ancien Feu pour aller directement l'empoissonner mortellement.

A moins que son fils y soit passé ?

Elle était redevenue plus calme après avoir formulé cette question.
Oh oui, son fils ! À défaut ne pas avoir réussi à l'éliminer lui, avoir éliminé Angus serait tout aussi jouissif. Savoir que Brasio a perdu un être cher par elle, serait délicieux. Cet enfoiré s'était trouvé une femelle pour bâtir une famille, après avoir détruit la sienne. Il lui avait arraché l'Amour de sa vie, et elle, elle lui enlevait le fruit de son amour.

Mlle.Midéro pouvait clairement lire du dégout et de l'énervement sur le visage de son interlocutrice. Elle eut aussi un mouvement de recul, basculant son corps vers l'arrière. La verte était clairement choquée et mal à l'aise d'être en présence de la mauve qui elle, était sereine globalement.

Face à ses questions, la louve verte resta silencieuse. La cavalière attendit patiemment, même s'il lui tardait d'avoir la réponse. Est-ce que oui ou non ce foutu Brasio a survécu ? Est-ce qu'Angus y est passé ? Les deux peut-être ? Oh oui, ce serait encore meilleur ! Pourvu que la réponse soit celle-ci ! La médecin n'en menait pas large face à elle : elle était devenue blême. D'une voix lente, elle lui répondit :

L'heure viendra où tu seras jugée, Midéro. Par les Dieux, ou les loups. Si j'étais toi, je choisirai les loups.

La réponse ne lui convient pas. Elle n'avait pas répondu à ses questions ! L'adepte grogna, mais ne fit rien de plus, se calmant bien vite. Il ne fallait pas qu'elle s'emporte. Ce n'est pas grave. Elle aura la réponse tôt ou tard, via quelqu'un d'autre. Des sentinelles qu'elle croisera par exemple et qu'elle pourra carrément asphyxier avec sa fumée jusqu'à ce qu'ils lui répondent. En plus d'attraper une maladie, ils auront du mal à respirer et pourront entrevoir l'au-delà. D'un ton sec, la cavalière répondit :

Je suis née chez une déesse et je mourrai chez un dieu. Mon choix est déjà fais.

Mlle.Midéro ne se voyait pas réellement mourir chez Akui. Elle était bien trop maligne pour ça. Quand l'heure viendra où ça commencera à sentir le roussie, elle continuera son devoir d'adepte, mais par-delà les frontières.