Les eaux étaient ici depuis quatre mois. Autant de temps depuis que j'avais retrouvé ma soeur. Je lui avais présenté mon père, Abby et Verd. Et en retour, elle m'avait présenter ce loup bleu du nom de Keiss, et son père à elle qui s'était avéré être l'alpha en personne.

Je n'avais pas tissé de liens particulier avec les membres de l'eau. mais les récents évènements avaient retardé notre départ depuis trop longtemps. Verd était venu me voir, il était temps. Nous avions passé la journée à nous préparer, mais je n'avais toujours pas trouvé le courage d'annoncer mon départ au loup qui m'avait élevé. Il devait sans doute le savoir, il n'était pas bête. Si Verd ou gothic ne lui avaient pas dis, alors il aurait deviné tout seul que quelque chose se passait, mais il se taisait, et moi aussi.

L'entrainement avait été dur. Je ne savais pas si j'allais revenir de ce voyage, ni dans quel état. Tous ces loups que je cotoyais depuis ma plus jeune enfance et qui malgré tout m'ont accepté avec eux, ils étaient mes frères d'arme, je risquais de ne plus les voir. J'avais été violent aujourd'hui, les émotions que je refoulais ressortaient par une force accrue et une soif de combat. J'avais été félicité pour ma vigueur, mais ils ne se posaient nulle question. Et demain je ne serai plus là avec eux.

Mais je n'avais rien dis à personne.

La nuit était alors tombé et après avoir partagé le repas du soir avec Verd, nous nous sommes lentement dirigés vers les frontières. Il n'y avait plus rien à voir au clan de la terre, du moins dans le territoire qui fut à l'époque celui du clan de la terre. A présent, c'était l'inconnu qui nous appelait. Je ne voulais pas partir, j'aurai voulu trouver cette maudite pierre sans m'éloigner des miens, mais ça aurait été bien trop facile. Mais elle partait, alors je partait.

Nous observions les étoiles, arrêtés à la frontière. Elle se taisait et je respectais son silence, c'était sans doute des trucs de druidesse, je n'en savais rien. Les étoiles brillaient mais contrairement aux autres jours, elles n'avaient rien de belle ou de réconfortantes. Ces étoiles là je ne les aimais pas, mon pelage en frissonnait. Elle se tourna vers moi et je tournais mon regard vers le sien. Il était doux, du moins assez pour ce que je pouvais faire. Je me levais alors.


Pour elle je ferai tout, mais je me retenais bien de le lui dire. Mon regard se dirigea vers le lointain, j'avais laissé mon écharpe à Lagherta. Elle ne m'oublierai pas et je ne l'oublierai pas non plus, mais je voulais la lui laisser, elle risquait aussi d'être une entrave si je devais combattre.

Je savais ce que ma réponse signifiait, je n'attendais plus que son signal pour traverser la frontière. Je connaissais ses doutes et ses craintes, du moins autant que je puisse savoir. Lentement je glissais ma truffe dans le cou de ma princesse pour la rassurer. Elle ne le serait sans doute pas, mais le temps d'un instant du moins peut être pourrait elle sourire.

Je l'observais alors qu'elle digérais ma réponse. J'ignorais si elle lui plaisais ou non, sans doute pas, mais elle était ainsi et seule ma mort pourrait en changer. Elle se serra contre moi et alors je ne dis rien. Ainsi mise si près de mon corps, la différence de taille nous séparant était flagrante, mais je n'en avais cure. Je passais ma tête contre elle pour la serrer plus fort contre moi. Je ne voulais pas la perdre, et je savais qu'elle ne voulait pas me perdre non plus, mais il aurait été terriblement égoïste de rester ici pour nous préserver tous deux, au détriment de toutes ces vies qu'Akui faisait disparaitre chaque jour. Au lieu de ça, nous avions la possibilité de sauver tout le monde, en risquant nos deux vies.

Elle chuchota, je la serrai plus fort. Je savais qu'elle risquait de m'oublier, si nous ne trouvions pas cette pierre assez rapidement. C'était une probabilité et je m'y préparais depuis que je le savais, mais cette idée me brisais le coeur malgré tout. Je chuchotai dans sa fourrure.

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Je la serrai contre moi quelques temps encore, mais je ne cessais de faire tourner dans ma tête toutes les sombres possibilité d'avenir qui nous attendaient, mon cœur se serra, mes yeux piquèrent. je relevais lentement la tête et regardais au loin.


J'ignorais par où commencer, Verd guiderai mes pas quoi qu'il se passe.

Tanyxoth était fatigué, immensément las. Il était tard, très tard. La nuit était bien avancée et pourtant le mâle ne dormait pas. Il n'arrivait pas à fermer l'oeil. Il jeta un regard près de lui, la tanière était vide. Il était seul à présent, Abby était partie. Il déglutit et se leva, il avait besoin d'air. Il sorti de sa tanière, sans faire un bruit. La tête basse pour que ses bois ne cognent pas contre le plafond des galeries, il passa la tête dans l'ouverture sous les racines de l'arbre. Surpris par la fraicheur mordante de la nuit, il s'arrêta un instant, et pris un grand souffle.

Il sorti alors. Sur l'herbe, il y avait du givre, la toison verte craquait sous ses pattes. Un petit nuage se formait devant sa truffe à chacune de ses respirations. Il faisait froid, il aurait eu plus chaud dans sa tanière, mais il ne voulait pas rentrer, pas encore.

Il n'y avait aucun bruit. Le camp était plongé dans le noir, les rires des petits ne raisonnaient pas. Les fracas des entrainements non plus. Il avança sans savoir où aller quand il aperçu un garde. Il lui fit un signe de tête, avec le physique du cerf, il était impossible de le confondre. Le garde lui adressa un signe à son tour, en ces temps troublés, le camp était gardé à toute heure.

Il s'arrêta, toujours dans le camp, mais à l'opposé. L'air froid et mordant lui faisait se sentir en vie, il regarda les étoiles. Il s'assit.

Son fils n'avait rien dis. Il avait attendu tous les jours que Ragnar lui annonce son départ, mais à aucun moment il n'était venu. Ni Verd. Si Gothic n'avait pas été là, Tanyxoth n'aurait jamais su, mais aurait il préféré ne pas savoir? Il soupira et se laissa tomber dans l'herbe givrée. Il était si las et fatigué, pourquoi ne pouvait il pas dormir? Pourquoi était il ainsi tourmenté? Peut être qu'à rester trop longtemps sur le sol glacé, on le retrouverai mort de froid au matin. Peut-être, toujours des peut-êtres. Tout n'était jamais qu'hypothèse. Son cœur était si serré, il avait du mal à respirer.

Il se releva alors, pris d'une angoisse affreuse, d'un pré-sentiment terrible. Au pas de course, il se dirigea vers les galeries, et y plongea avec cette dextérité acquise au bout de six longues années de vie. Sans un bruit, rapidement, il se dirigea vers la tanière de son fils. Mais quand il y plongea la tête pour voir à l'intérieur, son effroi fut si grand que sa respiration fut coupée. Un son indescriptible sortit de sa gorge. Un gémissement léger, empli de douleur. La tanière était vide.

Il sorti, Peut être était il ailleurs. Peut être Verd voulait elle passer la nuit chez sa famille, Peut être s'étaient ils disputés? Tout était mieux que l'angoisse qui privait le cerf de sa respiration.

Il se dirigea à pas feutré vers la Tanière de la louve bleue et crème. Lagherta lui avait été présenté, c'était une jeune louve attendrissante, elle et son fils se complétaient si bien. Il n'allait pas réveiller la louve, ni même entrer dans la tanière. Mais quand il baissa la tête pour voir un peu mieux, il n'eut aucune difficulté à reconnaitre l'écharpe tant aimée de son fils, emmêlé aux pattes de la louve. L'étau se serra encore plus, il se sentait imploser. Il n'alla pas voir la tanière de la famille de Verd, ils étaient si nombreux qu'il n'était pas garanti qu'il puisse la voir même si elle s'y trouvait. Mais l'echarpe de son fils ailleurs qu'autour de son cou ne pouvait signifier qu'une chose.

Aussi rapidement qu'il était entré, le cerf sorti des galeries, et sans adresser un mot, se mit à galoper vers la frontière. Il n'était pas chasseur, mais il formait des assassins. Il suivit la piste de son fils, passé là quelques heures plus tôt. Il reconnaissait celle de la louve à côté. Il avait du mal à respirer, il trébucha plusieurs fois, L'angoisse lui serrait le coeur, ses yeux piquaient, probablement à cause du froid.

Il sauta par dessus l'affluent du fleuve hibiscus comme s'il n'était qu'un vulgaire tronc. La piste se prolongeait dans la forêt. Plus il courait, plus la frontière se rapprochait. Il le savait, il ne pourrait pas la dépasser. Il ne pouvait pas risquer d'aller en terres neutres.

Après une course interminable, Tanyxoth vit les premières sentinelles, il les regarda affolés, elles ne savaient rien. Il se remit à courir. Alors un rocher plat, longeant la frontière, se dessina à l'horizon. Suivant l'odeur de son fils, Tanyxoth grimpa dessus, et se dressa du plus haut qu'il pouvait. La forêt se dressait derrière lui et il n'était entouré que de jeunes arbres. Devant lui, il n'y avait rien.

Il n'y avait rien, qu'une large étendue de sable, qui venait lécher le rocher, qui s'éternisait vers l'ouest. il n'y avait rien non plus vers l'est, où le sable se raréfiait déjà pour laisser place à l'immense pleine du puits aux vœux. Il n'y avait rien, pas un bruit, pas un mouvement, le froid et l'obscurité de la nuit englobait tout le paysage.

Il n'y avait rien.

Mais Tanyxoth voyait les traces de pas qui s'éloignaient dans le sable.