Irwell
Le blanc s’était assis au bord de l’eau, de la bassine dans laquelle se jetaient les eaux cristallines de la rivière de la Roche. Le blanc, au bord de l’eau, regardait les poissons glisser sous la surface réfléchissante, troublée de quelques rides dues à la précipitation des cascades dans le bassin. C’était si calme ici, et en même temps, si impétueux, avec ces cascades bruyantes, le son de l’eau qui chutait… Le blanc était venu ici pour se sentir un peu au calme, et dans sa fatigue, il avait fait abstraction du monde, du bruit de l’eau qui frappait les rochers. Et, simplement assis, il regardait les poissons vivre leur vie dans l’eau avec calme. Il se demandait si les poissons, eux aussi, ressentaient la solitude, la tristesse, l’inquiétude. Est-ce qu’ils se disaient bonjour, le matin, quand ils se rencontraient ? Est-ce que la lumière pénétrait assez profondément l’eau pour leur donner la lumière nécessaire à différencier la nuit du jour ? Probablement, mais avaient-ils réalisé qu’il existait deux temps différents de la journée ? A quoi ressemblait une entière journée pour un être de cette taille ? Leur vie devait être plus courte, alors peut être, un jour leur semblait bien plus long que pour les loups ?
Le pâle loup inspira doucement, l’odeur fraîche de l’eau lui remplissant les narines, lui piquant le fond de la gorge, lui emplissant les poumons. Il était seul, ici, tranquille, et il n’aurait pas pu rêver mi-
« Pardon… Je ne faisais pas attention où je mettais le museau… Je ne voulais pas vous déranger. »
Il se redressa, et se retourna d’un coup, ses longs cheveux blancs lui passant devant le visage en un rideau soyeux, avant qu’ils ne s’écartent de son périmètre de vision, et qu’il se retrouve face à un mâle pâle, avec des marquages noirs et violets sur les flancs. Une épaisse fourrure blanche ornait son dos, sa nuque et sa queue, qui était tout à fait particulière pour un loup. Le blanc, se retourna un peu mieux, se déplaçant doucement en penchant légèrement la tête.
« Ce n’est pas un souci, j’étais dans mes pensées. » lui dit-il, balayant toute nécessité d’excuse.
Le mâle, car s’en était bien un, se présenta, en s’inclinant avec un respect bien trop poussé, d’habitude réservé aux nobles, et Irwell inclina la tête avec respect en retour. Ainsi, c’était lui le bêta dont il avait entendu parler, si ses souvenirs étaient justes. Il était très, très grand, ce loup, et pourtant, il semblait un peu fin. Peut être malnutri, peut être juste fin de nature. Irwell, qui pourtant, chez lui, était un assez grand loup, se sentait très petit face à ce grand loup aux pelage long et soyeux.
« Enchanté également, je m’appelle Irwell ? Aucun besoin de vous incliner comme cela, je suis loin d’être un noble loup de bonne famille. » répondit-il, avec un bref sourire.
C’était vrai, il n’était pas d’ici, d’ailleurs, sa montre, objet commun chez lui, était un véritable objet d’admiration chez les loups du clan du désert, qui n’avaient jamais rien vu de tel. Il redressa un peu ses oreilles, sorti de la surprise d’entendre quelqu’un parler derrière lui alors qu’il s’était perdu dans ses pensées, et cligna doucement des paupières, rassuré que c’était bien un loup de son clan. Celui-ci avait la douce et volatile odeur des loups de l’air, et Irwell fut de nouveau pris de curiosité par ce concept de loups de l’air.
« Excusez-moi, mais êtes-vous un loup de l’air ? » demanda-il, aussi poliment que possible.