J’étais fatigué, la tête un peu dans les nuages, pour ne pas dire sur une autre planète. J’avais l’impression d’avoir fais un rêve très étrange. Mais il ne fallait pas que j’y pense de trop. Je ne voulais pas penser à Pleione de cette façon. Secouant mon corps je sentis les grandes griffures de mon dos me lancer une douleur qui me fit serrer les crocs. Fermant les yeux, je m’éloignais du campement car j’en avais grandement besoin. Mon frère et mon père dormaient dans la tanière familiale. C’était le concert disharmonieux de leur symphonie qui m’avait sorti de mon sommeil. Père m’avait laissé au repos depuis que je m’étais fais attaqué. Il ne voulait pas que je finisse sous terre non plus. Pourtant, l’idée de mourir ne me dérangeait pas plus que cela. De toute façon mon frère biologique était mort, notre père biologique m’avait abandonné dans les montagnes et ma mère était une cinglée. Autant dire que je n’avais pas vraiment de très grandes attaches. Et puis comme je n’étais pas particulièrement sociable ni même expressif, l’idée de disparaître de la surface de la terre n’était donc pas un problème pour moi.

Arrivant à la plage je sentis rapidement une odeur étrangère. Celle d’un loup n’étant pas de ma meute. Mais il y avait des algues partout, et la marrée étant redescendu je pataugeais dedans. Je n’aimais pas du tout la sensation visqueuse sur mes pattes, c’était fortement désagréable. J’avais la sensation que quelque chose me léchait les pattes. Je détestais cela, c’était terriblement gênant mais j’étais venu faire une balade alors je continuais d’avancer. Le froid ambiant de l’hiver m’avait fait du bien au corps, j’étais détendu et tranquille malgré la sensation. J’aimais la fraicheur du temps et la douceur de la brise. La nuit était calme, il n’y avait pas de rêves à changer en cauchemars ce soir…

L’avancée continuant à ma guise, je m’arrêtais à quelques mètres du rocher où j’aperçus un mâle sombre se gratter à la manière d’un louveteau. M’asseyant calmement en ramenant mes pattes arrières autour de mes pattes avant, je fermais à demi les paupières en l’observant. Malgré cette position détendue mes oreilles étaient pointées vers l’arrière, ce mâle, si je ne faisais pas d’erreur, était un loup de la Terre, il s’agissait donc d’un potentiel ennemi même s’il ne me paraissait pas bien méchant et pas bien dégourdit non plus en vue de la tête qu’il tirait en se grattant. Mais comme je n’étais pas de nature loquace, je me contentais de le fixer impassiblement plutôt que de poser la moindre petite question.

Son oreille ne le démangeait plus à présent, il reposa sa patte arrière au sol, se secouant légèrement tout en restant assis. Reiko sentit un regard posé sur lui, il chercha alors cette présence du regard. Elle ne devait pas être bien loin ... puis il remarqua la présence d'un loup sombre. Il était là, à quelques mètres du rocher où il était assis. Avec quelques instants de réflexion, il se rendit compte qu'il ne l'avait jamais croisé auparavant. Le loup gris analysa cet étrange personnage qui se révélait à la fois anxieux et détendu. Il doit être sacrément coincé du cul vu sa gueule. Reiko prit tout de même la peine de se redresser avant de s'étirer longuement, gardant toujours un œil sur l'inconnu. Celui-ci ne bougeait pas, il se contentait de le fixer. Pour n'importe quel loup cela aurait pu être dérangeant d'être fixé de la sorte. Mais Reiko lui, s'en amusait.

« J'sais qu'j'suis beau, l'ténébreux, mais tu pourrais arrêter d'me mâter comme ça ? »

D'un coup de tête, il remit l'une de ses mèches en place. Il descendit de son rocher, un sourire sur les babines, avant de s'arrêter près de lui et de lui adresser un clin d’œil. Reiko était plutôt relax avec les inconnus, et il fallait le dire, les herbes aidaient beaucoup. D'ailleurs, il en avait de toute sorte. Il les collectionnait en fait. Alors autant dire que si cet inconnu souhaitait se libérer quelques instants de son devoir de loup de meute, Reiko avait de quoi l'aider.

« Reiko, enchanté »

Le loup gris tendit alors sa patte en direction de l'inconnu. Tout ce qu'il savait de lui, c'était qu'il appartenait au Clan du Feu. Il était à présent assez près pour remarquer ce détail. Il n'avait jamais croisé de loup provenant d'un autre Clan. Après tout, il n'avait jamais eu droit à un dépassement de frontière, et c'était l'une des rares fois où il se déplaçait en territoire libre depuis son arrivée.

Assit fixant toujours le loup, je le vis me lancer un regard, puis se lever, et s’étirer. Il semblait détendu et nonchalant. Mais c’était bien pour ça que je me méfiais d’avantage. Qui savait ce que ce loup pourrait bien me faire ? Il était tellement facile de jouer la carte de la détente pour attaquer par derrière. Une technique que je trouvais risible et honteuse, mais que de nombreux loups pratiquaient. Fixant alors toujours le mâle j’entendis sa remarque et mis les oreilles à l’horizontal. Il venait de me prouver son manque d’intelligence ainsi que son arrogance. Feinte ou non, elle était là quand même. Ramenant ma queue contre mes pattes je soufflais longuement en levant mon regard bleuté vers le ciel noir.


Ma voix lointaine et sans émotion avait percé le silence qui ne dura pas longtemps à cause de lui. Il s’approcha à une bonne distance et me tendit la patte. Il veut que je fasse quoi ? Que je la lui lèche ? C’est quoi ce loup sorti d’une autre planète… Il a l’air de planer à deux milles lui. Mais bon, les oreilles toujours à l’horizontal je cherchais le mauvais coup ou le mouvement qui trahirait une future attaque. Mais à ma grande surprise je ne trouvais rien de tout cela et reculais la tête, perplexe et intrigué tout à la fois. Il me faisait presque penser à Imryu en fait à être aussi jovial que détendu.



Je n’étais pas enchanté de le rencontrer, il avait l’air d’un bouffon qui cache son jeu et ça me dérangeais. S’il s’attendait à ce que je lui donne mon prénom il pouvait encore courir. Remarque dernièrement on m’avait appelé Emsa ou ça alors je pouvais très bien lui sortir un truc du genre. Mais je n’en avais pas du tout envie. Repoussant sa patte avec une certaine méfiance je croisais son regard, cherchant à voir le sadisme ou la moquerie dans ses yeux…

Le loup n'eut aucune réaction face à la remarque acerbe de l'inconnu. Il était sacrément coincé du cul c'lui-là ... Lorsqu'il repoussa sa patte, Reiko n'eut qu'un haussement d'épaule. Après tout, il ne le connaissait pas, alors cela ne lui faisait ni chaud ni froid. D'ailleurs, ce loup lui rappelait un autre. Il réfléchit un instant, se demandant de qui il s'agissait. Il passa en revue les membres de sa meute mais aucun nom ne lui vint. Si ce n'est pas un loup de sa meute, qui était-ce ? Il réfléchit un instant, creusant dans son passé. Soudainement, la figure de l'animal en question lui revint.

« Tu m'rappelles ce vieux con d'Reicher ... fallait pas déconner avec lui »

Reiko garda son air détendu. Cet inconnu n'avait pas l'air bien dangereux, et si c'était le cas, il aurait de quoi fuir grâce aux portails, et il pourrait, au passage, l'énerver un peu. En fait, le loup gris était une sorte de troll, il fallait l'avouer.

« Eeeeh ptain j'espère que t'es pas d'sa famille hein, j'vais me faire tuer sinon, 'va pas être content l'boss »

Quand il parlait de boss, il parlait, là encore, du loup tricolore. Il n'avait jamais oublié cette meute qui l'avait recueilli, et il avait encore moins oublié Lou. En y repensant, elle lui manquait, et il se demandait comment sa vie se déroulait aux côtés de Seth. D'ailleurs, si celui-ci ne s'occupait pas assez d'elle il irait lui parler ! Enfin, il aimerait bien. C'est tout de même le fils de l'Alpha, donc bon, vaut mieux éviter les ennuis.

L’énergumène loup devant moi me regardait avec cette tête de droguait. Il avait l’air de planer autant que quand un loup est sous l’effet du pouvoir de dame Midéro. Ma queue bien calée contre mes pattes je le vis partir dans une réflexion fugace don je ne voulais pas connaître l’origine. Mais malgré moi il parla et mes oreilles se plaquèrent sur mon crâne comme s’il venait de dire quelque chose de mal. Je retins un grondement alors que mes griffes s’enfoncèrent un peu plus dans la terre. J’avais déjà entendu ce nom de la bouche de mon père. Mère qui l’aimait sans l’aimer vraiment avait eus des petits avec lui parce qu’ils pouvaient facilement avoir les attributs des nobles de l’air. Enfin pas tous, moi j’étais une tare, moi, comme le frère de mon père, je n’avais pas eus la chance de porter les ailes du dragon… Je sentis d’ailleurs la chaire à la base de mes épaules trembler d’énervement comme si de grandes ailes plumeuses voulaient s’ouvrir et se secouer. Je n’aimais pas ce qui me rappelait mon passé.

Il ajouta une phrase qui m’énerva d’avantage. Ainsi donc la branche familiale de mon père est encore en vie quelque part dans ce vaste monde. Soit Jarodin m’a élevé, et je tiens à Ryryk. Mais si mon père m’avait emmené avec lui plutôt que de partir seul, peut être que j’aurais vécu dans un lieu où on essaie pas de me tuer avant de m’abandonner prêt d’une décharge clanique. Un grondement m’échappa alors que je fusillais l’individu du regard. Si le regard pouvait tuer alors il serait déjà mort.



J’avais le poil de la nuque légèrement hérissé, attaquer sans réfléchir n’était pas dans mes habitudes. Mais je détestais être nargué par une vie que je n’ai pas eut mais que j’aurais pu avoir. De plus son ton et sa légèreté marquait de l'irrespect. Du moins c'est ainsi que je le voyais car l'éducation que j'avais reçu me disait que son attitude n'était pas forcément respectueuse. Et moi je tenais à cette branche là de ma famille, à l'image que j'en avais tiré des rêves de mon père. J'aurais aimé les rencontrer, je ne le pouvais pas, mais ce n'étais pas pour cela que je laisserais un loup en parler aussi facilement.


Mais, il me posa une question à laquelle je ne m’attendais absolument pas. Mes oreilles se baissant à l’horizontale je détaillais le mâle du regard. Mais où était l’entourloupe ? Pourquoi je ne voyais pas le mal venir ? Pourquoi je n’arrivais pas à percevoir la méchanceté ou la manipulation dans sa demande ? Cela me troublait complètement, j’étais rarement prit au dépourvu. Hormis Pleione personne n’y était jamais parvenu. Pourtant lui en quelques minutes avait réussit à chambouler toute mes pensées et à m’empêcher de savoir s’il était un ennemi ou un allier. Je n’arrivais même pas à me méfier correctement de cet individu à l’apparence pourtant douteuse…

Oh finale un long soupir m’échappa alors que mes muscles tendus relâchaient la pression. Mes oreilles passèrent à l’horizontal et mon regard se posa une seconde sur lui avant de se poser sur mon dos où de large cicatrices étaient encore grises claires. Le poil n’avait pas encore repoussé, je n’avais que la peau, et ça me faisait mal. J’avais l’impression qu’on la tirait d’un point à un autre au moindre mouvement que je produisais, et cela n’était guère agréable.



Si ma remarque sur mes ancêtres avait usé d’une voix froide qui ne souffrait aucun commentaire. Ma deuxième remarque emprunta à ma voix un ton neutre, détaché, mais ni agressif ni trop distant tout à la fois. Je voyais bien dans son regard que la question était sincère et qu’elle ne cachait pas de mauvaises intentions. Ce loup n’avait pas le désir de me blesser et ça me permettait d’être moins tendu, ce qui n’était pas du tout désagréable.

Visiblement, la prononciation du nom du loup tricolore n'avait pas plu à cet étrange personnage. Pourquoi réagissait-il ainsi ? Peut-être qu'il ne l'aimait pas, ça devait être ça la raison. Tss ... de toute façon, c'était pas possible qu'il fasse partie de sa famille. Après tout, le territoire des Clans était bien trop loin de son ancienne meute. Beaucoup trop loin même, c'était impensable. Puis ça pouvait pas être le gamin de Reicher, ah ça non. Quand il venait de partir, trois boules de poils venaient de naître. Kechara, Täri et Repshoka. Le vieux ne pouvait pas avoir de quatrième portée tout de même, si ? Bon, après ptêtre que c'était un des grands gamins, ceux qui régnaient sur la meute à ce moment là. Ou ptêtre un des gamins de ceux-là. Il comprenait plus rien. Tout dans sa tête se mélangeait, à tel point qu'une vive douleur se fit ressentir dans son crâne. Fallait arrêter de réfléchir parfois, c'était vraiment pas bon quand on était encore sous les effets miraculeux des précieuses herbes.

Puis d'un coup le loup s'énerva encore plus. Woooow il va me sauter à la gueule c'lui-là ... Reiko eut un mouvement de recul en voyant que celui-ci le fusillait du regard. Il n'allait quand même pas l'attaquer, si ? Le loup gris tenait à sa beauté, et il ne laisserait pas un loup, provenant d'une meute adverse qui plus est, souiller son fabuleux charisme.

Son ... son aïeul ? Reiko resta sans voix. A tel point que sa gueule s'ouvrit légèrement sous la surprise, les yeux écarquillés. Naaaan ... il déconnait ... wait .. c'était vrai ? Le loup gris était cloué sur place, les yeux rivés sur l'inconnu.

« Tu ... tu déconnes j'espère »

Il se mit alors à déglutir bruyamment. Devait-il fuir ? Nan, il pouvait pas, l'autre ne le lâcherait pas, et ce, même s'il retournait sur son territoire. Alors que faire ? Puis il réalisa soudainement que Reicher ne le connaissait sans doute pas, et inversement. De ce fait, personne ne pourrait rapporter ses paroles au loup tricolore. Finalement, il n'allait pas mourir aussi jeune.

Reiko perçut la méfiance dans le comportement du loup noir lors de sa dernière question. Finalement, le problème précédent semblait avoir disparu, pour son plus grand bonheur. Il se mit alors à l'analyser. Le loup semblait avoir une certaine haine en lui, et c'était sans doute ce qui le rendait aussi méfiant des autres, et aussi mal luné. Y a dû avoir un sacré truc pour qu'il soit comme ça .. Après tout, on ne devenait pas aussi renfermé sans raison valable, il y avait toujours une cause à tout comportement.

L'inconnu se détendit alors. C'était compliqué, mais il avait réussi au final. Voyant que celui-ci tournait sa tête afin de regarder son dos, il s'approcha un peu, légèrement de côté, afin de voir de quoi le loup parlait. Les cicatrices n'étaient pas belles à voir. Comment avait-il eu de telles blessures ? Si c'était suite à un combat contre un autre canidé, l'adversaire devait être sacrément enragé. Il espérait que jamais il ne tomberait sur un tel animal.

« J'espère que tu lui as fait la même chose à l'autre, parce qu'honnêtement, et désolé pour le terme, c'est dégueulasse »

Son regard se posa se nouveau sur le loup, la tête légèrement penché, un léger sourire dessiné sur ses babines.

« Mon père est son petit fils… Donc non, je déconnais pas. »

« La fumée m’a empêché de me défendre, mais j’ai un ange gardien qui a fait de mon ennemi du rôtis »

« Tu veux continuer en marchant ? Je n’aime pas rester immobile »

C'était tout de même vachement impressionnant de voir un loup qui connaissait son ancien alpha tricolore, et qui plus est faisait partie de sa famille. C'était pas tous les jours qu'on voyait ça, et le loup noir se demanda alors qui était le père de l'individu. Ce loup qui n'avait toujours pas de nom était principalement noir, des taches volettes et des étranges cornes. Il ne ressemblait pas vraiment au grand loup dont ils parlaient, ou peut-être ses yeux alors ... mais ça s'arrêtait là. Y a dû avoir une sacré diversité dans les compagnes ~ De toute façon, il se doutait qu'il ne mettrait jamais un nom sur le père du loup cornu, alors il n'ajouta rien.

Le loup continua alors. Un ange gardien ? Au sens propre ou histoire de dire que t'es avec quelqu'un qui te protège ? Reiko agita les oreilles. Il n'avait pas entendu ce terme depuis bien longtemps, et comme il avait remarqué la présence de loups ailés au-delà des frontières durant ses tours de garde, il s'était dit que tout était possible. Dans son ancienne meute, les loups ailés étaient plutôt rares, mais à la différence d'ici, les loups étaient beaucoup plus grands. Alors peut-être qu'ange gardien était un rang au final. Peut-être que ce loup noir était important. Difficile à dire. Son esprit s'embrouilla une nouvelle fois et il se secoua machinalement la tête.

Puis le loup fit mine de s'en aller. Reiko dressa les oreilles, suivant le loup du regard. Déjà ? Apparemment, l'autre mâle voulait s'en aller, visiblement il n'aimait pas sa présence. Il fut un peu déçu par ce comportement mais finalement l'autre s'arrêta. Le loup noir dressa alors la tête aux paroles du loup. Il comptait pas partir finalement ! Reiko rattrapa son retard au trot, heureux qu'on ne le repousse pas.

« J'veux pas dire mais j'sais toujours pas ton nom, alors à part l'ténébreux j'vois pas comment t'appeler ~ »

L'autre individu ne semblait pas sur ses gardes, mais n'était toujours pas à l'aise au point de parler normalement avec lui. C'était compréhensible car ils n'étaient pas de la même meute ... mais tant qu'ils ne révélaient aucune information, ils ne faisaient rien de mal non ? Et puis on a beau dire "faut pas se lier d'amitié avec les membres des autres meutes car s'il y a une guerre on sait plus qui combattre", bah c'est full bullshit en fait. Car il n'y a que rarement des guerres, et puis même si c'était le cas, il y avait toujours d'autres loups à affronter. Alors Reiko n'avait jamais eu peur de se faire des amis, peu importe leur provenance. Afin de détendre l'atmosphère, il accompagna ses paroles d'un coup de tête amical sur l'épaule du loup.

Le mâle sembla chercher des informations à mon sujet, comme s’il pouvait trouver d’où venait mon ascendance juste en me regardant… Je suis son petit fils, pas son fils y a des loups entre nous… Suffit que ma mère soit complètement éloigné et tu perds le fil. M’enfin je le laissais à ses réflexions décidant que ça n’avait pas grande importance, et de toute façon ça n’en aurait jamais. A quoi bon puisque je ne le reverrais sans doute pas et que je n’en avais de toute façon rien à faire ? Ma queue se mouvant lentement dans mon dos, quand je repris du mouvement cela me fit énormément de bien. J’aurais pu avoir mal mais je ne souffrais presque pas, et je ne comptais pas montrer ma douleur à ce loup.

Quand je me remis à avancer il sembla déçu. L’idée même qu’il puisse l’être par ma faute ne m’effleura pas vraiment. Il y avait milles et une raison d’être déçu et peut être même que je lisais mal l’expression de son regard et de son corps. Et puis ça ne me dérangeait pas plus que ça qu’il soit déçu, je n’essayais ni de lui plaire, ni de lui faire plaisir alors bon. Pourtant que je lui proposais de me rejoindre il sembla tout content. Comme un jeune loup qu’on vient de félicité pour je ne sais quoi… Il me parut soudain complètement idiot et un soupir m’échappa. Qu’est ce que je vous ici moi ?

Lorsque j’entendis ses paroles un fin sourire éclaira mon visage sombre alors que j’inclinais à peine la tête. Un peu à la manière d’un cheval qui arrondit son encolure. J’étais très amusé par ses paroles, et je devais avouer que ce surnom me plaisait bien en plus de m’aller comme un gant. J’agitais alors les oreilles.


Puis il me donna un coup de tête amical sur l’épaule. Je me redressais et lui lançais un regard perplexe et dubitatif. Il fait quoi là ? S’il pense que je suis son pote il se trompe. Je suis juste un loup de passage qu’il aura oublié demain. Et lui est un loup éphémère que j’oublierais si je ne le revois pas. Après tout la seule personne qui m’a marqué pour le moment, autre que Pleione c’est Imryu, mais elle, difficile de passer à côté…



J’avais marmonné cela comme pour me rassurer du comportement du loup. Il n’était pas commun du tout. Surtout avec ses réactions complètement imprévisibles et dérangeantes. Moi en tout cas elles me dérangeaient.

« T'es du genre mystérieux toi, genre comme si t'accumulais les secrets. »

Reiko remarqua le regard perplexe que le loup lui lançait. Sacrément coincé du cul c'lui-là ... Mais bon, avec un peu de chance, il finirait par parler et retirer son balais du cul. Il s'ébroua, chassant le sable qui s'était logé dans son pelage et qui commençait à le gratter. Reiko avait de longues oreilles, et les paroles, bien que marmonnées, de son ami d'un soir lui étaient parvenues à ses oreilles.

« Pourquoi être commun quand on peut être différent ? »

Son regard se posa sur le ciel étoilé et resta un instant ainsi, pensif. Les souvenirs de son ancienne meute s'effaçaient peu à peu, et avec eux, l'image de Lou ternissait. Elle semblait effacée, comme emportée par le vent. C'était avec elle qu'il avait pu être le plus naturel, qu'il avait pu passer de merveilleux moments. Et à présent, il se sentait seul. De l'extérieur, c'était un vrai bouffon, mais comme tout être, il avait ses faiblesses. Il posa son regard sur l'autre loup après son instant pensif et lâcha un sourire.

« D'ailleurs, t'es du Clan du Feu d'après ton odeur. T'es quoi là-bas ? »

Par "là-bas", il insinuait "dans ses terres", car en dehors des terres d'un clan, un rang a-t-il réellement une importance ?

Marchant d’un pas lent et tranquille, presque lourd, j’appréciais la brise nocturne qui caressait mon pelage couleur nuit. Elle rafraichissait également mes blessures saillantes et le sel qui s’y déposait les désinfecté un peu plus, ce n’était pas plus mal pour moi. A sa remarque j’agitais les oreilles et fit rouler mes épaules sous mon pelage. Si tu pouvais te taire, ne pas chercher, ça m’arrangerais beaucoup et m’éviterais de prendre du plaisir à te faire souffrir. Parce que oui noble camarade de la nuit, j’aime faire souffrir, sinon je ne serais pas assassin, ou alors j’aurais un moral d’acier. Mais la vérité c’est que je jouie de plaisir en entendant autrui souffrir car ça me rappel que je suis vivant, et que la souffrance et la preuve de cette vie.

Ma queue se mouvant calmement dans mon dos, si on pouvait parler de pulsions de sadismes alors j’en étais bouffis jusqu’à la moelle. Et cela ne me dérangeait même pas. Il fallait que je tue, que j’achève, que je détruise le loup que j’avais voulu devenir pour être prêt de Pleione. Il fallait que je détruise les liens, en fasse des miettes, de toute façon ça ne sert à rien, l’amour ça fait mal, c’est juste inutile, et ça rend tout simplement faible. A la question rhétorique du mâle j’agitais les oreilles.



J’avais laché ça comme ça mais je le pensais vraiment. Je pensais que quand on se faisait différent des autres c’était uniquement pour se faire remarqué, bien voir, attirer l’attention, voir épater les autres. Je détestais les loups qui étaient aimés par tout le monde qui étaient différents et se faisaient facilement remarqué. Ça me donnait la migraine et des envies de vomir. Je trouvais ça absolument insupportable et surtout particulièrement casse pieds. Moi je ne m’intéresse pas à ce qui est différent, je m’intéresse à ce qui attire mon attention et à ce qui me donne envie d’être doux. Le reste je m’en balance complètement, comme lui d’ailleurs. S’il tombait et se noyait je ne réagirais même pas. Enfin si j’en sourirais surement, et encore. Même pas sur que ça me divertisse vraiment parce que c’est un mâle et qu’il ferait un bruit fort désagréable et aurait des appels à l’aides très peu sensuels. Secouant la tête j’entendis ensuite sa question et étirait un fin sourire


Oui je me moques ouvertement de toi cher camarade. M’arrêta au niveau des falaises je levais la tête vers la corniche et baladait mon regard à la recherche d’un chemin y menant. Ça y est le loup avait finit par m’ennuyer. Il allait sans doute poser d’autres questions, chercher à me connaître, savoir qui je suis, quel rang j’occupe, ce que je fais de ma vie, pourquoi je suis sombre joyeux. Fin tout un tas de questions inutiles auxquelles ont obtient des réponses à forces d’observations et d’analyses. Et puis il allait falloir que je rentre, le clan du feu était loin, et moi je n’étais pas en état de me battre. Si ce loup était un espion de son clan et qu’il récupérait des infos sur moi je risquais d’avoir des problèmes. Mieux valait partir maintenant plutôt que de s’enlisait dans les soucis ou les questions stressantes qui arrivent déjà. Je lançais un regard au mâle et hochais calmement la tête.



Me retournant calmement et m’éloignant de lui comme un malpropre, je me dirigeais vers le chemin. Pour lui c’était le moment où jamais de m’attaquer s’il le voulait. J’étais de dos et déjà blessé à cet endroit. J’en avais déjà trop dis il savait déjà où était mon point faible physique. Et moi j’étais allé trop loin dans cette balade. M’éloignant au trot je m’engoufrais sur le chemin de la corniche, m’éloignant d’avantage de lui et me rapprochant toujours plus du territoire de mon clan.

Ce loup était vraiment très mystérieux, et malgré tout, Reiko l'aimait bien. Il avait pas l'air très commode, mais il se doutait qu'en fouillant un peu, il y avait une bonne personne. D'ailleurs, c'est souvent le cas, et il avait pu remarquer ceci à maintes reprises. Le ténébreux ne divulguait aucune information. Cela aurait pu être normal, après tout ils appartiennent tout deux à des clans différents. Cependant, il voyait plus cela comme une tentative de fuite. Comme si cet étrange canidé cherchait à fuir ses responsabilités, comme s'il voulait oublier, ne serait-ce qu'un instant, sa provenance. Peut-être se trompait-il, après tout, Reiko avait tendance à beaucoup trop réfléchir.

« A toi aussi, l'ténébreux »

Il lâcha un sourire, regardant le loup s'éloigner de lui. Son regard se posa alors sur la blessure qui barrait de manière peu élégante le pelage du mâle. A cette vue, Reiko agita les oreilles.

« Et soigne-toi bien, ce s'rait con d'chopper un truc à cause de ça »

Le loup sombre observa son congénère s'éloigner un instant avant de prendre lui-même le chemin menant au Clan de la Terre.