Un piaillement strident se fit entendre. D'un geste nonchalant, j'agita la patte en grognant.

- Gnhgn...

Le calme revint.... Puis je sentis des picotements sur mon museau. J'ouvris un oeil à moitié, observant un petit oiseau de couleur brun qui me picorait le nez. Je leva la patte doucement... Avant de l'abattre sur mon museau, espérant attraper le volatile gêneur. Mais j'avais été bien trop lente, l'oiseau s'envola tandis que moi, je sentais un liquide chaud couler sur mes babines. J'y étais pas allé doucement dis donc...
Je m'assis en soupirant, posant une patte sur ma truffe pour empêcher au sang de couleur d'avantage.
Autour de moi, il n'y avait que les ténèbres... J'étais venus ici en début d'après midi.... Et il faisait déjà nuit ? J'ai dût m'assoupir un bon moment... Pfff.

- Saleté de piaf.

Je resta longtemps dans le sable à râler, proférant des insultes à l'oiseau, mais il devait être déjà bien loin. Et puis, il devait sans doute être temps pour moi de rentrer. J'allais me lever lorsque je sentis une sorte de... Présence. Mes longues oreilles, couchées sur ma nuque comme à leur habitude, se mirent à tiquer. Je me retourna lentement, observant les ténèbres avec attention. Peut-être que c'était mon intention... Je suis un peu parano sur les bords mais... C'était plus fort que moi. Quelqu'un se tenait là, nos regards devaient même être entrain de se croiser à l'heure qu'il était. Lentement, je me releva, et resta silencieuse. Je me ramassa légèrement sur moi même, mon pelage se hérissa, et un grognement rauque se forma dans ma gorge. J'attendais désormais que l'invité se dévoile...

L'invité mystère sortit de l'ombre, dévoilant à la fois son identité physique, ainsi que son nom. Il était plutôt fin, pas maigre, mais juste ce qu'il fallait. Ses deux grands yeux jaunes brillaient légèrement durant la nuit.

- Je suis désolé de vous avoir surprise. Je me nome Volk et je suis le bêta du clan de l'eau... Je ne vous ai jamais rencontrée, mais ne feriez vous pas partie du clan de l'air ?

Je me détendis lentement, cachant mes crocs et chassant de mon visage cette expression de colère. Volk... Oui, je me souviens de son nom. Après plus d'un an passé dans la meute de l'Air, il est bien normal que je connaisse les loups composant les autres Clans, même si ce n'était que de nom. Et puis, il était normal également de connaître les hauts gradés des autres clans, en particulier les Alpha et les Bêta. Je regarda alors ce loup, ce Volk droit dans les yeux, pris une inspiration avant de répondre :

- Ce n'est rien. Mon nom est Jaishri Angin Gunung, et vous ne vous êtes pas trompé. Je suis Chef d'Armée, du Clan de l'Air.

Gardant un air impassible, je me mis à analyser avec précision le loup noir. Ce qui attira vite mon attention, ce furent ces blessures, sur le museau et le poitrail. Comment avait il pût se les faire ? Je n'en avais aucune idée. Peut-être en se battant, qu'est ce que j'en sais moi ?
Je m'approcha lentement de lui, encore méfiante, et ça se voyait. Derrière le crâne qui cachait en partie mon visage, je plongea mon regard dans celui de Volk, et continua sur le même ton :

- Que pouvez vous bien faire ici, à une heure si tardive ?
J'étais la mieux placée pour demander ça...

Un sourire se dessina sur le visage de Volk. Je fronça les sourcils. Il se mit alors à rire aux éclats, jusqu'à en avoir les larmes aux yeux. Irritée au plus profond de moi même, je ferma les yeux un moment, plaquant les oreilles sur mon crâne. A vrai dire, j'essayais de garder le contrôle de moi même, mais c'était bien difficile à ce moment.

- C'est bon, vous avez finis ?

Je lui jeta ces mots à la figure, comme un serpent crache son venin. Je me redressa, hérissant mon poil. Je n'étais guère d'humeur à rire, et cela se voyait. Je m'approcha de quelques pas du loup, jusqu'à ce qu'un seul mètre nous sépare. Je n'allais toutefois pas lui sauter à la gorge maintenant, je ne m'attaque jamais physiquement à quelqu'un sans une bonne raison.

- Je voudrais bien savoir ce qui vous fais tellement rire dans la question que je vous ai posé.

Je fis une petite pause avant de m'asseoir face à lui, plongeant mon regard dans le sien. Cette discussion allait être vraiment passionnante, je le sens... Mais ce loup ne manquait vraiment pas de culot, pour un Bêta.

Le loup mit un bon moment avant de pouvoir reprendre son sérieux. Je le regardais toujours, ne le lâchant pas des yeux, jusqu'à ce qu'ils soit assez calme pour parler.

- Désolé, ça n'a rien avoir avec vous... Ce n'est pas mon habitude de réagir comme ça, disons simplement que parfois il y a un surplus. Volk se leva avant de poursuivre : Pour répondre à votre question je cherchais quelqu'un en particulier, mais je suis tombée sur vous.

Je n'eût aucune réaction extérieure, mais je m’interrogeais intérieurement. La personne qu'il cherchait devait être bien importante, il avait pris un air inquiet en se levant, et je sentais bien que quelque chose clochais. Mais je ne m'intéressait pas à ça bien plus, on était pas de la même meute, chacun ses problèmes.

- Pour être franc je me suis à rire car, en fait c'est assez idiot, mais j'ai passé beaucoup de temps seul, presque toute ma vie. Et aujourd'hui elle s'éclair pour la première fois, je ne suis plus seul. Je n'ai plus de famille, je n'ai pas d'amis en particulier mais j'ai un clan sur lequel je peux compter. Je sais que si je disparaissais il y aurait quelqu'un pour me pleurer. Je m'étais construit une muraille basé sur des lois, des rangs, des protocoles, des vous. Je m'étais renfermée sur moi au point que je ne voyais même plus le bonheur d'être en vie, le bonheur de voir un sourire ou de voir un levée de soleil.

J'écoutais le monologue du loup, peu intéressée au début je finis par retenir chaque mot de Volk. Où il voulait en venir enfin ? En parlant des lois, des protocoles, tout ça. Selon moi, c'était essentiel dans une meute. Sans loi, se serait l'anarchie, la loi du plus fort et aucun n'aurait sa chance dans ce monde. Par les lois, on punis les criminels, et on permet à chacun de vivre dans un monde plus ou moins juste.

- Vous êtes comme moi.

Sa phrase m'interpella immédiatement. J'étais... " Comme " lui ? Comment pouvait-il dire ça, on ne se connaissait que depuis quelques minutes à peine... Mes réactions sans doute, il aurait peut-être posé les mêmes questions mais je l'aurai devancé... Sans doute.

- Je, pardon, excusez moi, ce n'était pas vous blessée, et si c'est arrivée je suis désolé.

Je secoua la tête vigoureusement, avant de répondre d'une voix franche :

- Ce n'est rien. Je ne suis pas si sensible au point de ne pouvoir supporter cela.

Volk ne me regardai déjà plus, mais regardait la plage désormais. Était-ce à cause de cette personne qu'il recherchait ?

- Dites, vous semblez inquiet. Vous avez peur de quelque chose ?

Je ne pouvais pas directement lui demander qui était la personne qu'il cherchait, et pourquoi il pensait la trouver ici, si c'était quelqu'un d'important je doute qu'il partage cette confidence avec moi, qui ne suis pas de sa meute. Mais j'avais déjà un très mauvais pressentiment.

Un silence pesant s'installa entre Volk et moi. D'abord hésitante, j'ouvris la bouche pour appuyer mes propos, insister sur ma question. Mais si jamais j'obtenais un nouveau refus, j'abandonnerai. Peut-être n'avait-il tout simplement pas envie de parler de ça. Je comprenais ce sentiment, je l'ai moi même éprouvé.
J'allais reposer cette question une dernière fois, lorsque la voix cassant d'une louve dont je n'avais pas remarqué la présence m'interrompis dans mon élan.

- Si toi le loup noir, truc machin, je te vois encore une fois dans les barrage, je te tue.

Je tourna immédiatement la tête vers la source de ces propos plus qu'odieux. Mon visage se fit plus agressif, plus effrayant, quand je constata qu'il n'y avait non pas une louve, mais bien trois loups. Et leur odeur les trahissait : Ils étaient bien membres d'Ultimate. Je me retins de les saisir immédiatement à la gorge, engager un combat maintenant, alors que nous étions Volk et moi en infériorité numérique, ce n'était pas une bonne idée. Mais attaquer deux loups à trois était un acte des plus lâche dans ce bas monde.
J'allais répondre par une remarque bien plus cinglante et blessante que celle de la louve, mais cette fois encore je fus prise de cour. Et par Volk.

- ces terres ne vous appartiennent pas. Vous n'avez pas à me menacer.

Il s'était levé et s'était approché des loups d'une démarche assurée. Je le suivis, mais resta en retrait pour le moment. Je voulais m'assurer qu'il ne s'agissait pas d'une embuscade. Je jetais donc de discrets coup d'oeil dans tout les directions, flairant l'air avec attention.

- comment pouvez vous considérer comme des guerriers alors que votre meute protège un meurtrier ?

Un fin sourire se dessina sur mon visage, comme ça avait été le cas de Volk tout à l'heure. Je commençais à comprendre pourquoi il disait que j'étais comme lui. Il avait formulé des phrases que j'aurais également pus dire, et que je m'apprêtais à dire justement. Néanmoins, la dernière resta pour le moins énigmatique. Volk devait en savoir plus que moi sur la meute Ultimate... Ce qui me fit légèrement frissonner... Et ce n'était pas de la peur.
Sa voix avait faibli, elle avait perdu de sa force, de son autorité. Je le sentais. Quand on a un caractère comme le mien, on sait reconnaître une personne plein d'assurance, et une personne qui a peur, qui hésite. Et actuellement, Volk hésitait. Je m'approcha alors de lui, me tenant à ses côtés avec fierté. Je me redressa, adoptant l'attitude digne d'un Chef d'Armée.

Certains loups disent que ma tête fait peur parfois, sans doute à cause du crâne. Et que c'est bien pire lorsque je suis en colère. Et là, je pense que ma tête pouvait être assez effrayante. Les sourcils froncés, les babines légèrement retroussées, mes pupilles en fente s'était dilatées et mon poil s'hérissai. Néanmoins, je ne laissais émaner de moi aucun sentiment de colère. Je gardais mon sang froid même si la situation était défavorable. C'était un atout que j'avais acquis au cours du temps, pendant que j'étais forgée par les difficultés, les épreuves, la solitude et la peur.
Je regarda chaque loup, avant de rétorquer brutalement, mais habilement :

- Restez donc dans vos terres. N'avez vous donc fait tout ce chemin, rien que pour venir nous couvrir d'insultes ?

-Tais toi !

Ces mots ne m’atteignirent même pas. J'avais bien l'habitude d'entendre ce genre de personne hurler dans tout les sens. Amusée, je releva la tête, un large sourire moqueur collé au visage. Elle avait beau crier fort, elle ne mordait pas ~

-Vous devriez partir.

- Et passer pour une lâche ? Sans façon.

Je ne comptais pas non plus laisser Volk seul face à eux. Certes, ce n'était pas non plus pour lui que je restais. Mais ce n'était pas dans mes habitudes de laisser un de mes congénères dans ce genre de situation. Et puis, j'avais une revanche personnelle à prendre sur ces Ultimates. Néanmoins, j'espérais éviter un conflit. Je garda mon calme, voyant que Volk en fit de même. Cela me rassurait, lui aussi cherchait à ne pas envenimé la situation... Jusqu'à ce qu'un des loups prenne la parole.

-Volk.

Un mot suffit. En une fraction de seconde, je vis Volk sauter sur le loup, la gueule béante. Les autres loups d'Ultimate ne réagirent pas maintenant, sans doute choqué. Mais moi, je savais que si on ne faisait rien, les deux loups risquaient de s’entre tuer.

-Je t'interdit de prononcer mon nom !

Je m'assis alors, fermant les yeux, levant mes deux pattes avants. Je me concentra, formant dans mon esprit l'image d'un ours immense, un véritable colosse... Cette forme, quelque seconde plus tard, apparus devant moi. Sous la forme d'un esprit, au corps en partit translucide, l'ours rugis à plein poumon. Lié à moi par des fils, et par la pensée. Je contrôlais cette bête sauvage comme un pantin, une marionnette. Lorsque l'ours fut complètement formé, je le guida vers Volk et l'autre loup. D'un fort coup de patte, il frappa l'un des deux loups noirs. Impossible pour moi de savoir lequel, j'avais beau partager mon esprit avec celui de ma marionnette, les images étaient bien trop floues.

- Volk ! Lâchez le, ne commettez pas cette erreur !

Je criais aussi fort que possible, couvrant les grondements de l'ours-marionnette. Il fallait désormais résonner Volk, avant qu'il ne commette l’irréversible.

A peine avais-je séparés Volk de l'autre loup qu'une masse sombre m'écrasa. Je ne bougea pas, du moins, mon corps lui, ne fit rien. Mais l'ours, lui, se retourna. Il n'allait pas laisser sa maîtresse périr. Alors que les autres loups restèrent sans là sans réagir, lui se rua sans crainte dans la mêlé.
Je sentis mon corps se briser, la louve allait sans doute avoir raison de moi... Mais l'ours arriva vite. Il n'y allait pas avec des pincettes : Je sentis sa grande patte s'abattre sur la louve et moi, nous séparant l'une de l'autre. J'atterris plus loin, me rasseyant avec difficulté. J'ordonna ensuite à l'ours d'immobiliser la louve, sans la tuer. Il s'appuya sur elle, manquant sans doute de lui briser des côtes.

- Laisse... Ça suffit...

A cet ordre, l'ours disparut dans un dernier grognement. Je resta immobile un moment, avant de m'appuyer plus maladroitement au sol. Je regarda mon épaule gauche ensanglantée, avant de me poster aux côtés de Volk en titubant. Je fixa les loups de la meute d'un regard noir. Néanmoins, je ne laissa pas mes sentiments prendre le dessus et leur dit d'une voix simple, et pourtant autoritaire :

- Partez. Maintenant. Avant qu'il n'y ait plus de dégâts.