Mes longues foulées laissaient mes pattes se poser sur une herbe grasse et tendre, et le vent de face prenait délicieusement dans mes ailes. Un grand sourire étirait ma gueule. Je profitais du moment. J’avais un peu de temps pour moi, et c’était une nuit magnifique. Une nuit que rien ne viendrait gâcher. Je courrai encore un moment. Je ne m’arrêtai que lorsque je fus à bout de souffle. Je pris enfin le temps de regarder autour de moi.

C’était magnifique. Et troublant. Magnifique car je voyais la lune se refléter partout comme sur du cristal, se teintant des couleurs assombries des choses. Être entouré ainsi de cette lueur argentée, c’était féérique. Et je constatai que ma fourrure se mariait bien à l’ensemble, me donnant l’air d’un reflet sur les herbes. Ces herbes qui étaient la source de mon trouble. Je me sentais petit. Oui, petit. Moi qui voyais tous les autres loups comme des gamins, moi qui constatais à chaque rencontre mon gigantisme, je me trouvais petit. Terrifiant. Mais une sorte de peur calme. Je ne tremblais pas rien, je me sentais juste… pas à ma place. C’était… désagréable un peu. J’essayai de ne pas y penser.

Et puis soudainement je trébuchai. À peine le temps de sentir quelque chose sous moi que je me relevais et m’écartais d’un bond. Un loup! Un loup que je n’avais pas vu! À ma décharge, sa fourrure était d’une noir profond! Dans la nuit, ça se voit pas trop bien. Les oreilles basses, inclinant la tête honteusement, je présentai mes excuses.

« Je vous demande pardon, mais je ne vous avais pas vu. Je… me sens très embarrassé… »

Me couchant sur le sol pour avoir l’air moins menaçant, j’ajoutai :

« Mon nom est Sylver… »

La réaction du loup me déstabilisa. Il riait? Il riait parce que je lui avais marché dessus? Euhm… d’accord… Lorsqu’il me demanda de me relever, je m’exécutai lentement, sans faire de mouvement brusque, pour pas qu’il prenne peur. Il était peut-être plus grand que la normal, je restais deux fois sa taille. D’ailleurs, regarder Urion, qu’il disait se nommer, de haut me mettais mal à l’aise. J’en avais l’habitude, mais… moi qui me sentait petit dans cet environnement, comment lui se sentait-il maintenant que je le dévisageais en lui cachant, probablement, la lune? Mais il semblait heureux. Un loup insouciant? Ou un loup qui, comme moi, se trouvait tenu à l’écart.
 
« Je suis moi aussi heureux de faire une rencontre amicale. Je suis soulagé que vous ne me teniez pas rigueur de mon faut pas, merci bien. »
 

Sans trop savoir ce que je devais ajouter, ou faire, je restai là à le fixer. Il avait une belle fourrure, et les reflets de la lune y jouaient de façon étonnante.