[Ce rp se passe en même temps que celui-là, dans la zone de vapeur hallucinogène de la forêt des rêves bleus]

-Silver-

La vapeur semblait s'épaissir de minutes en minutes, et le loup gris n'arrivait plus à trouver son chemin. Etait-il déjà passé par ici ? Il se souvenait de cet arbre. Une étrange fatigue prenait ses muscles, de plus en plus las, et il finit par s'asseoir, essoufflé. Une étrange torpeur avait envahi sa tête, et il du la secouer pour pouvoir penser : il y avait eu un séisme, il devait rentrer au camp, il devait ...

Et devant lui, il se montra.

Une silhouette, fugace, de loup. Silver se releva d'un bond : c'était un autre source ! Il cria :


Mais la silhouette ne se retourna pas. Sentant à peine qu'il se levait, il se mit à marcher, courir vers lui. Il l'aperçut, encore, derrière un tronc, mais aussitôt il disparu. Et alors qu'il s'enfonçait dans la forêt devenue rouge, les troncs semblaient grossir, encore et encore, comme si des boursouflures enflaient sur leur cuir vivant. Il secoua sa tête, sentant son cœur battre de plus en plus vite : c'était quoi cette merde ? Mais bizarrement, il restait attaché à l'idée de ce loup, qui le fuyait alors qu'il aurait du aller à sa rencontre.

Il se remit à courir, avant de tituber, déséquilibré. Il bascula sur un tronc, le souffle court. Et alors qu'il essayait de se relever, sous lui, il vit quelque chose d'humide briller. Un œil. Le tronc avait un œil. Il hurla avant de s'écarter, de retomber de l'autre côté. La forêt ouvrait ses yeux. Et ils étaient terrifiants. Dans le brouillard rouge et enfumé, le seul son de son cœur enflait à ses oreilles, et tout autour, les yeux d'un bleus profond et féeriques s'ouvraient, clignaient, et se mirent à le fixer. Il recula, sentant une chaleur désagréable emplir son corps entier, assécher sa gorge. Un renflement sourd monta dans son ventre, mais alors qu'il allait faire demi tour ...

Il le vit de nouveau. Et cette fois-ci, il s'arrêta.

Il s'arrêta, pour le regarder. Deux yeux du même bleus que celui de la forêt. Silver, la respiration saccadée, bondit en avant, bondit sur ce loup qui était le seul point de repère du mâle. Il bondit sur lui, et au dernier moment, ce dernier s'effaça à sa prise.

Silver hurla. Des mots que seuls lui comprenait. Il hurla sa peur et sa colère, son incompréhension. Tout autour, les yeux bougeaient, formant des serpents colorés de bleus et de rouge, sifflant au dessus de sa tête, s'enroulant autour de ses membres pour le clouer au sol comme si la fumée pesait des dizaines de kilos. Ses hurlements se tarirent, se transformant en gémissements alors que la peur se changeait en nécessité de survivre. De respirer. Et alors qu'il semblait étouffer, il releva les yeux vers les arbres.

Il était là. Il le regardait. Et Silver reconnu enfin son visage : son père.

Ce dernier s'avança alors que le gris ne pouvait plus bouger, enlacé par les racines de la forêt, fixé au sol par les serpents de son imagination. Son visage était celui de son père, mais à la fois pas tellement. Ses yeux, multiples, bougeaient, se transformaient au court du temps, parfois tout en même temps. Sa gueule s'ouvrait et se fermait à des endroits aléatoire, et il semblait à Silver que les dieux avaient tout simplement mélangé toutes les formes de son corps. Mais c'était bien lui. Ses yeux étaient sévères, son sourire doux, presque compatissant. Il se pencha pour murmurer quelques mots à son fils qui, les yeux écarquillés, était cloué au sol. Des paroles qui résonnèrent longtemps en lui, mais qu'il ne put comprendre. Et d'un geste doux, il sortit des griffes immenses de son semblant de bras, avant de les poser sur sa poitrine. Et, toujours aussi doux, comme s'il lui offrait le premier cadeau de sa vie, il les enfonça droit dans son cœur.

Silver hurla de nouveau. Son calvaire ne faisait que commencer.

-Silver-

La douleur failli le rendre fou, et il cru mourir tant son coeur battait fort dans sa poitrine. Mais il ne mourra pas. Autour, la forêt se comprimait sur lui, tissant sa toile de racines sur ses membres, entrant dans les plaies béantes de son coeur, venant le coloniser de l'intérieur. Silver hurla de nouveau, d'une voix étouffée. devant lui, son père ne bougeait pas, les yeux -enfin ce qui lui servait d'yeux- fixés sur lui.

Mais le gris était un combattant, un guerrier. Il se débattit comme un beau diable, forçant sur ses pattes et finit par briser les racines qui le maintenait au sol. Il se releva d'un bond, essoufflé, la bave aux lèvres. La vapeur rouge l'étouffait, lui chuchotait des mots comme un essaim de mouche à viande venu le dévorer. Le sang coulait toujours de sa plaie au cœur, un sang bleu luisant qui venait abreuver la forêt. Et plus il lui donnait de l’énergie, plus lui serait fort. Il fallait ...

L'éliminer. D'un bond, il se jeta sur lui pour le plaquer au sol. La forêt se déchira, hurla, fit voler ses racines et ses branches pour rejeter Silver, qui s'agrippait au corps de son père comme s'il s'agissait d'un combat à mort. Le vieux mâle noir explosa, et une dizaine de bras monstrueux sortirent de son corps pour agripper Silver, le comprimer jusqu'à le faire vomir. Il lâcha prise, finit sur le sol où il finit de gerber son repas.

Lorsqu'il tenta de se relever de nouveau, ses pattes tremblaient et ne le portaient plus. Il ne voyait plus rien d'autre que les contours, comme si toute perspective lui avait été enlevée. A la place, il voyait autre chose. Il voyait l'énergie divine, qui pulsait tout autour de lui dans la forêt, nouant ses nœuds aux yeux qui continuaient à le fixer, qui venait alimenter la figure paternelle en face de lui. Silver s'affaissa : comment gagner lorsque les Dieux étaient contre lui ? Il ne pouvait plus bouger, à peine respirer, et la forêt vint le cueillir, absorber son énergie jusqu'à le vider. Les racines s'engouffrèrent de nouveau dans la plaie de son cœur pour le serrer, essayer de l'extirper de sa cage thoracique, et lui gémit de douleur, de rage et de frustration. Il était incapable de faire quoi que ce soit.

-Silver-

Silver perdait peu à peu son énergie et sa rage de combattre au fur et à mesure que la plante suçait son essence vitale. Il se sentait faiblir, grogner et gesticuler devenait de plus en plus difficile. Les yeux autour de lui se rapprochèrent, comme s'ils cherchaient eux aussi à se nourrir de lui : il était en train de se faire bouffer.

En face, la silhouette de son père s’effaçait, devenait moins tangible. Mais elle ne le laissait pas tranquille, non, elle cherchait simplement comment revenir à la charge. Le gris était épuisé de lutter, alors il se mit à prier. Mais malgré tous ses efforts, il ne se souvenait plus des paroles de ses prières, s’épuisait à chercher dans son cerveau embrumé ne serait-ce qu'une seule phrase, sans y arriver : il n'atteindrait pas les Dieux, dans cette forêt. Il était définitivement pris au piège.

Et alors seulement, son père se ravança vers lui, un sourire pervers et tordu sur le visage. Il le savait, c'était de sa faute, tout était de sa faute. Il ouvrit la gueule, et une longue pointe en sortit, se dirigeant vers le corps secoué de soubresauts de Silver. Le gris était terrifié, mais n'avait plus la force de lutter. Son père alors vint percer son crâne avec violence, et après un dernier glapissement, Silver tomba au sol, évanoui.

-Silver-

Silver rêva. Enfin plutôt, cauchemarda. Il rêva de son père, qui se tenait devant lui, le corps couvert des yeux de la forêt, en train de l'observer. Cette fois-ci, tout était plus calme, pas paisible non, mais plus calme. Il ne semblait pas voir Silver, juste marcher dans la forêt qui vibrait de couleurs que le gris n'avait jamais vu. Le loup essayait de marcher, mais il était toujours bloqué. Il baissa les yeux, mais il n'avait plus de corps. Comme s'il était ... la forêt ?

Après quelques heures, Silver reprit conscience. La tête bourdonnante, il ouvrit ses yeux collés et regarda autour de lui. Les souvenirs lui revenaient, goutte à goutte : la forêt, les yeux, et son père ... Mais tout avait disparu. Il était toujours dans la forêt, mais elle était "normale". La gueule pâteuse, Silver n'essaya pas de se relever : il avait toujours le tournis. Mais sa panique avait disparue, il se sentait juste épuisé et complètement détendu.

Il regarda autour de lui, avant de sentir contre son flanc un autre loup. Il tourna la tête : un jeune loup était là, allongé, endormi. Il avait des bois, comme Tanyxoth, mais sa tête ne disait rien à Silver. Le gris le toucha du museau avant de pousser sur ses cordes vocales, et de sortir d'une voix rauque :

-Silver-

Le jeune loup cornu se réveille en sursaut. La lumière semble l'agresser, car il met sa tête entre ses pattes, un moment qui semble durer à Silver une éternité. Mais le gris reste calme, posé, la gueule entr'ouverte sur une respiration toujours un peu laborieuse. Finalement, le petit émerge enfin, et répond : il a du assommer Silver, qui délirait. Le gris fronce les sourcils. Les souvenirs lui reviennent en vrac, mélangés, flous et étranges. Il se souvient .... De la forêt, de son père, des yeux qui le guettait partout. Il se souvient de sa terreur. Il mâchonne un peu, la gueule pâteuse : en effet, une légère pointe de douleur lui perce le crâne, pour le moment minime.


Il regarde dans la direction du fleuve, et aperçoit le nuage rouge dont le fils de Tanyxoth parle. Il cille, les yeux encore comme embués par les rêves qu'il a subit. Puis, soupire. Il ne sait pas où il est, il ne sait pas grand chose à vrai dire. Il y avait eu le tremblement de terre, puis .... Il se tourne vers le jeune mâle, les sourcils froncés alors que son mal de crâne s'intensifie :

-Silver-

Une faille ? Le cerveau de Silver est si lent qu'il a du mal à vraiment comprendre ce que l'autre essaye de lui dire. Genre ... Un trou ? Qui les empêche de passer ? Le gris est bien trop épuisé pour y réfléchir. Il laisse ses muscles se détendre, et son mal de crâne peu à peu se calmer alors que Kanjiro part ans une sorte de délire stressé. Ha, le guerrier est loin d'être stressé lui, il a plutôt envie de se rendormir ... Mais la pensée même de la forêt venant l'attaquer de nouveau dans son sommeil le tient éveillé. Non, le cornu a raison : il faut qu'ils partent d'ici.

Le fils de Tanyxoth lance alors un hurlement, faisant gémir Silver qui peine encore à ordonner ses pensées. Pourquoi crier, appeler à l'aide ? Ca marchera vraiment ? Mais le temps que le gris s'interroge, un bruissement d'aile se fait entendre, et un autre mâle -Chérubin- apparaît. Silver reste gueule bée un instant, les mots du beta glissant sur lui sans pénétrer sa conscience encore trop affectée par les brumes. Les yeux rougis et les pupilles toujours dilatées, il doit avoir fière allure devant son haut gradé. Mais le bienheureux n'y pense pas : tout ce qui le préoccupe, c'est que ...

Tu ressembles à un ... Poulet

Il glousse. Un poulet, tout jaune. Avec des ailes. Des plumes. Oui, il joli poulet. Silver se relève alors, et soudain la terre tangue sous lui, et son mal de crâne vient immédiatement le punir. Il gémit, la tête douloureuse, avant de s'asseoir, déséquilibré. Puis se remet à rire. Un poulet. C'était rigolo quand même. Il rouvre des yeux hagards, sourit et répond, le regard oscillant, incapable de se fixer sur le mâle en face de lui :

Moi ça va, super même. J'suis Silver, pour te servir mon poussin.

Haha, poussin. C'était marrant, parce qu'on aurait dit un oiseau avec ses plumes. D'ailleurs, le gris se met à glousser de sa propre blague, parce qu'elle est quand même rigolote.