La louve, couverte de brindille et de poussière, était roulée en boule sur le sol terreux. Elle ne dormait pas, mais aurait tant aimer sombrer dans un profond sommeil. Le temps défilerait sans qu'elle ne s'en rende compte et penserait ses blessures plus rapidement. Urielle avait mal, l'absence de son père la déchirait. Il venait la voir de moins en moins, et Urielle ne dormait plus dans l'espoir de le revoir. Et s'il venait mais qu'elle s'était assoupie? Elle s'en voudrait à jamais de l'avoir loupé.

Peut être que sa famille était venue la voir, plusieurs fois sans doute, Urielle n'en gardait pas un souvenir très net, peut être avait elle simplement inventé. Elle avait tenté d'expliquer plusieurs fois que Papa n'était pas mort et continuait de venir la voir, mais ils ne comprenaient pas, quand elle matérialisait son père avec ses lucioles, ils ne comprenaient pas son message. Papa lui comprenait toujours.


Alors Urielle restait couchée là, espérant que le sommeil l'emporte, et peut être ne la ramène jamais. Elle entendit un craquement mais ne bougea pas, les plantes craquaient souvent, et Papa lui ne faisait pas de bruits quand il venait.

Puis elle entendit son nom, et revint peu à peu à la réalité. Une odeur familière chatouilla peu à peu ses narines et Urielle, toujours couchée, leva la tête par dessus son épaule. Il y avait une tache verte de l'autre côté. Elle cligna plusieurs fois des yeux pour faire la mise au point tandis qu'elle poussa un faible gémissement. Elle reposa sa tête au sol avant de rassembler ses pattes sous elle et de se soulever, emportant avec elle les branches et les feuilles qui s'étaient emmêlées à son pelage.

Elle se secoua sans grande force pour tenter d'en enlever, mais seule la poussière tomba. Elle ne sut ce qu'elle perçu dans la voix du loup vert, mais mit quelques seconde supplémentaires avant de le reconnaitre.

Elle le regarda, son corps la rappelait vers le sol, les oreilles et la queue basse. Elle plongea son regard triste et effondré dans celui tout aussi démoli de Faubaru. Elle gémit à nouveau, pourquoi était il dans cet état là? Urielle avait peu conscience de la réalité, que s'était il passé? Pourquoi Faubaru était il là? Pourquoi était il triste?

Faubaru hésita, et l'instant d'une seconde, Urielle oublia tous ses soucis, tout ce qui l'avait poussé à s'isoler seule ici. Elle pencha la tête tandis que son oreille gauche se redressa vers lui, attentive. Faubaru lui détournait plusieurs fois le regard.

Finalement, il bégaya quelques mots et Urielle ne bougea plus. Brusque rappel à la réalité alors qu'elle avait pu s'en évader l'espace d'un instant. Papa était mort. Son papa n'était plus. La brûlure de la douleur se raviva en elle et Urielle se recroquevilla, papa était mort, son petit papa qu'elle aimait tant, muet comme elle. Son dos se courba comme si elle allait vomir tandis que son visage se déchirait et s'inondait.

Faubaru continuait, et quand il eut fini, Urielle pris conscience ses paroles. Son papa aussi était parti. Elle releva sa gueule défigurée et tordue vers lui, poussant un long gémissement plaintif. Il avait une posture encourageante, qui appuyait sa demande. Il voulait rester avec elle. La louve regarda autour, Papa viendrait-il ce soir? Elle déglutit, peut être pas...

Elle reporta son attention sur le loup vert, elle ne l'avait jamais laissé tombé, d'aussi loin qu'elle s'en souvienne, elle avait toujours fait de son mieux pour lui remonter le moral. Urielle voulait faire pareil, mais s'en sentait incapable. Elle avait l'air misérable, presque pitoyable, la terre entière devait se moquer d'elle. Lui dire "on a tous perdu des proches, arrête d'en faire des caisses" mais le coeur d'Urielle saignait, et celui de Faubaru aussi.

Elle renifla et s'essuya la truffe avec sa patte pleine de poussière. Le geste la fit éternuer. Elle renifla encore. Faubaru ne bougeait plus, attendant la réponse de la muette. Elle le fixa, il avait besoin d'aide, elle aussi, même si elle ne s'en rendait pas compte.

Urielle couina, et d'un bas d'abord lent, accéléra avant de trotter puis de franchir à pas précipité la distance la séparant du loup vert. Elle sanglota, et colla son front contre le poitrail fourni du loup vert. Elle ne voulait plus être seule.

Le visage d'Urielle s'était perdu dans le fourrure dense et épaisse du loup vert. Elle sanglotait, étouffée, mais ne bougeait pas. Elle sentit la patte du loup contre elle et les sanglots s'amplifièrent. Il ne se passa rien d'autre pendant un temps. Elle avait envie de le consoler lui aussi, mais à présent, toute volonté s'était évaporée, Urielle n'était plus qu'un chiffon abîmé.

Sanglotant toujours, elle secoua lentement la tête à la première question du loup vert. Non, Urielle n'avait pas faim, elle allait chercher à manger tous les soirs en revenant des tanières des nourrices. Elle mangeait sans envie, machinalement, mais la louve n'était pas sous alimentée. Elle ne prêta plus tellement d'attention au reste de ses questions, hochant la tête machinalement.

Elle restait juste là, contre le loup vert donc le contact lui faisait du bien. A nouveau, la louve laissait éclater sa peine, même ses lucioles d'ordinaire toujours quelque part, étaient absente, éteinte. Faubaru voulait prendre soin d'elle, mais lui aussi n'allait pas bien. Il fallut un peu de temps à Urielle pour s'en souvenir, pour penser à autre chose que le vide qui dominait en elle.

Lentement, elle se calma contre Faubaru, et après de longues minutes, elle poussa un petit gémissement inquiet. Elle ne bougeait pas, ne relevant pas la tête, restant contre le loup dont elle entendait battre le cœur. lui aussi avait perdu un être cher, et pourtant il était là pour elle, et il la laisser mettre plein de poussière sur lui.

Urielle s'étant calmée, elle se fit de plus en plus silencieuse, et dressa ses oreilles à la voix morose de Faubaru. Cette fois, c'était à elle de l'écouter comme il avait laissé le temps calmer les pleurs de la femelle. Finalement, ce fut au tour de Faubaru de pleurer, et la Caverne sentit ses pattes se serrer autour d'elle. Elle couina, elle était là.

Finalement, il s'éloigna de lui même et Urielle secoua la tête pour remettre ses poils en ordre tandis que Faubaru s'essuyait les yeux en reniflant aussi grossièrement qu'elle juste avant. Elle ne connaissait pas la moitié des gens que Faubaru avait évoqué dans son monologue, mais ils devaient tous compter pour lui s'il devait en parler.

Urielle pencha la tête, mais ne put répondre avant que Faubaru revienne vers elle, se mettant méticuleusement à retirer feuilles et brindilles de sa fourrure. Elle se laissa faire, elle lui avait dis oui. Elle réfléchissait à ses paroles. Faubaru s'estimait-il redevable d'elle? Il ne fallait pourtant pas. Urielle ne comprenait pas que le fait d'aider les gens ne soit pas un réflexe chez ses semblables. Ils ne pouvaient pourtant se passer du clan, alors pourquoi ne mettaient ils pas tout en œuvre pour que tous soient heureux en son sein?

Urielle pensait de moins en moins à la raison qui l'avait poussée à s'isoler ici chaque soir. Elle se laissa complètement faire par Faubaru et cela lui faisait du bien. Il était inutile d'espérer que la peine et la douleur s'en aille, Urielle craignait ne jamais pouvoir s'en séparer, mais elle ne pouvait nier l'effet apaisant que la présence de Faubaru lui provoquait.


Finalement, après de longues minutes de silences, Urielle releva la tête vers le mâle vert, et plongea son regard de saphir dans les siens. Aucun rapport de hiérarchie, le regard pourtant pouvait communiquer tant de choses. Elle y décela de la peine, de l'inquiétude, peut être un reflet d'elle même? Urielle couina à nouveau. Ne pas parler était un réel handicap pour elle, et elle le constatait encore et encore, chaque jour.

Une petite luciole, timide, hésitante, clignotante, apparu devant Urielle. Elle virevolta, comme assomée, vers Faubaru, avant de disparaitre contre son épaule. Elle ignorait pourquoi elle avait décidé de faire ça. Elle avait tu ses lucioles depuis qu'elle ne voyait plus son père. Elle ignorait pourquoi maintenant elle se décidait à les invoquer. Elle ignorait ce qui la poussait à se rapprocher de Faubaru, tant pour le rassurer, que pour apprécier plus encore sa présence.

Elle ne reconnaissait pas ce ressenti qui lui faisait se dire qu'elle avait apprécié chaque moment passé aux côtés du mâle vert, Elle balaya tout ça d'une pensée, elle n'avait pas le temps de s'occuper d'elle, Faubaru souffrait, il l'avait dis lui même, mais la louve mettrait ses faibles moyens en œuvre pour qu'il pense à autre chose, pour que ses blessures se referment.

Elle fit apparaitre une nouvelle luciole, un peu plus consistante cette fois, et moins chancelante, et elle vint se poser sur la truffe de Faubaru, tandis qu'Urielle s'approchait à nouveau pour garder contre elle la fourrure chaleureuse du loup vert.

Elle leva ses billes azure vers le mâle vert et lui sourit. Ce n'était certes pas un sourire franc comme elle avait l'habitude de le faire, mais la présence de Faubaru avait déjà sur elle cet effet apaisant qu'il avait toujours eu au fil de leurs rencontres. Le Gothic se mit à bailler et ce fut bien assez contagieux pour que la caverne l’imite, (retenue: 93) à s'en décrocher la mâchoire.

Elle leva la tête vers le ciel. Mais si l'on devinait qu'il faisait nuit depuis longtemps, l'épaisse canopée de la jungle des plantes privait la louve de la vue de la lune. Aussi, impossible pour elle de savoir à quel point la nuit était entamée.

Faubaru se coucha à côté d'elle et leva les yeux vers elle, Urielle pencha la tête (compréhension:92) Qu'espérait il? quel était ce regard qu'il lui lançait? Elle cligna des yeux une fois ou deux. (initiative: 6) Elle sourit à nouveau et se coucha contre lui, lui donnant une lèche sur la truffe avant de se rouler contre le corps vert du chasseur.