Début avril 270

Il y a de ça trois jours, Ware et Hydromos ont proposé à leur bêta Okazeh de leur succéder au poste d'alpha. Ils furent pleins d'espérances de saisir enfin la retraite. Alors, ils ne s'étaient pas douté un seul instant qu'elle leur dirait non. Ce refus fut un choc, surtout pour l'alpha paon qui s'était alors effondré mentalement. Enfin, Okazeh n'avait pas totalement refusé, mais avec son état, Hydromos n'eut pas perçu la nuance, rangeant directement cette réponse dans une déclinaison totale. Le motif de son refus fut qu'elle souhaite engendrer de nouveaux descendants. Sur le coup, l'alpha de plumes ne pouvait plus réfléchir, son esprit ayant été fortement ébranlé et ensevelit de doutes. Cette retraite tant méritée lui filait de nouveau entre les griffes, le narguant. Visiblement, jamais il ne pourra franchir ce stade à moins d'y être forcé par la maladie. Ou la mort qui offrira alors une retraite éternelle.
Il ne se souvient plus de ce que Ware avait rétorqué à l'intention d'Okazeh, mais il sait que lui et elle se sont quittés en mauvais termes. Ware l'avait raccompagné jusqu'à sa tanière et l'avait quitté dès qu'il s'était installé sur sa couche. Durant plusieurs minutes, Hydromos avait eut les yeux rivés sur le mur lui faisant face, le regard dans le vague, sans qu'il ne pense à quoique ce soit. Ensuite, l'émotion l'avait submergé une nouvelle fois de façon différente que lors de l'entrevue. Toutes ces émotions ressenties auparavant s'étaient mues en douleur et il avait pleuré. Il avait fini par s'endormir, complètement épuisé, sans plus aucune force. Depuis, il n'a plus bougé de là.

Cela fait donc trois jours qu'il n'est pas sorti de sa tanière, qu'il n'a pas quitté sa couche (si on excepte le fait d'aller uriner) et qu'il n'a presque plus parlé. Mais également, trois jours qu'il n'a pas mangé et bu convenablement. Sa fille arrivait parfois à lui faire avaler quelques bouchées et quelques gorgées, mais ça s’arrêtait à ça, car il ne voulait pas s'alimenter. Hydromos disant que son état venait du fait qu'il soit sans doute malade, son estomac étant barbouillé, elle accepta ce fait.
Il croyait être tranquille, mais un médecin vint ce matin. (9/100) Naturellement, le médecin ne trouva rien du point de vu santé, car l'alpha de plumes se porte très bien. Néanmoins, les symptômes de la fatigue constante, le fait qu'il ait envie de rester cloîtré, de rester seul, qu'il n'ait envie de rien et qu'il boude l'alimentation indiquèrent clairement au médecin la déprime de l'alpha. Hydromos en a bien conscience, mais il ne souhaitait pas que ça se sache... Par demande, le médecin ne divulguera rien, mais si ça ne va pas mieux d'ici plusieurs jours, le clan commencera sans doute à se poser des questions et des rumeurs sur son état commenceront à circuler. Il y a aussi le fait que si d'ici deux semaines ça ne va pas mieux, sa déprime basculera probablement en dépression et il faut l'éviter. Ainsi, le médecin prescrit en suivant des plantes apaisantes pour le soulager et l'aider à aller mieux.
Durant l’après-midi, Hidyllisse réussit à faire sortir son père de sa couche. Pas loin cependant, jusqu'à son promontoire habituel lui permettant d'observer l'horizon. Ce fut déjà ça. Hydromos y resta un moment, allongé, ne regardant pas vraiment ce qu'il y avait en contre-bas et à l'horizon, et dormant une bonne partie de la journée. Au moins, il avait pris l'air et son pelage s'était aéré. Lorsque l'air s'était fait plus frais en fin de journée, il s'était glissé chez lui.

Hydromos avait repris sa place depuis un moment maintenant. Il s'était réveillé il y a un quart d'heure environ et son regard, de nouveau vague, était porté sur le mur en face de lui. Il ne pensait à rien, pour l'instant, jusqu'à ce qu'une voix qu'il connaît très bien retentit dans son dos.

Alpha Hydromos ? C'est moi, Okazeh.

(77/100) Non... Il ne veut pas la voir. De tous les membres du clan, c'est bien la seule qu'il ne veut absolument pas voir. Plus tard, quand il ira mieux, mais pas maintenant. Pas comme ça. Il resta silencieux et ferma les yeux, faisant mine de dormir. Okazeh ne pourra pas vérifier, car même si elle rentre un peu pour voir s'il est là, elle ne verra que son dos. Et elle n'oserait pas rentrer complètement pour aller le secouer, il en a la conviction.
Les secondes passèrent. Seulement, il ne descella aucun bruit de pas. Est-elle restée à l'entrée ? Est-ce qu'elle est en train d'attendre pour espérer le voir arriver ? Doucement, il ouvrit un œil et pivota légèrement pour apercevoir derrière lui. Il vit un bout de l'ombre de la femelle s’étaler dans l'entrée, ce qui répondit à ses interrogations. Il soupira, ses oreilles se plaçant à l'horizontale. (54/100) Deux choix s'offrent à lui : il fait comme si de rien n'était et se remet en place, elle finira par partir OU il se lève et malgré tout, va la voir. Le premier choix le tente fortement, d'autant plus qu'il ne souhaite pas se confronter à elle pour le moment. Néanmoins, ce ne serait pas correct. Si Okazeh s'est déplacée, c'est qu'elle a des choses à lui dire et/ou à clarifier. Après tout, son changement d'état lors de leur entrevue n'a pas pu lui échapper. De plus, ne pas se lever, ce serait manquer à ses principes et désobéir à son éducation. Même malade, il se devait d'écouter quelqu'un de son clan.
Résigné, mais sans réelle envie, il fit l'effort de se lever. Il s'étira, s'ébroua le plus possible et gonfla un instant la masse plumeuse de son cou pour remettre en ordre les plumes. Fort heureusement, il n'est pas pourvu de cheveux, sinon ces derniers seraient tout emmêlés et ébouriffés, ce qui aurait accentué encore plus sa négligence durant ces jours. Il ne pouvait faire plus pour se rendre présentable, mais concrètement son pelage n'est pas sale. Seuls ses yeux cernés démontrent sa grande fatigue. Doucement, d'un pas lent, il sortit de sa tanière et s'assit. Il s’efforça de rester droit comme à l'accoutumée, bien qu’inconsciemment, il baissa un peu la tête, se voutant quelque peu.

Quelque chose est arrivé ? Demanda-t-il d'une voix enrouée.

Il se racla la gorge afin de faire passer cet état de voix.

Début avril 270

Non, pas du tout. Je voulais seulement parler.

Le clan n'a pas besoin de lui et tant mieux. Il n'a pas envie qu'on le voit ainsi. Ça aurait donné une mauvaise image au clan de voir l'un de leur alpha si fatigué. On pourrait croire qu'il est malade. Après tout, il a passé le seuil des dix ans : il est officiellement vieux. Il n'en reste pas moins résistant, puisque avec toutes les péripéties qu'il a vécu en tant qu'alpha, quelqu'un d'autre serait sans doute rongé par un problème cardiaque ou autre, résultant de stress intenses et autres émotions vécues. Néanmoins, cela peut encore arriver...

Okazeh est là pour parler. Il n'y a pas trente six sources de discussion à aborder entre eux actuellement. Il sut facilement de quoi elle venait lui parler : elle souhaite probablement revenir sur le dérapage de leur entrevue. Un autre sujet serait étonnant et inattendu.

Je voulais m'excuser pour l'autre jour. J'ai... La discussion ne s'est pas bien passée, en partie à cause de moi. Je ne savais pas ce que vous ressentiez, je ne savais pas qu'être alpha était si difficile. Elle marqua une pause, puis ancra son regard dans le sien. Je ne sais pas ce que Ware et vous, avez décidé vis-à-vis de la régence. Mais ce contre temps ne durera que quelques mois... Après cela, je serai prête, si vous voulez encore de moi.

Le poste d'alpha n'est pas un grade tout rose et enchanteur. Ah ça, ça peut faire rêver d'être le loup suprême du clan, celui à la tête de tout, le dirigeant, celui qui dicte les lois et qui fait ce qu'il veut, mais il ne faut pas non plus se conforter à ces idées de pouvoir. Il faut savoir être un alpha juste, droit et investit. Même si on le peut, il ne faut pas toujours faire ce que l'on veut, sinon une décision pourrait impacter l'ensemble du clan et créer un conflit, une famine, la mort au sein des siens pour les plus grandes conséquences. Il faut être investi au risque que le désordre et la discorde s'installent, mais aussi pour avoir et garder le respect des siens, éviter que les décisions soient prises sans vos avis. Il faut avoir une part de droiture et être juste, non cruel, pour éviter la tyrannie et la peur. Même si l'alpha peut prendre une décision sans avis, il faut quand même savoir écouter pour éviter certaines situations. Le poste d'alpha n'est pas de tout repos si on le respecte, loin de là. Néanmoins, Hydromos a vécu son poste en une décennie bien particulière, rythmée par des ennemis divers. Pour le prochain alpha du Désert, ce ne sera pas la même chose. Du moins, depuis la fin d'Akui, tout est calme et rien n'est à déplorer. Cela semble pouvoir perdurer. Tout est facile en tant qu'alpha.

Ware et lui n'ont rien décidé, car ils ne se sont pas revus. Ware est peut-être passé quelques fois chez lui, mais ce devait être quand il dormait, ou alors il ne s'en souvient plus, car il est certain de n'avoir vu personne d'autre que sa fille et le médecin ce matin. En tout cas, aucune discussion sur la régence n'a été faite depuis cet incident. Hydromos n'a pas réfléchi non plus à quelque chose d'autre, puisque pour lui, il est clair qu'une force supérieure le veut à la tête du clan jusqu'à sa mort. Il ne reste plus qu'à se remotiver pour repartir de plus belle...

Elle parla d'un contre-temps qui ne durera que quelques mois... À ces mots, Hydromos haussa un sourcil, ne sachant pas ce qu'elle évoquait. "Après cela, je serai prête, si vous voulez encore de moi." Les petits yeux cernés du loup-paon s'agrandirent et il redressa la tête. Okazeh gardait en tête le poste d'alpha ? Il lui semblait pourtant qu'elle avait refusé, mais peut-être pas visiblement ! Elle compte monter à la tête du clan d'ici quelques mois. Son regard se posa sur le ventre de la femelle. Rien n'y paraissait, il avait simplement détourné le regard dessus en repensant au fait qu'elle souhaite être de nouveau mère. Puis, son regard se posa sur un point invisible, réfléchissant. Okazeh prenait donc le temps d'avoir une seconde portée, de s'en occuper convenablement jusqu'à ce qu'elle puisse s'en détacher suffisamment pour succéder aux deux mâles alphas. D'ici sept mois voir un an, Hydromos et Ware pourront alors quitter officiellement leur poste ? Cela parait beaucoup pour lui dans son état actuel. Tiendra-t-il jusque là ? Il n'est pas sûr, même si concrètement, il n'y a pas grand chose à faire que de discuter de missions, de chasses ou autres petites choses se passant au sein du clan. Il releva la tête et avoua :

Je ne suis pas sûr de pouvoir tenir jusque là... Ware et moi n'avons rien décidé d'autre. Visiblement, tu es prête à nous succéder, mais nous devons revoir ça. Tu serais à la tête du clan d'ici sept à douze mois ? Je ne sais pas si Ware pourra assumer la direction seul si je viens à m'en détacher. Nous sommes vieux et haut-gradé depuis longtemps. Nous avons essuyé plusieurs péripéties source de stress et autres émotions qui accumulées, fatiguent énormément quelqu'un de mon rang. Ware pourrait tenir plus longtemps, car il est alpha depuis moins longtemps que moi.

Sa voix fut plus assurée cette fois, car plus échauffée et réveillée.

En cas de besoin, je sais qu'Aslan pourrait être là pour nous soutenir, mais avec ses blessures dû à l'éboulement, lui aussi doit être à bout et fatigué d'être bêta. Nous devrons te préparer à être alpha, même si tu vois déjà comment ça se passe et que tu participes à la plupart des rôles. Je dois faire le point avec Ware.

(75/100) Hydromos se mit à respirer plus fort, commençant à haleter, reprenant son souffle. Parler autant, tout en essayant d'avoir une voix claire et assurée, quand on est fatigué, ce n'est pas une bonne idée. L'appel du sommeil revint de plus belle, se faisant sentir pour lui. Heureusement, le début de nuit permettait à ses yeux de ne pas être agressés par la lumière vive de Solar, c'est déjà ça.

Début avril 270

Hydromos vit le petit sourire d'Okazeh lorsqu'il lui répondit. Il ne sut l’interpréter, bien qu'il savait que ce n'était pas un sourire en coin moqueur. La bêta l'écouta sans interrompre, comme elle le faisait à chaque fois. Elle ne semblait pas porter de jugement sur ce qu'il disait. Il ne dessellait pas non plus de pitié, bien qu'il voyait dans ses yeux que l'état dans lequel il était, lui faisait de la peine.

A vrai dire, je serai disponible après le sevrage de ma deuxième portée, soit dans environ 4 mois. Évidemment, le début sera difficile mais... Je serai épaulée par Aslan, ma première portée et les nourrices. Mais je tiens à vous décharger de ce poids, si je le peux, le plus vite possible.

(88/100) La nouvelle d'Okazeh le laissa pantois. Dans quatre mois ? Ce n'était pas beaucoup ! Bien moins que ce qu'il pensait. Il pensait qu'Okazeh irait au moins jusqu'aux six mois des petits voir leur un an pour pouvoir faire toute la partie éducation diverse et enseignement pour les préparer plus à la vie et à leur apprentissage futur. D'où sa longue estimation d'attente. Il n'est pas une femelle et sa descendance fut tardive. De plus, Cassiopée étant religieuse, le fait d'être mère ne l'impactait pas du tout dans son rôle au sein du clan. Ainsi, Hydromos n'avait aucune vraie idée du temps qu'une mère devait investir pour ses petits. Si ce n'est que c'est contraignant sur le départ où la portée est totalement dépendante de leur mère qui ne peut pas aller très loin de sa tanière et donc, ne peut rien faire. Bien qu'il voit les mères, les nourrices et les petits dans le clan, il ne s'est jamais documenté sur tout ça, ne connaissant que certaines bases. Quoi qu'il en soit, cette nouvelle le rassura et lui fit chaud au cœur. (77/100) Soudain, ses yeux le piquèrent et s’humidifièrent. Il se passa une patte sur les yeux, avant de répondre :

Quelques jours après le sevrage. Dans quatre mois, tu devrais pouvoir monter sur le trône et diriger le clan. Dans ce cas, j’essaie d'en informer Ware le plus vite possible, à moins que tu l'ais déjà fait ou le prévois ? Dans tous les cas, lui et moi devront en discuter un minimum pour prévoir. Même si je suis d'accord pour attendre. Je pense être capable de pouvoir tenir quatre mois de plus. Mis à part cette fatigue, je n'ai rien.

Il ne souhaitait pas inquiéter Okazeh, ni même dire directement qu'il était déprimé. Ainsi, il avançait la carte de la fatigue qui était parfaitement visible. Pour autant, vu comme ça, ça ne voulait pas dire qu'il y avait quelque chose d'autre derrière. Du moins pour l'instant. Si Okazeh était venue quelques jours après, elle aurait pu voir d'autres signes, notamment le fait qu'il ne s'alimentait plus beaucoup. Qu'il aurait été plus faible et peut-être aussi son état de déshydratation. Même s'il l'est probablement à l'heure actuelle, mais il faudrait l'examiné pour le savoir. D'ailleurs sa sensation de soif se faisait sentir de plus en plus et il commença à chercher du regard, autour de lui, un éventuel point d'eau. Rapidement, à côté de l'entrée de sa tanière, il vit une coupelle en terre cuite remplie qui fut probablement déposée par sa fille sans qu'il ne s'en rende compte. Il n'y avait pas prêté attention en sortant. Il alla la boire presque entièrement.

Début avril 270

Je suis heureuse que ce ne fut qu'un malentendu. Je n'ai jamais voulu vous faire souffrir de la sorte.

Okazeh avait le museau baissé, peut-être gênée ou triste que tout ceci soit arrivé. Maintenant, les problèmes ont été discutés et tout avait pu être remis dans l'ordre. La femelle avait pu mieux s'expliquer que lors de sa convocation. Du moins, du côté d'Hydromos. Il lui restait le reptilien avec qui s'entretenir, si ce n'était pas déjà fait et si elle avait l'intention de le faire.

Les explications ont permis d'éclaircir les malentendus. Nous repartons sur de bonnes bases.

Il marqua une pause avant de poursuivre :

Si tu as l'intention d'aller voir Ware, je ne te retarde pas plus.

Il s'assit et la regarda partir quelques instants après. Par la suite, il tourna la tête vers l'horizon, comme il le faisait souvent. Il se sentait déjà mieux, une partie de sa déprime s'étant visiblement envolée. Mais il devait se reprendre efficacement.