RAHAWK

Rahawk faisait encore un dernier allez-retour au cimetière. Du moins, il espérait que c'était le dernier. Il avait pris la décision de demander à Anvie de le rejoindre aux tanières avec leurs petits. A vrai dire il appréhendait un peu, la louve pouvait être excecrable quand elle pensait qu'il cherchait à la dominer. Etrangement, s'il y avait bien un loup sur ces terres que Rahawk ne chercherait jamais à écraser c'était elle. Pour lui, elle était la personnification de la liberté. Elle était sauvage et indépendante, elle était la nature même du solitaire. Elle faisait battre en lui un coeur pourtant encerclé de pierre.

Il déambulait entre les tombes, se dirigeant vers le mausolée qui abritait sa belle et leurs petits. Jeff semblait être absent, sûrement des vieux qui avaient claqué dans les camps. Le faucheur ne manquait pas de travail même en temps de paix. Il n'y avait pas d'autres traces que les leurs en tout cas, cela le rassurait, il n'aimait pas l'idée que des inconnus s'approche de sa famille en son absence.

Il entendit enfin les gazouillis et grognements caractéristiques des petits qui jouaient. Anvie n'était pas loin. Il la trouva couchée à l'entrée du mausolée. Vince et Alexis se roulaient dans la poussière sous le regard d'Akeba, impassible. Il sourit, de vrais petits guerriers en herbe. Il leur donna un coup de museau avant d'approcher de la grise. Il lécha le sommet de la tête de sa louve (38/100) sans crainte qu'elle ne le morde, après tout elle était calme, semblait-il. Il s'assit à coté d'elle pour observer le combat de titan que se livraient les louveteaux.

Pas eu de danger depuis ma dernière visite?

Anvie était pensive. Depuis l'intervention de Zal, un doute s'était installé dans sa mentalité qui était pourtant si inébranlable. Et bien qu'elle fit tout pour ne rien laisser transparaître. Plein de questions avaient tendance à envahir sa tête. Ce n'était plus quelque chose dont elle avait l'habitude depuis Akui. Et, à vrai dire ce n'était pas quelque chose qu'elle regrettait non plus

Est ce qu'elle avait bien fait de laisser le beige partir sans le retenir ? Est ce qu'elle lui avait posé les bonnes questions ? Est ce qu'elle aurait du en parler à Jeff ?..
D'une certaine manière, c'est son devoir de mère qui la poussa à ne pas tenter une nouvelle fois le diable. Si Anvie ne savait pas ce qu'était réellement l'amour du'une mère et qu'elle ne le saurait certainement jamais. Elle fit toutefois de son mieux pour donner mécaniquement de quoi survivre à ses petits.

Survivre...C'était la seule chose qui importait en ce bas monde.

Ce matin là, elle observait un peu lascivement Alexis et Vince se battre pour la même carcasse de rat. Soupirant alors qu'elle vu Akeba se jeter sur le jeune mâle afin d'aider sa sœur. Il semblait encore une fois que la solidarité féminine ait triomphé dans ce trio.
L'oreille de la jeune mère tiqua, un peu curieuse. Pourquoi se battaient ils toujours pour la même carcasse alors qu'elle s'efforçait d'en ramener plusieurs ?

Un ombre se présenta alors proche de son mausolée et alors qu'elle montra par réflexe les crocs, l'odeur de Rahawk la poussa à ne pas complètement hérisser sa fourrure .

Le solitaire s'avança dans la tanière de la fossoyeuse. Observant d'un air fier ses petits survivants. S'avançant afin de lui offrir une lèche sur le front. Sans pester, elle ferma simplement un oeil à cette dernière.

Pas eu de danger depuis ma dernière visite?

Un certain sourire s'esquissa sur ses babines alors qu'elle ajouta d'un air un peu taquin.

Aucun que je n'aurais pas été en mesure de traumatiser

Elle préféra cacher volontairement la présence de Zal. Rahawk pouvait être frileux lorsque quelque chose s'approchait d'elle. Et elle n'avait pas besoin que quelqu'un aille punir son père à sa place si elle estimait que ce dernier le méritait.
Levant le museau vers le cendré, elle ajouta

Et toi ? Tout c'est bien passé avec tes chers protégés des tanières ?

RAHAWK

Anvie n'esquiva pas sa marque de tendresse. Il y en avait peu entre eux, et il était rare qu'elle se laisse faire quand il essayait de sortir de son schéma de grosse brute. Elle n'avait encore jamais fait ce pas vers lui d'elle-même. Peut-être n'en montrerait-elle même jamais. Tant qu'elle était à lui, il s'en accommodait. La carcasse avec laquelle les petits jouaient était déjà en lambeau, il avaient vraiment une force brute pour leur age. Akeba s'était jetée dans la mêlée pour aider sa soeur. Vince avait finalement perdu du terrain, mais chacun avait eu un morceau de la carcasse. Leurs filles la dévoraient ensembles, tandis que leur fils mangeait sa part un peu plus loin.

Aucun que je n'aurais pas été en mesure de traumatiser

La répartie de sa compagne le fit sourire, il savait à quel point elle pouvait être agressive. Et même si elle ne le reconnaissait pas, elle aimait suffisamment ses petits pour les protéger de quiconque leur voudrait du mal. Le cimetière était un endroit assez sûr, rares étaient ceux qui pénétraient sur le territoire de Jeff.

Et toi ? Tout c'est bien passé avec tes chers protégés des tanières ?

Son sourire s'effaça. Il n'aimait pas qu'elle en parle ainsi. Il les protégeait, mais c'était simplement un échange de bons procédés. S'il n'avait pas le temps de chasser, il allait chez Imryu, où il récupérait le tribut de Heindrick. Et si elle les appelait comme ça, c'était qu'elle les méprisait.

Ne dis pas ça. Ils sont utiles.

Il n'avait maintenant plus la moindre idée de comment aborder le sujet qui l'intéressait. Il essayait de prendre de la bonne patte le fait qu'elle lui demande des nouvelles. Mais il ne pouvait s'empêcher qu'elle se moquait de lui. Il construisait quelque chose. Il savait que ce n'était pas le comportement d'un solitaire classique. Mais il n'était pas un solitaire classique. Il se leva et fit quelques pas. Secouant sa crête il observa de plus près son fils qui avait presque fini son repas. Il avait les même pattes épaisses que sa mère, adulte, celui qui se prendrait une baffe n'y reviendrait pas une seconde fois. Mais si sa mère pouvait être une teigne, elle n'avait pas eu l'entraînement au combat que lui avait eu. Et si elle décidait de rester ici il ne pourrait pas entraîner ses enfants convenablement. Il se tourna vers la grise.

Je veux que tu viennes vivre là bas avec moi, et avec eux.

Il avait lâché la bombe. Il s'écarta de Vince, prêt à se battre pour obtenir ce qu'il voulait. Il la laissait faire ses choix la plupart du temps, mais cette fois, il ne céderai pas. Du moins pas sans donner tout ce qu'il avait. Il faisait ça pour les boules de poils qui s'étaient maintenant réunies pour dormir en tas après leur festin.

Le sourire aux babines, taquine comme bien souvent. Elle ne fut pas vraiment perturbé lorsque celui de Rahawk retomba de son visage, ajoutant alors d'une voix rauque.

Ne dis pas ça. Ils sont utiles.

La grise rigola alors, les oreilles assez droite. Oui, utile, ils pouvaient l'être. mais pour une louve comme elle qui voyait la vie de solitaire comme sa mère le lui avait apprise. C'est à dire dépendre de soi et de personne d'autre, savoir être la menace plutôt que de craindre celle des autres. le fait de former un semblant de clan lui était futile.
Elle reporta alors son regard sur le cendré, plissant les yeux, d'un air amusé.

Je pensais pas qu'un grand gaillard comme toi avait besoin d'eux, mais soit

Anvie se releva alors, s'approchant du loup, passant dans son dos en le frôlant de manière assez insistante comme pour le "provoquer". Bien qu'elle semblait cette fois plus tendre que ses éternelles morsures. Imaginer Rahawk dépendre ou s'attacher au autres était quelque chose d'assez amusant au yeux de la louve, lui qui faisait tout pour toujours se montrer fort et impassible.
Elle le regarda aller vers Vince d'un air assez pensif, se retournant ensuite vers elle, ajoutant d'un air sérieux.

Je veux que tu viennes vivre là bas avec moi, et avec eux.

Levant un sourcil, les oreilles droites et l'air toujours aussi fier. La louve laissa planer un doute, s'approchant cette fois de Rahawk pour se tenir face à lui, le poitrail légèrement bombé et le dos droit.
Elle le regarda cette fois de ses deux pupilles, ajoutant d'une voix claire.

ça dépens Rahawk. Est ce que tu dis ça plus pour moi.. elle tourna la tête vers les louveteaux ..Ou seulement pour eux

Gardant son sourire, bien qu'un soupons de mesquinerie planait derrière ce dernier, elle ferma les yeux, ajoutant alors.

J'aime bien passer du temps avec toi, je dois bien l'avouer. Enfin j'ai appris à l’accepter. Mais vivre enclavé n'est pas quelque chose qu'une personne comme moi est du genre à supporter. Qui plus est, il y a aussi tes sujets..

Elle releva le museau vers le cendré, rouvrant les yeux.

J'ai souvenir qu'ils ont peur de ce qui est...sauvage

RAHAWK

Je pensais pas qu'un grand gaillard comme toi avait besoin d'eux, mais soit

Elle riait, et avait son air taquin, renforçant la sensation qu'il avait qu'elle se moquait de lui. En soit, il n'avait clairement besoin de personne pour survivre, rares étaient les solitaires assez téméraires pour le défier. Mais la troupe des tanière lui avait permis d'étendre considérablement son territoire, et il aimait pouvoir se sentir chez lui sans avoir à se tenir sur ses gardes en permanence. Et il serait plus serein de savoir qu'on l'appellerai si quelque chose arrivait à Anvie et aux petits en son absence. Ce n'était pas un clan, chacun était libre d'organiser ses journées comme il le souhaitait, de chasser ce qu'il voulait, quand il le voulait. La seule contrepartie pour sa protection était de lui fournir ce qu'il demandait, quand il le demandait. Et il demandait rarement autre chose qu'une part de la chasse et d'être informé de ce qu'il se passait sur son territoire.

ça dépens Rahawk. Est ce que tu dis ça plus pour moi... Ou seulement pour eux

Elle était toujours souriante, et taquine. Il était soulagé, ce n'était pas un non catégorique. Mais il était aussi déçu qu'elle pense encore qu'il n'était avec elle que pour leur progéniture. Anvie n'était pas une louve facile. Parfois il avait envie de la mordre profondément et de la soumettre. Mais on ne soumettait pas le vent. Rahawk aimait le vent. Il aimait la liberté qu'elle représentait. Il soupira.

Si j'voulais que les petits tu me laisserais probablement volontiers partir avec eux. C'est tout ça que je veux.

Il désigna le petit tas de louveteaux ensommeillés, la louve fière qui se tenait devant lui et lui même. Il ne désirait rien tant qu'une famille, une famille construite avec la Liberté. Anvie était la liberté. Elle était sa rédemption. Elle était prête à accepter le démon en lui.

C'est toi que je veux.

Il combla la distance qui les séparait alors qu'elle avait les yeux clos. Elle bombait le poitrail, elle n'accepterai jamais de demi mesure.

J'aime bien passer du temps avec toi, je dois bien l'avouer. Enfin j'ai appris à l’accepter. Mais vivre enclavé n'est pas quelque chose qu'une personne comme moi est du genre à supporter. Qui plus est, il y a aussi tes sujets..

C'était potentiellement la chose la plus proche d'une déclaration d'amour qu'elle lui ait jamais dite. Elle l'acceptait. Il sourit. Cela lui ressemblait bien. Elle le tolérait auprès d'elle, ça ne lui était pas... désagréable. Après des semaines de contacts réguliers c'était tout ce qu'elle lui jetait. Et il se délectait de ces misérables miettes d'affection. C'était risible.

J'ai souvenir qu'ils ont peur de ce qui est...sauvage

Elle releva la tête vers lui, lui dévoilant ses yeux de couleurs différentes. Il prit le risque de combler totalement l'espace qui restait entre eux. Sa truffe se posa délicatement sur la sienne. Les fourrures de leurs poitrails s'entremêlaient.

Tu n'es pas sauvage, tu es libre. Plus jamais je ne te mettrai de chaînes. Je veux juste que tu vives près de moi. Ils feront ce que je leur dit de faire. Tu pourras faire ce que tu voudras, continuer de travailler pour Jeff ou c'que tu veux.

Il recula d'un pas pour lui donner de l'espace, peut-être le comblerait-elle à nouveau. Après tout, elle l'avait beaucoup surpris aujourd'hui alors il ne se privait pas d'espérer.

Alors qu'Anvie gardait son éternel sourire, s'attendant presque à ce que Rahawk lui donne un coup de croc ou grogne de son insolence. Elle garda les oreilles en avant, un peu étonnée alors qu'il sembla plus pensif que vraiment vexé de sa remarque.

Si j'voulais que les petits tu me laisserais probablement volontiers partir avec eux. C'est tout ça que je veux.

Son oreille tiqua alors qu'elle sentit du mouvement du coté de Rahawk, il ajouta d'un ton serieux..

C'est toi que je veux.

...avant qu'elle finisse par senti un très léger contact contre son poitrail bombé et fier. Par réflexe, elle ancra alors ses griffes dans le sol. Mettant quelques secondes avant de relâcher ses muscles.
Non. Cette fois il ne se risquerait pas de la mordre. Il semblait..bien plus sérieux.
Lorsqu'elle releva la tête. Elle marqua un moment d’arrêt, alors étonné de voir leurs deux truffes se coller l'une contre l'autre.
Sa fourrure gonfla alors un peu, en même temps que son cœur qui sembla battre un peu plus vite.
De base, personne ne pouvait se permettre de s'approcher si près d'elle sans espérer recevoir une correction. Mais elle arriva à contenir cette sensation étrange, l'écoutant alors continuer.

Tu n'es pas sauvage, tu es libre. Plus jamais je ne te mettrai de chaînes. Je veux juste que tu vives près de moi. Ils feront ce que je leur dit de faire. Tu pourras faire ce que tu voudras, continuer de travailler pour Jeff ou c'que tu veux.

Il recula alors et elle cligna des yeux. Semblant un peu perdu et confuse. Si Rahawk lui avait fait comprendre qu'il l’appréciait et qu'il souhaitait passer plus de temps avec elle en partie car elle portait sa progéniture. Dans l'esprit d'Anvie, leur relation avait toujours plus tenu de la possessivité que du réel amour.
Mais après tout, elle ne savait de tout de façon pas vraiment ce qu'était l'amour.

Je..

Hésitant un peu, mettant un certain temps avant de se décider, elle se décida à réduire une nouvelle fois la distance entre eux, collant leurs fourrure alors que l'odeur du cendré lui revint au narines.
Elle ferma les yeux, essayant alors de se calmer:

Tu as raison..Pourquoi pas essayer après tout...

Anvie se savait libre et si personne ne serait jamais capable de l'arracher à cette liberté. La solitude était quelque chose qui la pesait parfois depuis le départ de ses frères. Elle était assez forte pour vivre en camouflant ses blessures. Pour autant, à cet instant précis, l'idée de passer un peu plus de temps avec son ancien bourreau qui s'efforçait de prendre un peu plus de temps pour la comprendre n'était pas si désagréable que ça. Bien au contraire.

RAHAWK

Quand il recula elle cligna des yeux, comme se réveillant d'un rêve. Rahawk s'était attendu à un coup de croc pour s'être tenu si près d'elle, mais elle avait juste gonflé sa fourrure. Lui faisait-elle enfin confiance ? Tout dans son passé faisait d'elle une boule de nerf suspicieuse. Et tout particulièrement envers lui, ils avaient passé plusieurs mois ensembles en tant que Bourreau et Victime. Malgré son pouvoir, l'ancien cavalier n'avait jamais aimé faire ce qu'il avait dû faire sous Akui. Il n'avait jamais présenté ses excuses à sa louve. Il ne le ferait probablement jamais. Ce qui était fait était fait. Mais il pouvait lui montrer qu'elle ne subirait plus ça.

Je..

Il pointa ses oreilles vers la grise. Elle hésitait. Quand elle fit le premier pas vers lui, il se tendit; elle pouvait se montrer fourbe parfois. Mais elle se colla contre lui, mêlant de nouveau leurs fourrures. Il n'osait plus bouger, s'imprégnant uniquement de son odeur. Vu sa taille, elle avait sa gorge à portée de crocs et ça le mettait mal à l'aise. Pourtant, il n'avait pas eu d'inquiétude quand c'était lui qui s'était approché. Probablement parce que la morsure de la louve n'aurait été que dissuasive? Là c'était elle qui prenait la direction, c'était elle qui pouvait choisir de se débarrasser de lui. Elle avait eu un comportement trop inhabituel pour qu'il soit totalement détendu.

Tu as raison..Pourquoi pas essayer après tout...

Sa mâchoire inférieure tomba. Il baissa la tête pour la regarder. Avait-il bien entendu ? Ses queues s'agitèrent une fois et il fit un petit pas avant de parvenir à contenir sa réaction physique à la joie. Il se rapprocha de nouveau de la grise, dont son petit pas l'avait éloigné.

Merci...

Il allait enfin avoir sa famille près de lui. Celle qu'il avait construite lui-même, de ses propres pattes. Il ne s'inquièterait plus qu'il leur arrive quelque chose en son absence. Il serait toujours là pour la protéger, elle et leurs enfants. Il se permit de lui mordiller l'oreille, qui était juste à portée de crocs. Elle était à lui après tout.