Il y a de ça deux mois environ, des inconnus étaient arrivés dans leur campement. Ils étaient au nombre de quatre : une grande femelle rouge avec des cornes et plusieurs queues ainsi que trois petits. Tous les quatre semblaient redoutables pour les jeux de combat... Djama était partie se cacher en les voyant passer non loin d'elle. Elle les avait observé, surtout les petits. Ils avaient tous des cornes, deux étaient rouges, l'autre noir avec des ailes et ressemblait fort à un loup-dragon. Ils avaient tous plusieurs queues. Deux femelles et un mâle. Plus tard, elle avait entendu le nom Démonia pour les désigner. Il lui sembla avoir déjà entendu ce nom. Papa ou maman avait dû leur évoquer en leur apprenant les rudiments du clan et des gens importants y vivant.

Les jours passèrent et elle les croisa de loin, n'osant pas s'approcher d'eux. Ce sont des inconnus, même s'ils faisaient visiblement parti du clan, alors il fallait d'abord les observer... Ensuite, elle les avait perdus de vu, car il y avait eu cette arrivée massive venant du sud et elle était restée cloîtrée dans la partie montagneuse du campement, non loin de sa tanière. Cela fait maintenant une dizaine de jours après la bataille des éléments et la normale était revenue au sein du clan. Djama en était fort soulagée.

Aujourd’hui, la petite était partie seule de son côté. Irina et Aymeric s'amusaient à voler dans le ciel, ce qui la faisait rager. Sa sœur pouvait voler. Son frère pas encore, mais ça ne saurait tarder. Ils étaient partis s'entraîner au vol, Aymeric en ayant plus besoin qu'Irina, car ne pouvant pour l'instant que planer sur une courte distance ou décoller de quelques centimètres. Bientôt, tous deux pourront voler, alors qu'elle non, jamais. Quand ils faisaient ça tous les deux, elle se retrouvait à terre toute seule et ne pouvait pas les suivre ni continuer de jouer... Elle déteste quand ils la narguent volontairement ou non avec leurs ailes. Alors, après avoir pris un air renfrogné et soufflé des narines, elle s'était retournée et était partie en direction des montagnes.

Voilà une demi-heure au moins qu'elle marchait, courait, sautait, reniflait, écoutait et explorait la montagne. Ce n'était pas celle où une partie du campement y était installée, mais celle d'à côté. Même si elle avait pu y aller une fois, c'était tout nouveau pour elle, car les odeurs ont changé. Soudain, elle vit une forme rouge disparaissant derrière un rocher. Intriguée, elle trottina en cette direction. Lorsqu'elle dépassa sa tête du rocher, elle vit le mâle rouge de dos à elle, au fond d'un cul-de-sac, semblant chercher quelque chose. Djama osa un pas en sa direction, puis deux et trois. Finalement, elle grimpa sur l'amas rocheux formant ce cul-de-sac et continua de s'avancer en le surplombant légèrement. Elle arriva à un mètre de lui et se pencha en tendant son cou pour voir ce qu'il y avait de si attrayant. Seulement, elle se mit trop en avant et glissa. Ses griffes accrochèrent la pierre, elle se retourna afin de ne pas tomber la tête la première. Elle se retrouva allongée contre son rocher et poussa dessus à l'aide de ses pattes arrière pour se remettre. Même si elle pouvait simplement se laisser glisser à ce stade, car elle n'était pas loin du sol... Elle réussit à remonter et tourna la tête vers lui. Sa couverture était complètement grillée. Peut-être que sa vision est basée sur le mouvement ? Si elle ne bouge pas, il ne la verra pas ?...

Je t'ai vue.

Il l'avait vu... Malheureusement, sa vision n'est pas basée sur le mouvement. Elle se frappa mentalement. C'était complètement stupide d'avoir pensé à ça pour se convaincre qu'il ne l'avait pas vu. Forcément qu'elle s'était faite repérer avec le bruit qu'elle avait fais, sans parler du fait qu'elle aurait pu lui tomber dessus ou juste à côté !

Le mâle ne se préoccupa pas plus que ça d'elle et se remit à creuser, commençant à s'enfoncer sérieusement. Il comptait creuser jusqu'où comme ça ? Seul son derrière était apparent. A-t-il un but ou creuse-t-il pour le plaisir de creuser ? Creuser, c'était marrant et elle le comprendrait si c'était juste pour ça. Djama le regardait faire sans rien dire. Elle s'était déplacée pour mieux se positionner par rapport à lui et elle essayait de voir s'il y avait quelque chose d’apparent dans le trou. Soudain, il s'arrêta et tourna de nouveau la tête vers elle. Il la scruta de façon suspicieuse. La terre sur son museau lui donnait un drôle d'air, mais elle n'en rigola pas. Elle se mit sur la défensive et lui renvoya son regard.

Quoi ?

Ils continuèrent de se regarder ainsi. Pendant combien de temps ? Disons, quelques secondes qui parurent bien longues à la louveteau. Elle eut une impulsion et lui bondit dessus. Son but n'était pas de faire mal, donc elle n'usa pas de ses petits crocs pointus.

Pourquoi tu me regardes ? Dit-elle tout en lui donnant quelques coups de pattes sur la tête.

Les coups de pattes ne furent pas là non plus dans le but de faire mal, mais de repousser. Comme une maman félin frappant rapidement la tête de son chaton pour lui dire de cesser. Djama avait malgré tout les oreilles en arrières et le corps en recul. Après trois ou quatre tapes, elle se calma un instant avant d'essayer de s'échapper de ce trou et de la proximité du mâle qui pourrait s’adonner à une représailles.

Alors qu'elle bondissait pour sortir du trou, le mâle, après avoir grogné, lui donna plus d'élan en lui bottant les fesses à l'aide de ses pattes arrière. Il venait de ruer pour la faire sortir lui-même de son trou... N'ayant pas été préparée du tout à ça, son bond eut plus de portée et elle s'écrasa par terre plus loin que prévu.

C'est mon filon ! C'est moi qui l'ai trouvé, t'as pas intérêt à essayer de me le piquer.

Elle se releva en chouinant, s'étant fait mal à la patte en voulant se réceptionner. La douleur sera néanmoins passagère et d'ici quelques instants, elle sera moins vive, puis disparaîtra. Elle s'assit, en restant de côté par rapport à lui. Elle posa doucement sa patte endolorie. Elle tourna le regard vers lui, ses oreilles pivotées vers l'arrière. Cette petite altercation avec lui ne la mettait pas à l'aise, pourtant, elle ne partit pas. Ou plutôt, elle se forçait à rester pour sociabiliser avec un nouveau de son âge. Elle ne pouvait pas tout le temps fuir ces trois nouveaux arrivant, d'autant plus qu'au sein du clan, ils semblaient tout aussi important qu'elle et sa fratrie.

Il se tenait droit et prêt à repousser n'importe qui, tel un garde. En voyant ça, Djama savait qu'elle ne pourrait pas passer... Elle ne pourrait plus fouiner dans le trou, sauf s'il l'accepte. Il parlait de filon, ce qui signifiait qu'il y avait bien quelque chose dans ce trou et il creusait avec un but. Cela éveilla un peu plus sa curiosité.

C'est quoi un filon ? Ça ressemble à fil... T'es en train de déterrer des fils ? Ou des cordes ?

Elle ne voyait pas bien ce qu'il ferait avec du fil ou des cordes, mais si c'était son délire de déterrer ça... À moins qu'il ait piqué ce type de matériel à ceux qui fabriquent des accessoires ou des pièces de tissu. Et dans ce cas, il serait en train de changer sa cachette ! La petite Génésis le regarda de nouveau d'un air méfiant, mais moins prononcé qu’auparavant. Elle devait en savoir un peu plus pour éventuellement rapporter ce qu'elle savait. Seulement, elle se basait juste sur une ressemblance de mot pour l'instant. Si ça se trouve, le mot filon désignait tout autre chose.

Le mâle la regarda avec étonnement. Avait-elle trouvé ce qu'il faisait ? Oh oh, alors il avait piqué des trucs. Seulement, il semblait bien trop serein... Il s'était assis calmement et son poil n'était plus en pointes. Soit il allait bluffer, soit ce n'était pas autant que ce qu'elle croyait. Peut-être que ces fils ou ces cordes étaient simplement à lui. Quant au fait qu'il les cache... Un délire comme un autre. Elle restait tout de même sur l'hypothèse la plus grande et reverrait son jugement après.

C'est une veine d'un matériaux dans la pierre un filon. Moi je cherche du métal. Mais je sais pas lequel c'est pour l'instant. Mais un jour je saurai tous les reconnaître à l'odeur, c'est sur !

En fait, elle fut complètement à côté de la plaque... Elle devait continuer de s’exercer sur ça durant ses aventures et ses traques. C'était l'un de ses jeux favoris à vrai dire. Elle suivait quelqu'un, réellement ou du regard, et faisait des déductions réalistes ou pas sur ce qu'il allait faire ou ce qui se passera. Par exemple, elle pouvait se poser dans un coin et observer un entraînement d'escadron et parier pour elle-même sur le gagnant d'un combat après avoir observé les adversaires.

Le mâle se tenait fièrement. Il venait de lui expliquer le mot filon. Donc c'était une pierre qui renfermait quelque chose, en l’occurrence ici, du métal. Ça, elle savait ce que c'était. Ce n'était pas difficile en même temps, entre ceux qui portent des bijoux faits de ces matières ou les soldats qui possèdent des pièces d'armures comme leur alpha Ware ou récemment, le chef d'armée qui gueule tout le temps. Par contre, elle devait avouer que son flaire était incroyable, car elle était bien incapable de sentir quoique ce soit provenant d'un métal, émanant de ce trou ou dans les environs. Comme tout, les métaux ont une odeur, mais mis à part les sentir quand ils sont à proximité sur quelqu'un, elle ne saurait pas les trouver en profondeur comme lui. Surtout ici avec l'odeur du souffre, des cendres, de la lave et de la pierre chauffante qui émanent des montagnes.

Wouah c'est cool ! Ton flaire est terrible ! T'es né dans les montagnes pour les sentir avec tout ce qu'il y a autour ?

Pour elle, c'était logique qu'il soit né là, ce qui aurait aidé à la performance de sa truffe. Elle ne voyait pas bien où il aurait pu naître et grandir avant de venir au campement. Ils étaient du clan, donc ils ne vivaient pas d'autre part que de chez eux.

Je peux voir à quoi ça ressemble ?

Le mâle se gonfla de fierté face au compliment de la petite louve. Son poitrail s'était bombé et un sourire se peigna sur son visage. La queue de Djama se balançait face à l'incroyable faculté du mâle. Elle était impressionnée. Il lui répondit être né au palais lumineux, car sa mère était juge. Oh, alors son flaire était vraiment puissant de base. Il n'était pas habitué depuis sa naissance à sentir les odeurs des montagnes et à chercher quelque chose ici. Sa mère parut moins inquiétante aux yeux de Djama, maintenant qu'elle sait qu'elle est une religieuse. Les religieuses devaient être plutôt gentilles et respectables. En tout cas, on pouvait leur faire confiance. Il poursuivit en disant aimer les métaux et qu'il en possédait déjà plusieurs différents qu'il énuméra.

Quand elle posa sa question, la fourrure du mâle commença à se dresser et elle soupira clairement en roulant des yeux. Elle en avait marre de cette réaction. Ça ne fonctionnerait plus. Il ne l'intimiderait plus comme ça. Il en faudrait plus qu'une fourrure qui se dresse pour lui faire peur de nouveau. Elle songea à s'en aller, blasée, laissant tomber sa curiosité qu'elle pourrait assouvir plus tard peut-être. En questionnant ses parents notamment. Même si elle préférait largement savoir maintenant. Alors qu'elle pensait avoir un refus, ce fut tout autre. Il accepta.

- Mmmmh.... Bon d'accord, tu peux me regarder creuser, mais t'as pas intérêt à essayer de me le piquer!
- D'accord, d'accord, je le toucherai pas ton truc !

Elle s'assit et le regarda creuser. Maintenant qu'il l'avait appâté, elle voulait voir. Alors qu'il creuse et arrête de flipper pour ce qu'elle ferait ou pas. Il s'était remit au travail et envoyait encore et encore de la terre entre ses pattes. Au bout d'un moment, elle se coucha et continua de le regarder avec moins d'entrain. Elle soupira et commença même à s'y désintéresser. Elle n'avait pas le droit de l'aider et le voir creuser sans pouvoir rien faire, c'était ennuyant... Finalement, elle se leva et commença à creuser un trou de son côté. Ça l'occupera le temps qu'il trouve quelque chose, ou pas.

Djama ne faisait plus attention au mâle derrière elle. Elle était concentrée par son trou et partit comme elle était, elle pourrait creuser encore et encore jusqu'à atteindre un vide de la montagne. Ses pattes s'agitaient frénétiquement, envoyant des mottes de terre toutes les secondes entre ses pattes arrières ou sur les côtés.

Lorsque Thildrill trouva enfin le minerai, il s'exclama. La petite louve arrêta son manège et releva la tête. Il sortit la pierre de son trou et l'invita à venir voir. Elle bondit du petit cratère qu'elle avait et s'ébroua avant de le rejoindre de nouveau.

- Eh machine ! J'en ai découvert un nouveau !
- Djama...

Sa réponse fut instantanée. Elle n'y avait pas réfléchi, donnant son nom naturellement pour corriger son erreur.
Le mâle se tenait droit, fier et le poitrail encore plus bombé que tout à l'heure. Cela le rendait encore plus impression qu'il ne l'était déjà. Elle l'observa un instant, hésitante, mais elle ne décela aussi agressivité dans son regard ou de lueur perçante. Alors, elle s'approcha davantage pour mieux observer la trouvaille. Sous les pellicules de terre et entre les morceaux de roche, elle vit sans mal les parties argentés. Elle renifla d'abord la pierre, son souffle faisant voler un peu de terre, et put ainsi constater l'odeur que Thildrill avait flairé. C'était particulier, mais ce n'était pas dérangeant. Elle mordit un instant la pierre.

On dirait de l'argent, mais ça n'a pas la même odeur... Ni le même goût.

Elle connaissait l'odeur de l'argent, car plusieurs bijoux étaient confectionnés avec et se baladaient dans le campement aux pattes ou aux crinières de leurs propriétaires. Pour ce qui est du goût... Eh bien sa tendance à mordre ou mordiller lui permettait de connaître des goûts que d'autres ne connaissaient peut-être pas. De plus, elle avait déjà chapardé bon nombre de choses à travers le campement à une période de sa croissance. Parfois, cette envie lui reprenait, mais pas ici, car Thildrill avait été très clair sur le sujet. Elle recula de deux pas, posa ses fesses au sol et demanda :

C'est quoi ?

Lorsque Djama renifla, toucha et même mordilla la pierre, elle ne vit pas attention l'air autoritaire de Thildrill. Il était prêt à lui sauter dessus si elle tentait quoique ce soit, mais elle ne fit rien. Heureusement pour elle d'ailleurs, car elle n'aurait eut aucune idée de quoi elle se serait pris. Lorsqu'elle releva les yeux sur lui et qu'elle déclara que ce n'était pas de l'argent, il le confirma. Puisqu'ils ne savaient pas ce que c'était, il donna un nom à sa trouvaille : l'argent Démonia. Elle pencha la tête sur le côté.

Un hurlement d'appel se fit entendre et Thildrill se dressa. Il lui dit devoir y aller et l'invita à une prochaine séance de recherche. Face à la proposition, Djama dressa les oreilles et secoua vivement la tête, sa queue remua même. C'était un exercice qui lui plaisait. Même si elle ne trouverait rien d'elle-même comme lui, au moins, elle pourra creuser ! Le mâle partit en emportant son argent Démonia. Elle resta sur place un moment, redevenue neutre, le regardant partir. Elle se rendit compte qu'elle ne connaissait pas son nom, mais il était trop tard pour le lui demander. Tant pis, elle le saura la prochaine fois qu'ils se verront.