Un évènement inédit dans l'Histoire : une fusion. Enfin, peut-être pas si inédit que ça puisque les Feux et les Airs l'ont fait un mois plus tôt. Mais inédit dans l'Histoire des Terres et Eaux en tout cas. À moins que ça ait déjà été fait par le passé, mais que cet évènement passager s'est perdu dans les mémoires au fil des générations... Quoiqu'il en soit, Widys était impatiente.

Environ 6 mois plus tôt, une rumeur au sein des cavernes avait circulé. Gaor était entré dans les plantes mouvantes, puis dans le campement et avait poursuivit sa route jusqu'à l'antre de Karara en envoyant balader les gardes. La jolie oshur ne fut pas là à ce moment, occupée quelque part dans les plantes mouvantes, aux abords du fleuve Hibiscus. Lorsqu'elle était rentrée le soir, elle avait eu connaissance de sa venue, puisque les cavernes n'arrêtaient pas d'en parler. Elle avait voulu le voir, mais elle savait très bien qu'elle ne pouvait pas. Gaor devait probablement être avec les dirigeants du clan et il repartirait sans doute le lendemain. Donc, une fois de plus, l'espoir de le revoir était mort. Elle avait toutefois guetté son départ. Elle l'avait aperçu de loin, quittant le campement. Elle avait tout de suite remarqué sa silhouette changée : une patte en moins et une queue très courte. Ca l’avait surpris et son cœur s’était serré. Elle aurait pu le rattraper, mais elle ne le fit pas. L'alpha de l'Eau était probablement surveillé autant par les cavernes que par les gardes en général, mais surtout les cavernes. Alors, si elle y allait, Yogrenn ne serait pas content et elle n'avait pas envie de s'attirer les foudres du chef de leur race. D’après les dires, il était déjà assez énervé de savoir son fils ici, alors il ne fallait pas entretenir cette colère. Léone avait fait une annonce, quelque temps après son départ. Elle pourrait le voir bientôt. Il fallait qu'elle attende. Quand les Eaux viendront chez eux, elle pourra aller le voir librement et sans risque. Yogrenn ne pourra pas la punir pour ça, car non seulement son fils fera partit de nouveau du clan, mais en plus, il sera l'un des alphas, donc au-dessus de son père ! Depuis, Widys attendait ce jour tant attendu.
----------
Dix jours sont passés depuis la fusion. La jolie oshur n'avait évidemment pas pu sauter sur Gaor dès l'arrivée des Eaux, ni le lendemain, ni le surlendemain. La gérance du nouveau clan est trop occupée et puis même, le clan en général est trop occupé. Il fallait mettre en place les derniers détails et les choses qui devaient être faites sur le tas avec tout le monde. Widys fut aussi occupée, comme tous. Avec les autres médecins issus de la Terre, elle devait enseigner les choses de bases de la flore à ceux issus de l'Eau. Il fallait bien que les médecins étrangers sachent qu'elles sont les plantes utiles et dangereuses de ces nouveaux territoires pour eux. Ainsi, les médecins passaient toutes leurs journées ensemble, formant des groupes pour apprendre.

Les deux médecins avec Widys, ou plutôt, qui devaient se coltiner Widys, furent assez décontenancés par elle le premier jour. Et le second. Et un peu le troisième aussi. Il faut dire que la femelle est... Trop enthousiaste. Pouvoir transmettre ses connaissances à d'autres la mettait en joie. Elle pouvait parler, parler et encore parler de ses études et de ses observations à des personnes de son domaine qui l'écoutent. En même temps, ils n'avaient pas le choix. Néanmoins, bien que la première et la seconde journée les aient épuisés à cause du flot de paroles de leur "enseignante", ils s'y étaient habitués. Ils échangeaient et il faut dire que ce que disait Widys est intéressant et sujet à débat. Bien qu'elle puisse déjà échanger sur ses observations avec ses confrères, en avoir des nouveaux qui ne connaissent pas les environs, c'est d'autant mieux et ça apporte de nouvelles visions ! La médecin caverne était bien avec eux et les deux "élèves" avaient réussi à dompter le rythme fou de leur nouvelle consœur. Gaor était même sortit des pensées de la femelle.
Avec l'hyperactivité de la louve, ils avaient beaucoup avancé sur l'étude d'environnement, comparé à d'autres. Seulement, contrairement aux autres, ils n'ont toujours pas fait de pratique. Néanmoins, vu qu'ils ont de solides bases à présent, ils allaient pouvoir la commencer. Widys avait refusé jusque-là qu'ils touchent à quoique ce soit, elle leur avait juste montré un peu comment cueillir ou récolter certaines choses. Maintenant, ça allait être à eux. Ils avaient toutes les données, sur une multitude de plantes, mais aussi de petits animaux, pour les appliquer.

Aujourd'hui, milieu d'après-midi, pause pour elle et les deux médecins. Elle leur laissait une heure pour décompresser avant de repartir. Cela faisait deux heures qu'ils étaient ensemble dans les plantes mouvantes à récolter des ingrédients pour les stocks. Les stocks des différents médecins avaient été engloutis par les anciens, mais aussi par des membres malades. Ce qui était étrange, c’est que ces individus malades avaient contracté différentes maladies, dont certaines contagieuses comme le simple rhume. Pour ce qui est du rhume, ça peut s’expliquer par ceux qui sont sensibles au pollen. Bref, le clan a besoin de soin. Pendant cette pause, Gaor lui revint en tête d'un coup. Elle se redressa en vitesse et partit à sa recherche dans le campement. Comment a-t-elle pu l'oublier pendant tout ce temps ? Elle ne s’était même pas renseignée sur où était sa tanière.

Elle décida de se diriger vers le nouveau "quartier" où les loups de l'Eau avaient élu domicile. Un réseau souterrain situé à la partie haute du campement s'était créé pour eux. Après une dizaine de mètres, elle continua son chemin, truffe au sol, reniflant les odeurs. Il y avait de nouvelles odeurs partout et pour cause, bon nombre d'anciens Eaux sont passés là. Il faudra du temps pour que les deux clans portent la même odeur. Elle essaya de distinguer des individus avec qui elle avait déjà interagi plusieurs fois, mais elle n'arrivait pas à les sentir précisément : tous se mélangeaient et ils étaient encore relativement inconnus niveau olfactif. Lorsqu'elle leva le museau, elle le vit. Il était couché devant une tanière. La sienne sans aucun doute, sinon pourquoi se serait-il posé là ?

GAOR ! Se mit-elle à hurler en le voyant, pour l'interpeller.

Puis, elle se mit à courir à toute vitesse avec un grand sourire pour terminer sa course en se jetant sur lui de tout son poids, ses pattes avant passant de part et d'autre de son cou. Elle bougea dans tous les sens, se frottant à lui et couinant joyeusement. Sa queue bougeait tellement énergiquement, que même son arrière-train se trémoussé. Elle lui lécha plusieurs fois le museau à grand coup de langue.

Je suis tellement, tellement, TELLEMENT contente qu'on soit de nouveau ensemble !

Elle arrêta de bouger d'un coup, se figeant. Néanmoins, cela n'était qu'un petit répit, car la bombe n'avait pas totalement explosé. Widys ne mit pas longtemps à repartir. D'abord, une nouvelle lueur d’excitation passa dans ses yeux. L'une de ses pattes arrière se mit à frapper le sol plusieurs fois, puis elle fit un bon en arrière pour se dégager de Gaor. Elle se mit à piétiner le sol et à se dandiner, dansant.

Widys, Widys ! Calme toi, laisse-moi me lever !

C'est à ce moment-là qu'elle avait arrêté de bouger, agréablement surprise d'entendre sa voix. Mais elle avait repris de plus belle, faisant son cirque éloignée de lui de deux mètres. Cependant, Gaor se leva avec difficulté et en voyant cela, la jolie caverne qui cessa peu à peu de bouger et finit par se calmer complètement. Pour l'instant. Il se mit en marche et elle le suivit sans rien dire, restant derrière lui et le regardant.

Avait-elle fait une bêtise en se jetant sur lui pour l’accueillir ? Il a beaucoup changé en terme de physique et caractériellement parlant, c'est peut-être aussi le cas. Avec son apparence de vétéran, il renvoyait une impression plus brute et plus militaire. Est-ce qu'elle allait se faire gronder ? Ses oreilles partirent en arrière et sa queue se plaqua contre ses postérieurs en pensant à cela. Non, elle ne voulait pas ! Elle voulait lui sauter dessus pour qu'ils roulent sur une colline Nivéus. Elle voulait le pousser dans l'eau. Elle voulait le faire courir après elle. Tout ça, comme avant qu'il ne parte. Mais maintenant, ça semblait impossible... Il boitait quand il marchait : il avait mal. Est-ce qu'il voyait bien avec un seul œil ? Est-ce qu'il arrivait à bien s'équilibrer malgré sa queue complètement disparue ? Pouvait-il encore courir d'ailleurs ? Son cœur se serra et elle retient un gémissement.

Widys...

Ses oreilles s'étaient redressées ainsi que toute sa posture. Il s'était arrêté sans qu'elle n'y fasse attention. Maintenant, son museau était enfouit dans la fourrure de son cou. Son cœur se réchauffa et elle frotta à son tour sa tête contre lui.

Gaor...

Il ne l'avait pas grondé, c'était bon signe ! Elle lui lécha une oreille plusieurs fois avant de continuer :

Est-ce qu'il y a encore des choses à régler ou on va pouvoir se retrouver ?

Elle le regarda plein d'espoir et en souriant. Peut-être qu'elle pourrait rester avec lui à partir de maintenant ? Elle viendrait lui rendre visite et l'aiderait à aller mieux. Elle était médecin, elle pouvait tout à fait gérer la santé de l'un des alphas. Bien que son côté excentrique puisse faire peur ou dissuader, c'est Gaor, alors il lui fera confiance pour ça. Ils pourraient passer des moments ensemble quand ils sont tous les deux en repos. Elle pourrait se balader avec lui dans les plantes et peut-être qu'il viendrait ramasser des herbes avec elle quand son emploi du temps le lui permet.

Widys... En tant qu'alpha j'aurai toujours des choses à régler...

Les pensées excitées de la caverne se calmèrent à ces paroles. Oui, bien sûr. Elle avait été bête sur le coup en pensant qu'il n'y avait plus rien à faire. Ils ont grandi, ils ont chacun leurs responsabilités et Gaor en a bien plus qu'elle. Et des plus compliquées. Ce ne sera plus comme avant.
Son nouvel alpha parla de nouveau, lui disant qu'il serait heureux qu'elle passe le voir durant ses temps libres. Pour la rassurer, il ajouta que Yogrenn ne pourra rien lui faire.

Hi hi, je sais ! Comme tu es l'alpha, il ne peut rien me faire si je viens te voir ! J'en ai conscience depuis le jour où Léone nous a fait l'annonce de la fusion.

Elle lui fit un clin d’œil. Ça oui, elle en avait bien conscience et elle comptait en profiter au maximum pour aller le voir autant de fois qu'elle le pouvait et que Gaor était disponible.

Dis moi... Tu te soignes bien ? Tu es affreux ! Tu ne prend pas soin de toi, n'est-ce pas ?

Elle s'était reculée et lui lança un regard accusateur. Elle commença à lui tourner autour, regardant la moindre blessure. Son œil borgne et sa grande marque de griffures qui l'accompagnait, étaient propres et bien cicatrisées. Sa patte était bien cicatrisée aussi et pour cause, elle avait été cautérisée. Certaines cicatrices étaient boursoufflées, notamment le moignon de sa queue qui était la chose la moins soignée du lot. Elle lui donna un coup de patte sur le postérieur pour le punir, pas fort non plus, mais pour le faire réagir.

C'est quoi ça ? C'est du travail de cochon ! Qui t'as fais ça ? Son poste de médecin devrait lui être enlevé s'il soigne tous ses patients comme ça !

Elle afficha un air incrédule lorsqu'il lui répondit que ça avait guéri tout seul. De ce qu'elle avait compris, il n'était même pas aller voir un seul médecin. Mais c'était aussi aux médecins d'insister quand ils voyaient une telle blessure.

Tu appelles ça guéri ?

Elle laissa un moment de silence, durant lequel elle continua de le regarder de cette même façon. Elle leva les yeux au ciel face à cette négligence.

Avec moi, menace ou pas, tu serais passé dans la tanière ! Tu as de la chance que ça ne se soit pas infecté... Un alpha avec les fesses qui puent, la crédibilité serait morte !

Elle aurait presque rie en disant sa dernière phrase, mais elle se retient. Bien que la vision d'un Gaor fuit par les autres comme s'il était d'une moufette, ça avait quelque chose d'hilarant. Enfin, c'était et ça restait désespérant. Sa logique était quelque peu biaisée pour elle. En tant qu'alpha, il se devait d'être le mieux portant et se soigner pour montrer l'exemple. Il devait rester le plus fort. Un alpha mal en point, ça attire trop les convoitises et ça donne envie à certains de le déloger de son poste.

Maintenant que la fusion a eut lieu et que les gros trucs sont réglés, tu veux bien te faire soigner ?

Son regard était insistant et ses yeux doux. Elle afficha une moue craquante, pour qu'il craque et accepte de se faire toucher. Elle avait bien vu la réaction qu'il avait eut quand elle avait donné un petit coup à la hanche. Il avait dévoilé ses crocs en un avertissement. De toute manière, elle était convaincue qu'il ne lui ferait pas de mal.

Sérieusement... Il le faut ! De toute manière, si tu refuses, je te soignerai de force. La vision de cette chose va me hanter...

Grâce à son pouvoir, elle avait de la ressource. Elle pourrait partir, revenir, le toucher et pouf : tout flagada voir même endormie. Elle pourrait aussi lui souffler une drogue douce pour le rendre plus conciliant. Des états parfaits pour le soigner sans qu'il ne proteste ou que ses protestations ne soient que des paroles en l'air.

Quand elle mentionna le fait de le soigner, ses oreilles partirent en arrière et il dévoila de nouveau les crocs. Il avait peur. Peur d'avoir mal probablement. Ce qui n'est pas étonnant en soit vu l'apparence de la chose. Il doit avoir mal même en cet instant et n'en parlons pas quand il s’assoit. Peut-il encore s'asseoir au moins sans devoir se relever à cause de la douleur ? En tout cas, elle n'aimait pas qu'il montre ses crocs comme ça. Cette fois non plus, elle ne fit pas la remarque, mais continua en insistant. Il répondit simplement :

Je ne peux pas.

Et sur ces paroles, il lui tourna le dos et commença à partir. Attend, il allait la laisser en plan comme ça après un simple "je ne peux pas". Non mais, n'importe quoi, comme s'il croyait qu'elle allait en resté là, que ça allait fonctionner. Avait-il oublié sa manie à s'obstiner ? Visiblement. Cette petite surprise passée, elle fronça des sourcils puis enjamba la poignée de mètres qu'il venait de faire. Elle se planta devant lui, lui barrant la route. Elle se trouvait à quelques centimètres de lui, elle avança même le museau, faisant presque se toucher leurs truffes :

Tu ne peux pas ? Si tu as peur d'avoir trop mal, il suffit que je te tranquillise ou que je t'endorme... Elle lui fit un doux sourire, recula la tête et poursuivit : Allez, fait pas ta chochotte ! J'ai de l'expérience, je ferai ça très bien et tu ne sentiras rien.

Elle sourit derechef en affichant cette fois un air fier, se redressant même un peu pour s'ajouter un air faussement vantard. Mis à part ça, elle était déterminée à le soigner. Comme elle le lui avait dis, cette chose allait la hanter. Comme un bouton que l'on veut percer ou une croute que l'on veut enlever, elle en gardera les yeux rivés dessus ou ses pensées ne seront dirigées que sur ça. Ce, jusqu'à ce qu'elle le soigne ou que quelqu'un d'autre le fasse à la rigueur. Même si elle veut absolument le faire, elle en a à présent le besoin. Maintenant qu'elle a vu, elle ne pourra pas faire abstraction. D'ailleurs ses pattes se crispèrent tandis que son regard avait filé derrière l'épaule de Gaor. Elle ne voyait pas l'arrière-train, mais elle l'imaginait très clairement.

TAIS TOI !

Sa voix s'était fait forte. Il avait crié d'un coup. Widys avait violemment sursauté, ne s'y attendant pas. Elle recula en suivant de plusieurs mètres, les oreilles aplatit et sa queue se mettant aussitôt entre ses pattes. Les babines pincées, elle n'osait plus rien dire. Pourquoi lui crier dessus comme ça ? Elle avait trop insisté, mais se mettre dans un état pareil pour une blessure... Elle ne comprenait pas.

Tu ne comprends pas.... Personne ne peut comprendre, vous n'étiez pas là.

Sa voix s'était radoucit, mais Widys entendait encore l'écho de sa colère. Pourquoi tu ne m'en parles pas alors ? Eut-elle envie de prononcer, mais elle ne le fit pas. Elle se mura dans un silence, n'osant plus rien prononcer. Si elle le faisait, elle avait peur qu'il s'énerve encore. Elle ne voulait pas qu'il se mette de nouveau à lui hurler dessus. Ce n'était absolument pas l’accueil qu'elle espérait... C'était même très loin de ce qu'elle s'imaginait.

Je n'ai pas peur d'avoir mal, j'ai peur de n'avoir plus mal.

Sur ces mots, il reprit son avancée. Cette fois-ci, elle ne lui barra pas la route, elle se poussa même de plusieurs mètres quand il arriva sur elle. Elle ne le regarda même pas, ayant gardé sa position de peur. A présent de dos à dos, elle resta sur place tandis qu'il continua d'avancer vers chez lui. Elle ne savait pas quoi faire, elle était figée. Devait-elle partir ou rester là ? Dire quelque chose ou simplement rester dans le silence ? Après beaucoup d'hésitation, elle tourna un peu le museau pour qu'il puisse entendre distinctement ce qu'elle avait à dire. Sans jamais le regarder, ni se retourner, elle répondit, d'abord peu sûre d'elle.

C'est stupide... Tu... Tu punis ton corps de ce qui est arrivé au camp de l'Eau, mais ce n'est pas en te détruisant que tu arriveras à sauver ton clan ! Au contraire en faisant ça, tu les prives d'un alpha et tu les envois à leurs pertes, sans leader. Enfin, s'ils ne sont pas stupides, ils trouveront quelqu'un d'autre avant d'en arriver là... Tes bêtas le feront à ta place.

Le cœur serré, elle partit ensuite en courant, partant le plus loin possible de lui. Maintenant, elle regrettait d'avoir été le voir. Peut-être aurait-elle mieux fait de ne pas avoir cette illumination. Elle aurait dû continuer d'avoir les pensées rivées sur son travail et ses apprentis. Ses yeux se firent humides et en franchissant les plantes mouvantes, elle s'arrêta, ne voyant plus rien à cause de ses larmes.

Gaor l'avait rejeté... C'était un fait. Il lui avait ordonné de se taire, puis il était parti de nouveau, pour de bons. Elle lui avait barré la route, ne voyant pas les signes du rejet, il avait fallu qu'il se mette à hurler pour qu'elle comprenne. Heureusement, il ne lui avait rien dis d'atroce à son égard, sinon son petit cœur tout guilleret de le revoir enfin n’aurait pas survécu et se serrait brisé en petits morceaux. Peut-être qu'il avait juste besoin de temps ? Du temps pour se mettre à l'idée que ça y est, il est de nouveau chez les Terres et que son clan a une sécurité supplémentaire. Du temps pour s'habituer à tout ça, le chamboulement de la fusion. Il faut aussi dire, qu'avec Yogrenn, Bosco et les autres cavernes du côté du chef, ça n'aide pas. Il y a des tensions dans l'air aussi bien vis-à-vis de Gaor et une partie des cavernes, qu'entre ex-Terres et ex-Eaux.

Pleurant toujours, elle essaya de calmer ses larmes. Ses joues étaient humides et barrées d'un sillon caractéristique du passage de ces goutes salées. Elle se lécha le museau, se passa une patte sur le visage. Il était tant de repartir. Elle se leva et renifla. Elle fixa un point devant elle, dans cette jungle. Le travail lui changera les idées. Elle devait simplement se concentrer sur quelque chose, comme elle savait si bien le faire. Mais se concentrer sur quoi ? Elle n'en avait aucune idée... Ses pensées étaient toutes tournées vers Gaor, son refus qu'elle l'aide, sa fuite et son ordre hurlé.
Une masse tomba à côté d'elle, elle sursauta et fit un pas de côté par la même occasion.

Widys... Aide moi...

Elle ne l'avait même pas entendu arriver. Dans un premier temps, son cœur se réchauffa et un léger sourire naquit en voyant qu'il était là. Il n'était pas rentré chez lui, il était venu la rattraper. Néanmoins, la réalité revient très vite en voyant son état. Il pleurait. Même quand ils étaient petits, c'était plutôt inhabituel. La faute à Yogrenn qui l'avait endurcit pour qu'il ne pleure plus. Il s'était déjà relâché de cette façon en privé avec elle, mais ce fut tout de même peu. Ce fait lui pinça le cœur, ça l'attristait de le voir comme ça. Comment devait-elle réagir ? Il lui demandait son aide, mais elle avait voulu le guérir et il l'avait rejeté.
Elle se s'assit et tourna la tête à l'opposé. D'une petite voix, elle répondit :

Pourquoi je t'aiderai alors que tu m'as rejeté ?

Elle garda la tête tournée pour ne pas qu'il voit ses yeux de nouveau s'embuer. Elle résista pour ne pas que ses larmes coulent. Néanmoins, elle se sentait mal de lui avoir dit ça, de le rejeter à son tour. Bien qu'elle ne le fasse pas totalement, car c'était simplement pour le punir de son comportement tantôt. Elle couina, prit une grande respiration avant de craquer. Elle se retourna et fondit au sol contre lui.

Elle s'installa convenablement contre lui. Il était tous deux couchés, l'un contre l'autre. Gaor se réfugia dans son cou. Widys en profita pour faire de même. Son poil est rêche, montrant une fois de plus qu'il ne prenait pas soin de lui, mais aussi qu'il est mal en point tout simplement. Elle ferma les yeux et elle respira pleinement son odeur. Il y avait cette odeur qui indiquait qu'il était du clan de l'Eau. Une odeur iodée, pas aussi fort que la mer, due probablement à la caverne sous-marine qui abritait il y a ça peu de temps leur campement. Les deux clans mettront du temps avant que leurs odeurs caractéristiques claniques ne se mêlent pour en créer une nouvelle les rassemblant.
Les larmes de Widys avait arrêté de couler. Maintenant qu'elle était tout contre lui, qu'il ne l'avait finalement pas rejeté, elle n'avait plus de raison de pleurer. Elle était même bien rassurée sur ce point.

Je suis un idiot qui éloigne les gens qu'il aime de lui pour les protéger... Ne me laisse pas t'éloigner Widys.

Les gens. Il y en avait d'autres ? Assurément. Après tout, cela fait au moins trois ans qu'ils ne se sont pas vu. Il a eut le temps de rencontrer et de s'attacher à des personnes. De plus, sa position d'alpha signifie bien qu'il est parfaitement intégré au clan et aimé. Sinon, il ne le serait pas. Avec son physique et sa santé, quelqu'un peut le destituer de son rôle bien vite.

Je te garderai prisonnier de ma tanière s'il le faut.

Bien que cela soit une blague, en sachant qu'il s'agit de Widys, on peut se dire qu'elle parle sérieusement. Après tout, peut-être qu'elle en serait vraiment capable... Elle redressa la tête et avant de parler, elle lui donna quelques coups de langue sur le visage.

Et si tu me racontais tout ce qu'il s'est passé ? Que je sache.

Maintenant qu'il était revenu vers elle, elle espérait pouvoir savoir. Mais si ce n'était pas aujourd'hui, ce serait un autre jour. Tôt ou tard, elle saura.

Je ne serai pas contre le fait que tu t'enfermes dans ma tanière avec moi. Depuis que Lagherta est partie, elle me parait bien vide.

Lagherta ? C'est qui celle-là ? Widys avait perdu instantanément son sourire. Si au départ le fait que Gaor continue sur cette lancée aurait pu la faire rire, la mention de cette louve l'avait refroidit. Celle-ci est partie. Elle l'avait quitté. Cette personne fut-elle sa compagne un temps ? Est-ce qu'il avait des enfants ? Ce ne serait pas si étonnant que ça... Après tout, depuis le temps, chacun a pu faire son chemin. Enfin, elle, elle ne s'était jamais montrée intéressée par quelqu'un. Certains semblèrent intéressés par elle, et même un peu insistant, mais ils n'étaient pas assez proche pour accaparer l'esprit tête en l'air de la médecin. Il y en avait quelques-uns qu'elle trouvait beau, mais personne n'était lui. Le seul mâle qui avait su rester dans son esprit fut Gaor.

Widys ? Est-ce que Yogrenn a....

Il s'arrêta dans sa phrase. Qu'est-ce qu'il voulait lui demander en rapport avec Yogrenn ? Elle le regarda en patientant, mais la suite ne vint pas. Alors, elle reprit la parole. Néanmoins, il ne voulait toujours pas dire ce qui le tourmentait. Ce qu'il s'est passé au camp de l'Eau fut un réel traumatisme pour lui. Elle ne devait plus évoquer ça, ne plus jamais lui poser la question. Elle n'insista pas. Elle n'avait aucune envie de se faire de nouveau crier dessus. Par contre, il y avait une chose qu'elle avait bien l'intention de savoir :

C'est qui cette Lagherta ?

Elle n'avait pas pu s'empêcher de le dire sur un ton quelque peu méprisant. Elle ne pouvait pas en vouloir à Gaor de s'être mis avec quelqu'un. Seulement, la perspective qu'il ait fondé une famille l'agaçait fortement. Sa queue s'était mise à tapoter nerveusement le sol et ses oreilles pointées vers l'arrière. Elle l'avait toujours attendu, se refusant de céder ses sentiments à un autre. Alors s'il avait donné son cœur à une autre, ce n'était plus la peine qu'elle attende... Elle avait failli être plus qu'ami avec un messager, mais elle s'était reprise avant. Déjà, parce qu'il n'était pas un Yten ni un Oshur, donc ça aurait viré au drame avec Yogrenn comme dirigeant, mais aussi parce que... Elle ne pouvait pas. Une part d'elle vivant dans le passé l'avait fait reculer.

Face à la question, Gaor se mit à rire. Monsieur trouvait ça drôle ? Elle allait lui faire passer l'envie de rire si la réponse ne lui plaît pas.

- Lagherta est ma fille adoptive, j'ai toujours beaucoup aimé les louveteaux, j'en ai pris plusieurs sous mon aile : Chancelier qui a disparu peu de temps après avoir rejoint le clan, Toka, Snowflake qui sont adultes depuis plus d'un an et demi. Lagherta est la dernière que j'ai recueillie, tu aurais vu l'état dans lequel ses parents biologiques l'avait laissée... Elle est tout juste adulte maintenant et elle a pris sa propre tanière en arrivant ici.
- Il faudrait qu'on se rencontre, Lagherta et moi. Ainsi que les deux autres.

Il semblerait que Toka et Snowflake soient moins important pour Gaor que cette femelle. Il semblait avoir vécu bien plus de choses avec sa fille adoptive qu'avec les deux autres. Chancelier, un nom qui sonne noble, mais sans en avoir l'origine. C'est ce qu'elle conclut. Il semblait être un vagabond, puisqu'il était parti peu de temps après avoir été recueilli. Sur les quatre, c'est visiblement Lagherta qui héritera de plus de choses. S'il y a des choses à hériter à la fin. Le clan considère-t-il Lagherta comme la véritable fille et première descendance de leur alpha, bien qu'elle n'en soit pas de sang ? Elle n'avait pas entendu parlé d'elle jusqu'à maintenant. Remarque, Widys est plutôt occupée avec ses deux confrères Eaux. D'ordinaire, elle n'écoute pas trop ce qui se passe, alors quand elle est bloquée sur quelque chose, elle en a encore moins connaissance.

Alors comme ça, Gaor aime beaucoup les louveteaux. La bonne humeur lui reprit de plus belle. Maintenant qu'elle sait que Lagherta n'est pas une ex-compagne, mais sa fille, ça l'avait rassuré. Puis, Gaor venait de lui dire qu'il aime les louveteaux, mais il n'avait mentionné que des adoptés. Cela voulait dire, qu'il n'en avait pas engendré ? Le cœur gonflé d'espoir, elle lui demanda.

Alors... Pas de descendants biologiques ?

Elle s'imagina, habitant la même tanière que lui avec des petits, dont il est le père, contre son ventre, tétant avec avidité. Dans le temps, elle s'était déjà imaginé cette scène. Elle aurait voulu franchir ce cap avec lui, quand ils étaient ensemble il y a trois ans, mais il lui avait annoncé son départ avant qu'elle ne puisse lui dire qu'elle voulait des petits avec lui. Alors, elle s'était ravisée en voyant qu'il était résolu à quitter la Terre. Ça lui avait fait de la peine, elle ne s'en était pas cachée. Pour Gaor, elle avait juste était triste parce qu'ils se quittaient, mais ça avait été plus que ça... Maintenant, il est là, alors ce projet pouvait revenir.

Non pas de descendance biologique, à mon grand regret. Élever des louveteaux a été une des expériences positives de ma vie, mais pouvoir les élever avec ma louve ça, je l'envie à beaucoup de gens.

Pas de descendants biologiques, en voilà une bonne chose ! Widys se dit qu'elle avait encore toutes ses chances ! Il aimait élever des louveteaux, ça ne fait aucun doute. Il aurait dû essayer d'être nourrice. Bien qu'il soit mâle, peut-être qu'ils auraient fais une exception en voyant comment il s'était débrouillé avec trois adoptés. Il voulait à présent élever ses propres petits, avec sa louve. Un désir que la jolie caverne partageait. Néanmoins, est-ce le bon moment pour passer le cap ? Ils viennent de se retrouver, ils doivent réapprendre à partager leur vie, reprendre leurs marques l'un avec l'autre et...

- Widys ? Viens vivre avec moi.
- OUI ! Dit-elle avec beaucoup trop d’enthousiasme, ayant probablement endommagé l'ouïe de Gaor pour un instant. Elle avait répondu spontanément. Sa réponse venait du cœur, il n'y a pas de doute. Elle se racla la gorge et reprit plus normalement : Heu je veux dire, oui bien sûr, j'en serai vraiment ravie !

Un grand sourire illuminait son visage tandis qu'à l'arrière, sa queue frappait joyeusement le sol. Elle lui fit des léchouilles sur le front avant de frotter sa tête à la sienne. Leur petite altercation tout à l'heure n'était plus que du passé et semblait bien lointaine. Ils s'étaient retrouvés et dans la même journée, ils ont décidé d'emménager ensemble. Rien ne pouvait lui faire plus plaisir ! Cette journée était parfaite !
Soudain, elle eut un petit rire et releva la tête.

Est-ce que ça veut dire que je suis une alpha second ?

Ce titre, elle n'en avait que faire. Elle ne comptait pas l'utiliser. De toute façon, elle n'était pas faite pour diriger. Seulement, la perspective de l'avoir l'amusait. Yogrenn ne pourrait définitivement plus rien lui faire. Après tout, elle est en couple avec l'un des alphas à présent. Elle se raidit un peu. Par cette question, elle venait de mettre le traîneau avant les chiens. Elle venait d'insinuer qu'ils sont en couple. Or, il ne lui avait proposé que de vivre avec lui. Elle venait de sauter une étape et d'indirectement avouer quelque chose. Bon, lorsqu'ils étaient "petits", c'était évident que Widys en pinçait pour lui. Mais avec le temps qui est passé, peut-être qu'elle n'a plus de chance avec lui.

Les petits câlins leur faisaient du bien à eux deux. Elle sentait le mâle se détendre contre elle. Néanmoins, lorsqu'elle lui posa sa question, il la regarda incertain. Ne sachant sans doute pas comment prendre la question.

Je ne crois pas pouvoir te donner ce rang, la situation est déjà suffisamment complexe avec Karara... Je peux simplement te promettre qu'en tant que ma compagne, le premier qui osera te faire du mal aura affaire à moi.

Au départ, Widys pensa que Gaor n'avait pas compris l'allusion. Quelque part, tant mieux. Elle n'était pas sûre de pouvoir lui dire maintenant ce qu'elle ressentait à son égard. Il répondit sérieusement à la question de la caverne oshur. Puis, il prononça le mot compagne. En tant que ma compagne : Ce bout de phrase lui procura un fourmillement et son cœur se gonfla. Ses hormones se déchaînèrent et à l'intérieur un cri hystérique retentissait. A l'extérieur, elle s’efforçait de rester normale. Seul un grand sourire et ses yeux pétillants pouvaient donner une indication sur son état. Ainsi que sa queue continuant de tapait le sol.

Gaor ! Je... Je t'aime !

Ça y est, elle l'avait dit. De toute manière, elle n'avait plus rien à perdre, puisqu'il l'avait désigné comme sa compagne.