Annoncer un décès n’était jamais simple, surtout pour moi qui prônais vie et douceur. Je savais de source sur que les deux proches de l’individu n’avait pas toujours la conscience tranquille, en particulier la femelle. Mais le compagnon, enfin, si leur amour était toujours d’actualité, n’était pas mieux lotit. De plus, l’absence du loup noir était notable au campement, son père l’avait fait cherché sans succès, et la rumeur de son absence avait sans doute dû parvenir aux oreilles du dragon. Secouant mon pelage, je soufflais avant de sortir de l’ombre et de chercher le rosé du regard.

Il n’était pas présent dans le campement, bien, alors cherchons encore un peu. J’avais déjà enterré son compagnon, ça faisait plusieurs jours qu’il était mort quand je l’avais trouvé. Mais j’avais gardé une chose que je voulais donner au dragon. Il s’agissait du foulard et des plumes qui ornais le sombre. Je les avais mis dans ma sacoche en peau de daim pour les confier à son amant, histoire qu’il ai encore quelque chose de son compagnon. J’espérais ne pas le ramasser en petits morceaux, ni même le retrouver parmi mes patients. Avec le jugement de son meilleur ami, le mâle ne devait sans doute pas avoir l’esprit en paix.

Arrivant finalement face aux murs imposants de l’arène, je mis les oreilles en arrière. Voilà un lieu parfait pour un combat entre l’horreur du destin et la dureté de la vie. Mais je n’avais pas envie d’annoncer ça aux proches du mâle et je fis un pas en arrière en baissant les oreilles. J’étais moi-même très touché par sa disparition, et j’avais pleuré en voyant son corps inerte.

Prenant mon courage à deux pattes, j’entrais dans la grande arène, y trouvant le dragon en train de s’entraîner. Mon arrivée silencieuse et tranquille n’avait pas dû être remarquée par le loup. Je me redressais alors et prit une grande inspiration, me raclant la gorge avant de fixer l’individu.


Ma voix avait résonné dans l’enceinte des lieux et cela m’avait surpris. J’avais même sursauté, ne m’attendant pas à un tel écho. Soufflant longuement, j’attendais qu’il me rejoigne alors que le stress monté en moi. Comment lui dire ? Comment lui annoncer une telle chose ? Je ne savais même pas qui avait fait ça… Reymsa était vide de son sang comme un raisin sec, et il avait la carotide à l’air… Le spectacle m’avait dégouté, et ça m’avais demandé énormément de force mentale pour m’occuper de lui faire une sépulture digne de lui. Mais comment pouvais-je annoncer sa mort à Pleione ? Je lançais un regard timide au mâle, les oreilles à l’horizontal, signe de mon mal être.

Je n’avais pas du tout envie de parler, l’idée même d’être aphone me parut fort plaisante à cet instant même. Je ne pouvais pas dire cela à Pleione, comment pouvais-je être le bourreau de ses illusions et du retour qu’il espérait tant ? Mes oreilles à l’horizontale, j’observais le mâle, l’œil inquiet, me préparant à la pire des réactions. J’étais prêt à le ramasser s’il le fallait. Je pris une inspiration, inclinait la tête, et fit glisser ma sacoche en peau à terre en reculant. Une fois reculé je m’assis calmement et observais le mâle, l’air grave.

Je lui mis une patte sur l’épaule alors que la tension montait en moi et que mon cœur se serrait de peine et d’inquiétude. Il fallait qu’il soit fort, et moi aussi par la même occasion. Il ne fallait pas que je me laisse atteindre par sa peine ou sa douleur car je risquais de finir par déprimer sec entre lui et Imryu. Je secouais la tête


Je retirais ma patte de son épaule et ouvrit ma sacoche, la poussant un peu pour que les plumes de Reymsa et son foulard en sorte. Les plumes étaient pour Pleione, le foulard pour Imryu. Je regardais alors le mâle après avoir lancé un regard au contenu de la sacoche.


J’avais la voix cassée et triste, mais je n’imaginais ni la peine ni la douleur que j’allais éveiller dans le cœur du mâle. En plus un de mes confrères et moi-même nous occupions de sa mère. Mais son cas était complexe et la femelle ne s’en sortait pas, et nous nous n’avions pas de solution pour elle. Le mâle dragon risquait fortement de perdre sa mère en plus d’avoir déjà perdu son amant que j’avais enterré un jour plus tôt. J’attendais sa réaction avec crainte et angoisse…

Alsham était tellement mal à l’aise qu’il avait le sentiment d’être prêt à s’évanouir à chaque instant. Mais il devait sans doute d’être bien loin de l’état psychologique de Pleione qui se décomposait complètement sur place. Il était éreinté par l’état du loup. Il allait finir par se faire du mal à vivre tant de choses aussi noires. Il baissa les oreilles, le laissa humer l’odeur agréable de son compagnon disparu, le laissa pleurer et passer de la peine à la colère…

Il l’écouta alors et plaqua ses oreilles en arrière. Non Pleione ne pouvait et ne devait pas faire une chose pareille. Surtout en l’ayant dite avant à Alsham. Celui-ci mettant la vie d’autrui sur un piédestal se ferait un devoir de surveiller Pleione pour qu’il ne se mette pas en danger et ne mette pas autrui en danger. Il devrait aussi s’occuper de sa santé morale et de lui redonner un peu de force. Il agita les oreilles en dévoilant légèrement les crocs.


Il avait parlé d’une voix forte et autoritaire, il fallait que Pleione comprenne que ce genre de chose ne calmerait pas sa douleur. Cela pourrait même avoir l’effet inverse. Et Alsham n’avait pas envie de le récupérer à moitié mort dans un coin parce qu’il aura trouvé plus puissant que lui. Sa queue se mouvant nerveusement dans son dos, il agita doucement les oreilles, il n’avait pas que ça à annoncer au loup rosé.


Il trouvait essentielle que Pleione sache ce genre de chose. Si jamais il retrouvait le petit frère de Reymsa il pourrait peut être se raccrocher à lui. Il fallait aussi qu’il tienne le choque, car Alsham sentait que la mère de Pleione arrivait en fin de vie. Les guérisseurs comme lui ne pouvait rien faire d’autres que de calmer ses douleurs, mais ils ne pouvaient pas empêcher l’inévitable d’arriver…