Tanyxoth avait envoyé Verd chasser. Et il lui avait demandé d'emmener Ragnar avec elle. Il avait vu que ces petits s'entendaient bien. Ragnar n'avait tissé de lien avec personne en dehors du cerf et de la louvette. C'était pour le chef d'armée quelque chose de très précieux pour un petit revenu de si loin. Alors il s'était dis qu'une partie de chasse n'était qu'une bonne chose pour les deux petits. Ça leur permettrait de travailler ensemble, développant pour l'un comme pour l'autre un esprit de groupe. Il avait suggéré la vallée des arc-en-ciel à Verd, cette vallée florissante était riche en proie et pauvre en prédateurs, c'était un excellent endroit pour débuter.

Mais rien ne s'était passé comme prévu.

Lorsqu'il est rentré chez lui après les entrainements, Ragnar était parti, et l'odeur fraiche de Verd lui indiquait qu'ils étaient partis chasser comme avait demandé Tanyxoth. Le cerf était donc parti nager, comme il faisait chaque jour depuis la fin de sa convalescence. Il était quasiment sec quand il avait été demandé en urgence devant chez Jeys. L'odeur de son fils de plus en plus forte, avec l'odeur du sang et de Verd, l'avaient fait paniquer, mais il n'avait rien fait paraitre. Il avait voulu rentrer, voir Ragnar, Jeys l'avait chassé. Son fils ne voulait plus le voir.

Alors Tanyxoth était resté toute la nuit devant la tanière de Jeys, il n'avait pas le droit d'y entrer, cela le rendait furieux. Au beau milieu de la nuit, il ne pu résister, il s'était endormi. Il se réveilla aux lueurs de l'aube. Il ne sentait plus autant qu'avant l'odeur de Verd, elle avait du être ramenée chez elle. Mais l'odeur du sang de Ragnar remplissait continuellement l'espace. Tanyxoth était tout aussi inquiet que furieux. Contre lui, contre Jeys, et indirectement contre tout ce qui venait vers lui. Il faisait les cents pas devant la tanière, sans voir les heures passer. Le coeur serré, même Abby savait qu'il ne fallait pas venir le déranger pour l'instant.

La tanière de Jeys était dans un coin, à l'extérieur des galeries. Peu de loups passaient par là, il n'était donc pas dérangé par des allées et venues incongrues. Ils avaient été attaqués par un ours. Un ours n'avait rien à faire dans le coin, il avait du être rameuté par quelque chose. C'était la seule explication.

Tanyxoth était aux bords de la crise de nerfs.

Le cerf appréciait Ystrelle. Il s'entendait bien avec son compagnon, entrainait sa fille, et croisait la chasseuse assez souvent, surtout ces derniers temps alors qu'ils étaient tous deux cloisonnés au camp. Et le cerf savait que si lui souffrait et paniquait de la situation actuelle, ça ne pouvait qu'être pire dans le coeur d'Ystrelle, elle qui a fait naitre sa fille alors que le cerf ne s'était contenter que d'adopter Ragnar.

Il n'était pas arrivé à temps pour voir Ystrelle partir avec sa fille, mais son odeur avait été fortement présente. Et quand elle arriva enfin le lendemain, sa colère faisait vibrer l'air à des mètres à la rondes. Tanyxoth, qui faisait encore les cents pas à s'en saigner les coussinets, sentit son poil se gonfler et ses muscles se tendre.

Elle commença sa tirade alors qu'elle avançait vers lui d'un pas furieux. Elle était petite, elle n'arrivait pas au menton du cerf, mais sa colère la rendait impressionnante. Tanyxoth ne bougea pas, la laissant venir, les pattes un peu écartées. Il ne voulait pas se battre. Il n'en avait ni la force, ni l'envie. Les curieux s'agglutinèrent comme des mouches autour d'une source de miel. Tanyxoth ne quitta pas la femelle des yeux.
Il s'en voulait déjà énormément d'avoir demandé cela a Verd. De cela résultait une colère profonde envers lui même. Il n'avait en plus pas besoin de ça. La mère arriva enfin à sa hauteur, et d'une patte appuya sur le poitrail du mâle, qui ne bougea pas d'un pousse. Il gardait les yeux rivés sur son opposante, la laissant exprimer sa colère. Il était courant dans le clan de voir des effusions tourner à la bagarre. Tanyxoth n'avait toujours pas envie de se battre, surtout contre la mère, il n'en ferait que du petit bois.

Cependant le loup se sentait de plus en plus craquer. Ses yeux piquèrent, se bordant de larmes. Non pas que la louve lui avait fait du mal. Il ne pouvait qu'être d'accord avec elle. Mais c'était des larmes de colère. Il secoua la tête et se remit à faire les cents pas,faisant tout ce qu'il pouvait pour se contrôler. Il pencha le regard vers la femelle. les mots étaient coincés dans sa gorge. Il regarda la tanière de Jeys, sentant son fils blotti au fond. Si près et pourtant si loin. Il déglutit. Recommença à marcher. S'il prononçait un seul mot, il allait craquer. Certainement. Il n'avait jamais sentit ses bois vibrer aussi fort sans qu'il ne les laisse se changer.

Le fait que le loup ne prenne pas la parole semblait rendre la femelle encore plus en colère. L'assistance recula. Trop occupé à ruminer, il ne vit pas les dards de la femelle, par contre il les sentit. C'était la goute d'eau qui faisait déborder le vase. D'un geste rageur, alors que ses bois et ses griffes se changeaient en métal brillant, il extirpa les deux dards et les crachas au sol devant la femelle. Il tourna viollement la tête et sectionna de ses bois un jeune arbre. C'était tout ce qu'il pouvait faire, refusant de se battre contre la femelle.

Il se tint là, prostré devant cet arbre qu'il venait d'abattre d'un geste unique. Dans l'assistance plus personne n'osait bouger. Tout le monde se taisait, reculait lentement par précaution. Il était rare de voir le cerf faire une démonstration de son pouvoir. Un pouvoir impressionnant, un être sensé ne voudrai pas se frotter contre lui dans cet état.

Il prenait des respirations profondes, tentant par tous les moyens de se calmer. Mais la femelle ne se taisait pas. Chaque mot était un poignard pour le cerf.

Ton fils va s'en remettre, c'est toi qu'il ne veut plus voir!

Tanyxoth rugit de fureur. Il n'en pouvait plus. Il fit volte face et planta son regard dans celui de la femelle. les babines retroussées, les crocs apparents, un grondement sombre naissant dans sa gorge. Rien n'était cependant tourné vers elle. Tout n'était que pour lui.

Crois tu que je l'ignore??

Il avait hurlé.

Crois tu que j'ignore l'erreur que j'ai commise?? Crois tu que j'ignore que j'ai sans doute perdu mon fils!? Lui qui a eu tellement de mal à faire confiance à quelqu'un? crois tu que j'ignore le mal que je viens de causer??! Crois tu que j'ignore qui en est l'unique responsable???

Ses bois se mirent alors à chauffer lentement, et la pluie se mit à tomber. Il grogna encore.


Crois tu que j'avais besoin de ton aide pour comprendre ce que j'ai fais?! Je mais hais déjà suffisamment sans avoir besoin de l'aide de quelqu'un pour ça!

Le loup haletait sous la colère. Ses bois étaient tellement chauds que bientôt la pluie tombant dessus s'évapora en petits pshhhhhh alors qu'il gardait la tête basse. Fixant le sol, évitant tout regard pour ne pas partir en vrille. Il entendit Ystrelle chasser la foule. Ils étaient seuls à présent, seul avec leur inquiétude, leur rage, leur peine. Quand tous furent parti, le bruit de la pluie était lourd.


Il se tut, laissant ses paroles raisonner dans l'air. Il leva le regard vers la louve, ne manquant pas de remarquer son état physique. Elle pleurait, et lui aussi.


Au vu des circonstances, il était clair qu'il pouvait faire une croix sur l'entrainement qu'il donnait à la fille de la verte. Il l'avait vu grandir, il l'avait entrainé dès son plus jeune âge, il s'était quand même attaché à la petite, mais maintenant tout cela n'avait plus d'importance. Le cerf avait trahis Verd, il avait trahis sa famille, il avait brisé la confiance qui régnait en eux. C'était une perte immense. Il regarda encore la tanière de Jeys. Le médecin avait du entendre tout, comme Ragnar. L'odeur du sang ressurgit, frais. Tanyxoth plaqua les oreilles contre le crâne.

Il savait que Jeys n'hésitait pas à détruire pour reconstruire. L'idée que Ragnar lui aie demandé ça fendait le coeur du loup cerf. Il détourna la tête, s'assit devant la tanière, un peu en retrait. Il n'avait plus qu'à attendre. Il ne pouvait rien faire d'autre.

Petit à petit, ses bois reprirent leur texture naturelle, se déroulant autour comme une couverture, sans un bruit. Il ne dis rien, assis, achevé.Il entendis la louve se laisser tomber. Il ne risqua pas un regard vers elle. Il ne répondis toujours rien.

Restait à savoir si Verd voudrai le revoir. Lui ne dira jamais non. Il ne répliqua rien face à la menace ouverte. Il n'en avait de toute façon pas le droit. Il dressa légèrement une oreille à la mention de Ragnar et regarda la louve. Il y avait au moins un endroit où le petit accepterai d'aller dans un avenir proche, et ce n'était pas dans la tanière de son père. Il ferma les yeux et la remercia silencieusement, d'un geste de la tête.

Puis il soupira. Rester ici ne lui causerai que des tourments. Il se leva et se dirigea vers Ystrelle, puis il baissa la tête afin de l'aider à se relever, pour la raccompagner chez elle. Elle devait prendre du repos.