Idryss était partie tôt ce matin en direction du désert. Chevauchant sa fidèle dragonne, Fralëth s'était envolée du palais lumineux. L'objectif était simple : Idryss souhaitait trouver son père pour prendre de ses nouvelles et passer un peu de temps avec lui. La louve cornue aurait également essayé de trouver des dragons pour les observer et leur parler s'ils étaient enclins à cela. Puis, elle aurait fini par un crochet à la statue de Solar. Si elle arrivait à la trouver, car avec le sable qui se déplace par le vent, les petites ou grosses tempêtes et certains combats entre dragons, les dunes et les empreintes peuvent bien changer. Le désert est un paysage changeant avec une impression de s'étendre à l'infini, il est facile de s'y perdre si on ne connait pas le lieu ou qu'on ne fait pas attention à sa route. C'est pour cela qu'Idryss y allait toujours accompagner de Fralëth. Au moins avec elle, elle peut s'extirper de cet endroit en volant et bien plus vite qu'en marchant.

En cette matinée, Idryss ne trouva pas son père. Elle put observer et parler avec quelques dragons. Elle réussit sans grand mal à trouver Solar. Elle adressa une prière au dieu. Après cette action, elle fit un crochet par l'oasis Doushite afin qu'elles puissent boire et se reposer. Pendant leur phase de repos, elle vit un petit dragon de sa taille de l'autre côté de l'étendue d'eau, en train de s'abreuver. Doucement, pour ne pas l'effrayer, Idryss contourna le grand bassin en trottinant et s’annonça. D'abord surpris, le dragon voulut fuir, mais il se ravisa en entendant la louve rouge lui parler dans sa langue. Les deux avaient finalement discuté. Il s'agissait d'un petit dragon adulte, petit de part sa race. La juge cornue lui avait, de fil en aiguille, demandé s'il avait vu son père qu'elle lui détailla. Encore une fois, une réponse négative. Idryss afficha un air triste. Elle se doutait bien que son père n'était pas mort, car il était insensible à la chaleur et la sécheresse de ce milieu, mais quand même... Elle aurait aimé le voir. Elle n'avait pu récolter aucunes informations. Sans doute n'était-elle pas tombé sur les cinq bons dragons ? C'est fort probable.

Après sa discussion, résignée, Idryss grimpa sur le dos de Fralëth et elles partirent du désert. C'est en début d’après-midi qu'elles arrivèrent à la rivière de La Roche. La dragonne aérienne se posa non loin du rivage côté Air. La juge était indécise, elle ne savait pas encore si elles repartiraient ou non. Alors, autant se poser côté désert pour l'instant. La louve descendit de son dos et se secoua. Puis, les deux femelles se mirent côte à côte au bord de l'eau et tendirent le cou pour laper l'eau fraiche minérale.

Noxic ouvrit les yeux, l'esprit embrumé. Il releva légèrement la tête afin d'observer l'endroit où il se trouvait, reprenant doucement conscience. Le grand mâle était étendu entre feuilles mortes et branches cassées, recouvert de poussière. Sa tête retomba lourdement sur le sol tandis qu'il poussa un long soupire fatigué.
Il semblerait que Machiavel l'ait entraîné au point de le rendre inconscient cette fois et son corps épuisé lui avait apparemment réclamé un surplus de sommeil lorsque le guerrier en eut fini avec lui. Avec peine, il plissa les yeux en dirigeant son regard vers l'astre solaire afin de savoir combien de temps il avait dormi et constata que quelques heure s'étaient écoulée depuis le début de sa sieste improvisée.

Un grondement de désapprobation accompagna ses mouvements lorsqu'il se redressa afin de se lever. Il fit rouler quelque peu sa fine musculature afin de vérifier, comme à son habitude, qu'il n'ait rien de sérieux. Quelques douleurs, des hématomes, rien dont il ne serait remis d'ici demain.
Machinalement, le loup venimeux se dirigeait vers la rivière des roches d'un pas lent et fatigué. C'est la soif qui le poussait en cette direction mais la faim, elle, était beaucoup plus présente et bien plus difficile à faire taire. Attentif à ce qui l'entourait, il espérait avoir la chance de croiser de quoi faire taire ses envies sur la route.

Tandis que le doux bruissement de la rivière se rapprochait, Noxic discerna sans mal l'impressionnant battement d'aile d'un dragon se posant au sol. A la fois curieux et fasciné par ces créatures, il s'approcha de la rive sans un bruit, prenant soin de se fondre dans les ombres.
Face à lui se tenait un duo qu'il n'eut aucun mal à reconnaître: Il s'agissait d'Idryss, l'une des nobles juges de la famille Démonia, accompagné de son familier; un jeune dragon d'air. Les deux femelles semblaient ne pas l'avoir remarqué, ainsi il les observa pendant quelques instants tandis qu'elles se désaltéraient. Elles se trouvaient sur la rive opposée appartenant au clan de l'air mais le courant était doux et la rivière peu épaisse à cet endroit, laissant entrevoir une possible conversation sans avoir à traverser.
Idryss était certes des plus agréables à regarder, mais le regard du jeune Atheris ne pouvait se décrocher du dragon d'air. Il était envoûter par ces créatures qui possédaient à la fois une grâce et une puissance qui ne pouvait être égalée.
Bon, relativisons: Un dragon n'était qu'un serpent doté de membres et d'ailes qui pouvaient se transformer en lance-flamme vivant; mais ils étaient magnifiques et c'était indéniable.

Sortant des ombres, l'Atheris prit la parole d'une voix distincte afin de s'annoncer à ses charmantes interlocutrices:
« Belle journée, n'est-ce pas ? »

Ses paroles étaient communes et la question n'attendait aucune réponse, mais il était de coutume d'annoncer sa présence en amorçant la conversations par les habituelles banalités de la noblesse.
Tandis que Noxic s'approchait du rebord de la rivière, il adressa à Idryss et Fralëth un sourire doux et calme, très inhabituel chez lui. Les intentions d'un loup pouvaient êtres faussés mais les instincts plus primitifs, eux, ne mentaient pas: En présence de la dragonne, l'Atheris au cœur de pierre avait facilement tendance à baisser quelque peu sa garde et à parler plus librement, en dépit de leurs noblesses respectives. Il éprouvait pour la juge et son familier un grand respect et s'était surpris à désirer une conversation seul à seul avec Idryss; loin des convenances et des apparences. Il trouvait à la juge quelque chose de différent des autres nobles, un je-ne-sais-quoi subtile et enivrant qui la rendait tout particulièrement intéressante.

« Je ne pensais pas avoir la chance de me retrouver seul en votre compagnie, il est rare de vous croiser en-dehors du palais lumineux. »

Noxic marqua une pause afin de se pencher vers l'onde glacée de la rivière et d'y voler quelques précieuses gorgées d'eau. S'immobilisant après s'être désaltérer, il planta son captivant regard d'émeraude dans celui de la juge et poursuivit son discours.

« La traversée du désert a-t'elle été agréable ? » Demanda-t'il calmement, se doutant qu'elle ne se trouvait pas sur la rive opposée par hasard.

Sans la quitter du regard, il se redressa et enroula sa queue reptiliennes autour de ses antérieurs, attentif. Bien que la faim le rongeait silencieusement, l'Atheris fit de sa conversation avec Idryss une priorité et décida d'ignorer ses désirs.

Tandis que les deux femelles buvaient tranquillement, une voix leur parvint. De concert, elles levèrent la tête. Fralëth observa l'individu pendant quelques instants avant de retourner boire. Idryss, elle, continua de fixer cet individu qu'elle reconnut sans mal. Il s'agissait de Noxic, un Atheris, une famille devenu importante parmi les nobles du Feu au fil des décennies. Bien qu'ils ne soient pas aussi importants que sa famille, comme ils ne sont pas natifs du pays. Mais elle respectait tout de même cette famille, qui jadis, avait eut la gentillesse de conclure une alliance avec le clan. Et puis, il faut avouer qu'ils n'étaient pas mal non plus. En l'observant, elle se demanda de nouveau pourquoi certains individus de son espèce restaient dans ce pays, plutôt que de partir vivre tous ensemble dans leur contrée d'origine. Peut-être était-ce lié à cette alliance oubliée ? Il faut dire que maintenant, on ne sait plus de quoi il en retourne. Quoiqu'il en soit, une rivière les séparait et Noxic lui parlait.

Idryss n'avait pas vraiment capté la manière dont il l'avait interpellé. Elle avait juste entendu sa voix, rien de plus. Elle vit qu'il souriait. Il regardait sa dragonne. La cornue rouge n'en fut pas étonnée. Beaucoup de personnes étaient intriguées en voyant la dragonne et elle pouvait le comprendre, bien que c'était tout à fait naturel pour elle. Parfois, elle en oubliait même le fait d'être accompagnée par Fralëth et sur le coup, elle ne comprenait pas les regards intrigués, émerveillés ou de crainte qu'on leur lançait.

Je ne pensais pas avoir la chance de me retrouver seul en votre compagnie, il est rare de vous croiser en-dehors du palais lumineux.

Il lui parlait de nouveau. Idryss, pendant tout ce temps, ne l'avait pas quitté du regard et n'avait pas bougé. Fralëth de son côté, releva la tête et la poussa doucement du bout du museau. La juge tourna la tête en sa direction. La dragonne lâcha un petit cri et déploya ses ailes qu'elle agita trois fois. Elle voulait bouger. Idryss tourna le regard vers Noxic. Il semblait très enclin à la conversation, puisqu'il lui posa une question, ce qui était plutôt inhabituel. Seulement, parler dans cette condition n'était pas possible. Idryss n'allait pas s'amuser à lever la voix tout le long de leur conversation. Elle soupira et monta sur Fralëth. Celle-ci se disant qu'elles allaient repartir pour une séance de vol. Seulement, se fut une toute autre demande que prononça Idryss dans sa langue. La dragonne se calma, semblant déçue. Soudain, elle se recroquevilla prête à sauter et déploya un peu les ailes. Elle bondit tout en battant des ailes. Néanmoins, Fralëth ne s'était pas décalée avant de sauter et c'est donc en direction de Noxic qu'elle bondissait. Heureusement pour le jeune Atheris, la dragonne eut assez d'amabilité pour lui passer à environ deux mètres au-dessus de la tête. Elle atterrit deux mètres plus loin derrière le jeune prince Atheris Viperae. Après cet atterrissage brusque, dévoilant toute la lourdeur du reptile ailé, Idryss bondit de son dos et s'ébroua. Ce geste était devenu automatique, à force de faire des séances de vol. Elle s'avança vers le mâle.

La traversée a été agréable, même si je n'ai pas trouvé ce que je cherchais.

Elle ne s'excusa pas pour le manque de vigilance de son familier. En réalité, la dragonne faisait toujours en sorte de ne pas écraser les gens, car elle faisait attention à leur présence. Cette attitude avait quelque peu surpris la juge. Peut-être était-ce parce que, justement, Noxic les empêchait de partir ? La dragonne vint finalement aux côtés de sa maîtresse et observa le loup-venimeux. Idryss, elle, s'assit à son tour. Elle prêta attention à Noxic.

Il m'arrive de sortir du palais pour venir ici. Mais souvent, je traîne dans la forêt côté sud. En tout cas, je ne retournerai pas au campement, ni à ses abords, tant que Zal sera au pouvoir, c'est certains ! Du coup, c'est vrai que je ne croise pas grand monde. Et je ne m'en plains pas.

Idryss ne le quittait pas des yeux. Lorsqu'il le remarqua, l'Atheris déporta son attention de la créature mythique sur la juge; essayant de deviner ses pensées à travers ses deux yeux ambrés. Quelques secondes passèrent - sans succès - avant que Fralëth ne pousse la louve du bout du museau, brisant leur contact visuel.
En réponse à son impatience apparente, la Démonia lui adressa quelques mots dont Noxic n'entendit que des fragments incompréhensibles. A ses paroles, Fralëth se recroquevilla sur elle-même dans le but de traverser la rivière. Malgré le fait que la dragonne semble vouloir sauter droit dans sa direction, le loup venimeux ne bougea pas et l'observa d'un air tranquille, suivant ses mouvements du regard. Lorsqu'elle passa au-dessus de lui, l'Atheris pivota sur lui-même afin de se tourner face aux deux femelles et laissa glisser ses antérieurs dans l'herbe fraîche afin de s'allonger. Confiant, il croisa ses pattes avant devant lui et ancra de nouveau son regard dans celui de la juge alors qu'elle sautait à terre pour s'avancer vers lui.

« La traversée a été agréable, même si je n'ai pas trouvé ce que je cherchais. »

Inconsciemment, Noxic ne put s'empêcher de se demander ce que l'ambassadrice des dragons pouvait bien chercher dans l'immensité du désert. Néanmoins, il se refusa à le lui demander et la laissa poursuivre tandis que Fralëth venait aux côtés de sa propriétaire.

« Il m'arrive de sortir du palais pour venir ici. Mais souvent, je traîne dans la forêt côté sud. En tout cas, je ne retournerai pas au campement, ni à ses abords, tant que Zal sera au pouvoir, c'est certains ! Du coup, c'est vrai que je ne croise pas grand monde. Et je ne m'en plains pas. »

A l'entente de ses paroles engagées, Noxic se surprit à hausser un sourcil interrogateur. Il n'était pas rare pour un noble de son rang d'avoir à échanger politique avec ses congénères, mais il ne s'attendait pas à recevoir de tels aveux de la part d'Idryss, d'autant plus que les Atheris étaient connus - de par son père - pour plaider en faveur de Zal. Le conversation venait tout juste de gagner un intérêt tout particulier aux yeux du jeune héritier. D'un côté, son aversion pour l'alpha était compréhensible et très probablement justifiée par le fait qu'il ait tuer sa cousine lors d'un combat à mort.

« J'ignorais que la présence de Zal vous déplaisait à ce point. » Commença-t'il d'une voix mielleuse, laissant un sourire confiant et quelque peu amusé apparaître sur son visage.

Loin de lui l'envie de lui manquer de respect, c'est la situation qui se voulait ironique: Il était rare que ses congénères lui avoue très clairement qu'ils désapprouvent la prise de pouvoir de Zal car sa famille était réputée pour l'avoir soutenu depuis le départ et leur appui ne s'effacerait que si la décision venait de Najah - bien que Noxic soit apte à instaurer le doute et faire vaciller leurs croyances de par son statut d'héritier. Mis à part Pleione qui avait une totale confiance en son ami, la plupart des loups craignait de protester les actes de leur alpha en présence de Noxic par crainte de potentielles représailles, qu'elles soient de Najah ou de Zal en personne.
Néanmoins, l'Atheris était assez ouvert d'esprit sur le sujet et s'intéressait au point de vu de ceux qui voulaient le voir tomber. Le jeune héritier était un fin observateur et il aimait se voir confier toutes les cartes d'un jeu. Les paroles d'Idryss avait ainsi éveiller un tout autre intérêt à la conversation. Ce fut avec beaucoup de sérieux et d'attention qu'il reprit ses paroles - bien qu'une pointe de malice fut perceptible -.

« Comptez-vous continuer à le fuir ou recherchiez-vous à monter une armée de dragon dans le désert ? » Devant sa réticence apparente, il se permit de poursuivre: « Ne vous inquiétez pas, vous ne seriez pas la première “Anti-Zal” à m'accorder votre confiance. »

Noxic n'avait été nullement effrayé ou impressionné d'une quelconque manière quand Fralëth lui passa au-dessus de la tête. D'ailleurs, il n'avait pas bougé d'un poil. Il se contenta de regarder les deux femelles s'avancer vers lui. Une fois que la juge cornue eut fini de lui répondre, elle vit Noxic adopter un air interrogatif. Quoi ? Était-ce si bizarre qu'elle veuille s'isoler plutôt que de vivre au sein du campement ? Elle n'avait guère envie de vivre parmi des pro-Zal, ces êtres qui seront probablement bannis du clan une fois que quelqu'un d'autre prendra place à la tête du clan. Le clan est divisé et ce n'est pas pour mieux régner... Mais pour mieux s'entre-tuer. Dans cette condition, ce n'est qu'une question de temps avant que la résistance peaufine tout et se mette à chasser l'indésirable.

J'ignorais que la présence de Zal vous déplaisait à ce point.

Face à cette phrase, elle lui lança un regard devenu noir. Elle se raidit, prête à bondir. Elle griffa le sol. Comment osait-il dire une chose pareille ! Était-il un ignare pour ne pas connaitre son point de vue sur ce loup qui ne mérite que la mort ?
Elle se leva d'un coup, l'échine hérissée, les babines légèrement retroussées pour laisser apparaître le début de sa dentition, elle s'avança vers lui d'un pas lourd. Lorsqu'elle réduit la distance entre eux à seulement deux mètres, elle grogna puis cracha :

Il a tué ma cousine ! Bien sûr que sa présence me dérange à ce point ! Dois-je te rappeler qu'il a obligé Irène à le combattre à mort en tuant l'un de ses petits ET en la menaçant d'en torturer un autre jusqu'à ce qu'elle craque ? Et dois-je aussi te rappeler que Zal est, à la base, un banni de notre clan ? Je te signale que s'il a été banni, ce n'est pas pour rien !

Elle lâcha un autre grognement lourd de sens, d'avertissement. Il n'avait pas intérêt à continuer sur ce terrain-là, sinon, c'est dans la rivière qu'il finira. Face à l'énervement soudain de sa maîtrise, Fralëth ouvrit aussi la gueule et grogna, prête à fondre sur le loup-venimeux au moindre ordre.
Jamais elle ne pardonnerait à Zal ce qu'il avait fait. Dans un sens, on peut dire qu'il a eu le poste à la loyal. Un combat est l'une des façons d'obtenir le titre. Mais mis à part ça, il y avait tout le reste à côté qui faisait que ce combat n'était pas si loyal que ça. Le clan savait parfaitement ce qui s'était passé, ils avaient vu Zal menacer de torturer Mars si la mort d'Iryldis ne suffisait pas à contraindre Irène. Et le clan connaissait aussi l'aversion que portait la famille Démonia à l'égard de cet ancien banni.

Comptez-vous continuer à le fuir ou recherchiez-vous à monter une armée de dragon dans le désert ? Ne vous inquiétez pas, vous ne seriez pas la première “Anti-Zal” à m'accorder votre confiance.

Elle arrêta de foudroyer le noble serpent du regard et tourna la tête en direction du désert. Elle fronça les sourcils et griffa le sol avec hargne tout en grognant contre elle-même cette fois-ci. Comment n'y avait-elle pas pensé ? Elle avait tellement était accablée par le chagrin et sa colère qu'elle n'avait même pas songé à l'évidence. Néanmoins, ce n'est pas sûr que les dragons acceptent de l'aider... Même avec l'influence de son pouvoir. Après tout, ce n'est pas leur problème. Ils ne sont plus alliés aux loups comme ils furent jadis, d'après ce qu'elle en savait des anciens écrits et anciennes histoires. Elle pourrait tabler sur de jeunes dragons, plus faciles à persuader à l'aide de son pouvoir. Il lui suffirait de trouver des dragons volcaniques téméraires et impétueux, à qui le combat attisera sans aucun doute leurs curiosités. Si Solar m'a donné ce pouvoir, alors c'est bien aussi pour que je protège mon clan avec leurs aides. Maintenant que c'était clair, elle avait une autre raison d'arpenter le désert.

Du coin de l’œil, elle vit le loup-venimeux s'approcher d'elle. La dragonne grogna de nouveau, mais cela n'arrêta pas Noxic dans son approche, d'ailleurs il se fichait éperdument du danger que représentait la dragonne. Idryss tourna de nouveau la tête vers lui, les oreilles dressées en avant et le corps de nouveau tendu, prête à agir. Une fois de plus, cela ne lui fit rien. Il était bien trop inconscient. Un jour, il sera tué pour ça. Il ne prenait rien en compte. Il était face à une Démonia belliqueuse, s'entraînant au combat depuis bien des mois, et une dragonne prête à le croquer, et lui, il s'était pratiquement collé à elle avec un air condescendant. Air qui énerva d'autant plus la juge. Elle le fixa d'un regard redevenu noir. Il tendit le museau en direction de son oreille et il y murmura :

Je vous soutiendrai au détriment de mon père si vous me prouvez que le combat en vaut la peine.

Quel inconscient. Nullement sur ses gardes et la gorge oà quelques centimètres de ses crocs, il était une proie des plus faciles à attraper. Elle ne réfléchit pas un seul instant et agit, dictée par son impulsion. Tel un rapace qui fond sur sa proie à la vitesse de la lumière, Idryss attrapa la gorge offerte de l'Atheris avec violence, plantant ses crocs, serrant sa mâchoire, prête à lui ôter la respiration. Sans le lâcher, avec toute la brutalité et la force que lui confèrent ses gênes de Démonia, et ses entraînements aux combats, elle mit à terre le reptilien, le plaquant violemment. Elle n'était pas un garçon manqué pour rien. Si elle n'avait pas été juge, assurément qu'elle serait guerrière. Elle desserra légèrement la mâchoire et finit par la remplacer par sa patte avant droite sur laquelle elle y mit son poids. Par la suite, elle ordonna quelque chose à Fralëth dans sa langue draconnique que la dragonne s'empressa d'exécuter. La dragonne aérienne posa l'une de ses pattes avant sur la queue de l'Atheris, afin qu'il ne puisse l'utiliser.

Maintenant écoute moi bien. Si j'étais toi, je ne me prendrai pas à la légère. Si tu ne veux pas finir dans la rivière, t'as plutôt intérêt à effacer cet air de péteux que tu te trimballes devant moi. Je ne suis pas une vulgaire femelle sans force. Même Arina pourrait te mettre au sol comme je viens de le faire. Et ta petite attitude de drague, tu peux la ravaler et faire une indigestion avec, plutôt que de me la vomir !

Elle grogna de nouveau, dévoilant ses crocs tachés par le sang doré de Noxic. Après une dernière pression sur sa gorge, elle recula de plusieurs pas, continuant de le fixer. Néanmoins, elle ne dit pas à Fralëth de lâcher sa queue, qui resta sous l'emprise de la patte écailleuse. D'ailleurs, la dragonne le fixait avec intensité, prêt à le croquer au moindre petit mot de sa maitresse. Elle pourrait même l'emporter momentanément pour le larguer dans l'eau de la rivière.

Contrairement à vous, je ne sous-estime jamais les personnes qui m'entourent. Ce que je veux dire, c'est qu'il ne faut pas oublier par qui j'ai été élevé. J'essaie de le nier mais je ressemble à mon père. Alors faîtes attention.

Idryss se retient de lâcher un ricanement. Ce n'est pas qu'elle le sous-estimait, c'est juste qu'il ne représentait pas un danger pour elle. Pour elle, Noxic n'était pas dangereux. Elle savait très bien que Najah était son père et que lui, il ne fallait pas le sous-estimer. Cependant, père et fils semblent oublier où ils sont. Ils ne sont pas chez eux. Ils sont peut-être roi et prince d'un peuple, mais leur peuple n'est pas dans ce pays. Enfin, quelques-uns sont là, mais la majorité vit dans leur contrée d'origine. D'ailleurs, Idryss trouvait ça extrêmement bête qu'un roi habite autre part que sur ses terres. N'avait-il pas peur d'être destitué de son titre ? N'avait-il pas peur que son peuple l'évince du trône pour son absentéisme ? Et puis, pourquoi habiter ici au lieu de diriger son peuple ? Il avait peut-être le titre de roi, mais au yeux de la cornue, il n'en avait que le titre, rien de plus. Dans l'état, bien que Najah soit un roi, les alphas et bêtas de ce pays lui sont supérieurs. Bien que Noxic soit un prince, il est un assassin, donc les chefs d'armée, nobles, bêtas et alphas de son clan, lui sont supérieurs. En somme, ils ne sont rien ici que des nobles avec un statut, il est vrai, plus important que les autres. Mais Idryss n'avait aucune crainte à avoir de la part de Noxic. Elle craignait un plus Najah, au même titre qu'elle craignait Zal. Cependant, un Atheris osera-t-il toucher une Démonia et ainsi, déclarer la guerre entre les Atheris et les Feux ?

Vous êtes quelqu'un que je respecte, Idryss. N'abusez pas de ma sympathie à votre égard. Le soutien d'un Atheris n'est pas quelque chose que vous pourriez obtenir d'un battement de cils, alors si vous désirez mener à bien votre petit combat contre Zal, je vous conseille d'y réfléchir sérieusement.

Elle leva un sourcil. Il était tant d'arrêter leur discussions ici. Elle n'avait plus rien à lui dire. Ce loup l'énervait. Voilà maintenant qu'il lui proposait son aide. Était-il stupide ? S'il voulait lui proposer son aide, son approche était assurément à revoir. Énerver quelqu'un pour ensuite lui proposer son aide, n'était absolument pas une bonne idée.

Qui te dit que j'ai besoin du soutien d'un Atheris ? Comme tu l'as si bien dit, tu es comme ton père. Et jusqu'à preuve du contraire, votre "roi" est un pro-Zal. Par conséquent, vous l'êtes, en quelque sorte, tous puisque vous vous devez de suivre Najah, sous peine de trahir votre dirigeant. Si tu crois que je vais faire confiance à un Atheris, c'est que tu es bien stupide...

Sur ses derniers mots, elle tourna la tête en direction de Fralëth tout en s'avançant vers elle, ignorant à présent royalement le jeune loup venimeux. Elle grimpa sur le dos de la dragonne qui finit, après un moment d'hésitation, par lâcher la queue reptilienne de Noxic. Sans aucun doute, il avait été à deux doigts d'être lancé dans la rivière. Quelque chose avait cependant empêché la dragonne de le faire. Peut-être s'était-elle dit que comme Idryss ne le lui avait pas ordonné, l'idée avait été abandonnée ? Quoi qu'il en soit, la dragonne se retourna vivement, frôlant la tête de l'Atheris de son immense queue. Un peu plus, et elle lui aurait donné un coup de queue fulgurant. Depuis tout à l'heure, sans aucun doute qu'elle montrait au jeune loup qu'elle pourrait facilement le tuer. Après tout, elle avait failli l'écraser en sautant par-dessus la rivière, elle avait failli lui casser la queue en lui abattant sa patte violemment dessus, elle avait eu une envie furieusement de le lancer dans la rivière et là, elle avait failli l’assommer en se retournant. La dragonne était frustrée et énervée, c'est un fait avéré. Après quelques pas, elle déploya ses ailes et les deux femelles s'envolèrent. Après un demi-tour au-dessus de la rivière et du désert, elles partirent en direction du palais lumineux.