L'entraînement se passait... plutôt bien. En plus, ils avaient la chance d'avoir un temps clément. Il ne faisait pas excessivement chaud, dû aux nuages cachant parfaitement le soleil. Cependant, certains étaient déjà en vacances dans leur tête. Quand les beaux jours commencent à être trop chauds, Kaporal accorde des jours de vacances. Les entraînements passent alors à deux ou trois fois par semaine au lieu d'au moins une fois par jour habituellement. L'inconvénient, c'est que, souvent, les entraînements d'été se font la nuit ou tôt le matin. Mais eh, ils sont en vacances d'entraînement le reste de la semaine ! L'entraînement a toujours été important pour lui, mais il n'a pas non plus envie de faire crever de chaud son escadron. Quand le soleil tape trop fort, il abandonne. Rien que lui, il a chaud. Alors, son escadron, lui, doit se croire dans un four.

En ce moment, ce sont les sentinelles qui s'entraînent. Se doivent être les pires, niveau concentration, quand les vacances approchent. Certains se voyaient déjà se prélasser au soleil ou nager pendant leur service. Parce que qu'on se le dise, être sentinelle, c'est sans doute le meilleur poste. T'es aux frontières à surveiller, mais bon, tu n'as pas les yeux rivés sur l'horizon H24 immobile telle une statue. Pendant que tu surveilles, tu peux faire pleins d'autres choses à côté pour t'occuper. Sinon, ça devient vite ennuyant. Et puis, tu reçois des contrôles de temps en temps, alors tu n'as juste qu'à effectuer tes activités proches de ton point de contrôle et c'est bon. Pour ceux étant affectés à la frontière du pays, c'est aussi l'occasion de converser avec les loups du pays voisins. En somme, on peut dire que les sentinelles sont en vacances toute l'année. Mais la meilleure période pour eux, c'est bien sûr l'été. Le soleil est présent : parfais pour des siestes. L'eau est fraiche : parfaite pour boire ou se baigner ou faire les cons.

Tandis que Kaporal essayait de les recadrer pour qu'ils se concentrent, il tourna le regard instinctivement pour tomber sur Gaor, au loin. L'assassin le regardait. Enfin il était rentré celui-là ! Le chef d'armée s'arrêta dans sa phrase et ne put s'empêcher de lancer un regard mauvais à son assassin. Sans le lâcher de l’œil, il poursuivit et fit un petit signe de tête qui lui était adressé. Gaor comprit et partit se mettre à l'ombre.

Dix minutes passèrent. Les loups, excités, piétinèrent le sol, d'autres poussèrent des gémissements d'impatience. Les queues frétillantes et ne tenant plus en place, ils sautèrent de joie quand Kaporal leur annonça la fin de l'entraînement. Après des accolades amicales, ils partirent comme des balles en direction du lac dans l'optique de s'y baigner et s'y amuser. Le chef d'armée les regarda désespéré et soupira. L'entraînement n'avait pas été facile avec leurs concentrations dignes de louveteaux... Il posa le regard sur Gaor et s'avança vers lui.

Kaporal se posta devant lui et l'observa de bas en haut. Gaor était crispé. Sa blessure, quant à elle, semblait guérie ce qui rassura le vieux. Cependant, il lâcha d'un voix sèche, montrant son mécontentement :

Je t'ai cherché partout ! Ou t'étais ?

Il était allé jusqu'aux tanières pour le retrouver et avait même failli s'aventurer dans le désert pour lui. Et que ce soit à l'aller ou au retour, il ne l'avait pas trouvé. Alors oui, il est énervé de le voir revenir tout seul comme un grand, car en somme, il avait perdu du temps. Bien qu'il soit soulagé que rien ne lui ait arrivé et que sa blessure ne soit plus là. Le russe soupira avant d'ajouter :

L'un d'eux t'a vu revenir avec Lester, pourquoi ?

Il fronça les sourcils, le regardant maintenant d'un air suspicieux. Si Gaor avait caché Lester aux abords du campement, ça allait barder. Il avait réussi à chasser le solitaire, alors ce n'est pas pour qu'il continue à squatter en se cachant habilement d'eux. De toute façon , si telle est le cas, Kaporal était près à le chercher lui-même pour le débusquer. Avec l'aide d'une poignée d'assassins pour le pister. Et potentiellement, quelques chasseurs avec. S'il est caché, il a intérêt à bien l'être. Et même avec une superbe cachette, il n'allait pas le rester longtemps.
Il attentait impatiemment la réponse de Gaor.

Gaor jeta un œil aux sentinelles. Il ne les avait sans doute pas vu durant son retour. Cela voulait dire que le duo ayant rapporté l'information à Kaporal, était efficace dans sa discrétion. Il baissa les oreilles et la tête, sans doute honteux de s'être fait voir. Ou alors, appréhendant d'autant plus la suite de sa révélation. Le chef d'armée, lui, attendait patiemment, bien qu'agacé, les réponses de son assassin.

Dans un premier temps, le loup des cavernes s'excusa de son absence. Bien qu'il accepte intérieurement son excuse, cela ne renseignait aucunement Kaporal sur le pourquoi de cette absence. Et les explications ne tardèrent pas. Comme il l'avait pensé, Gaor était partie à la recherche de Lester. Souhaitant que celui-ci finisse son travail de soigneur, plutôt que d'aller en voir un du clan. Bon, au moins, la blessure de Gaor était à présent entièrement guérie. Il lui expliqua que pour aller aux tanières, il est passé par le désert. Oh, c'était donc bien pour cela que Kaporal avait perdu sa trace. Gaor s'est aventuré dans l'oasis Doushite pour y faire une pause et comme par miracle, il y a rencontré Lester. Bien. Cela confirma à Kaporal qu'il était bien allé jusqu'aux tanières pour rien. Ceci lui expliquait pourquoi il n'avait jamais retrouvé la trace de Gaor sur l'allée ni sur le retour... Sur le coup, le vieux fit la gueule. Il était énervé contre lui-même de ne pas avoir pris la voie du désert. Il avait vraiment fait tout ce chemin pour rien...

Soudain, l'assassin lui annonça que Lester avait une maladie mortelle et incurable. Et que cela aurait pu mettre la vie du clan en jeu. Kaporal ne fut naturellement pas désolé pour Lester. Après tout, il l'appréciait tellement, que cette nouvelle ne lui fit ni chaud, ni froid. Il ne fallait pas s'attendre à de la pitié venant de lui pour ce pauvre Lester. Par contre, il ne voyait pas du tout ce que la maladie de Lester avait à voir avec la sécurité du clan. Si ça avait été transmissible, cela ferait un moment qu'il y aurait eu des cas. Et jusqu'à preuve du contraire, personne n'avait choppé une maladie inconnue incurable. La suite de l'histoire fut racontée avec rage. Quand il le renseigna sur la rencontre entre la maladie de Lester et son pouvoir, Kaporal écouta bien plus attentivement. Ce coup-là, il ne le sentait vraiment pas... Et il avait raison de ne pas le sentir puisque bien vite, Gaor lui annonça que Lester et lui étaient à présent liés. Cette nouvelle rendit Kaporal bouche-bée.

Je déteste me savoir faible à cause de lui Kaporal. Mais si je m'éloigne trop de lui je perds toute ma force, si on le blesse, je suis blessé également, néanmoins, il a maintenant le pouvoir de soigner n'importe laquelle de mes blessures à une vitesse phénoménale. Je ne doute pas que tu as remarqué mon épaule parfaitement cicatrisée, comme si c'était une blessure vieille de plusieurs années... Je vais donc te demander quelque chose qui va te faire horreur... Lester doit rejoindre le clan, il sera sous ma supervision et est prêt à faire les efforts nécessaires pour s'intégrer...

Il avait bien de la chance ce loup détestable de Lester qu'on ne puisse pas le blesser. Sinon, Kaporal serait partie en suivant lui casser la gueule. Mais là, il ne pouvait pas, sinon, son assassin le serait aussi. Alors, il bouillonna tout simplement sur place. En plus d'infliger à Gaor ses potentielles blessures, Lester le rend également faible s'il n'est pas proche de lui. Et comment il allait faire maintenant pour exercer son travail ? Hein ? Gaor était un assassin d'élite. De ce fait, Kaporal lui donnait des missions importantes ! Et là, on lui annonce qu'à cause d'une guérison tournant mal, son assassin est en congé forcé. C'est quoi ce bordel ?! Kaporal serrait la mâchoire. Il la serrait tellement fort qu'un os aurait pu se casser en trois entre ses mâchoires. Son corps était tendu. Il s'empêchait de hurler.

Il était tellement concentré à maudire Lester, qu'il ne prêta pas attention au reste de l'histoire. Là, il en avait trop entendu pour exploser de rage. Il crispa chacun de ses doigts, traçant de petits sillons à l'aide de ses griffes sur cette terre meuble. Au fond, il n'en voulait pas tant que ça à Gaor. Il avait simplement voulu que Lester finisse son travail. Mais il ne pouvait pas s'empêcher de penser que c'était aussi à cause de lui que cette histoire était arrivée. Surtout qu'il l'avait prévenu !

Je ne savais pas que tu partirais à ma recherche en personne Kaporal. Je suis désolé de t'avoir inquiété.

Après cette phrase, il ne put se retenir plus longtemps. Il tiqua et le fixa de son regard noir toujours en place depuis la nouvelle. Il lâcha un "Tsk" amer, lâcha un grognement et se mit à hurler :

Je te l'avais dis ! Mais tu as fais ta tête de mule !

Ça faisait du bien d'extériorisé sa rage. Les poils hérissés, il tourna vivement la tête sur le côté et grogna de nouveau. Tout en fixant le paysage droit devant lui, il enchaîna, sans hurler, mais bien énervé :

Однажды, я убью его ! Puis, il posa le regard sur Gaor, dressa la tête et continua sur un ton à peine un peut plus calme : Il a de la chance que je ne puisse pas le blesser. Mais le jour où ce lien sera effacé, je l'empoisonne ! On n'énerve pas un russe sans récolter sa fureur. Valentin l'a bien appris.

Un petit sourire quelque peu carnassier apparut à la suite de cette dernière phrase. Il venait de lâcher tout naturellement, l'insinuation comme quoi il avait tué Valentin. Cela sans pression. Maintenant, Gaor aussi était dans le secret. Si Valentin n'était plus visible, c'est tout simplement que son corps s'était fait dévorer par les poissons. Et un jour, Lester risquait bien de mourir aussi de la patte de Kaporal !

Furieux, c'est le mot qui caractérisait le mieux Kaporal à cet instant. Gaor venait d'accroître la haine qu'il avait envers Lester. Lester était devenu son pire ennemi, un loup dont la disparition ou la mort le comblerait de bonheur. Et dire que tout était redevenu à peu près stable dans sa vie. Voilà que maintenant, une mauvaise surprise de plus venait de frapper à la porte. Décidément, il était loin le temps où il n'était qu'un louveteau et que sa vie n'était pas jonchée de problèmes... Des fois, il avait tout simplement envie de s'effacer un temps. De s'isoler du reste du monde, de se reposer et de boire tranquillement sa boisson favorite. À la fin de cette "discussion", c'est ce qu'il fera d'ailleurs ! Il ira se poser à la plage Naïgma, sortira l'une de ses bouteilles d'une des cavernes bien cachées et se posera là en contemplant la mer, écoutant sa douce mélodie et buvant. Il en avait grand besoin après cette nouvelle.

Kaporal ne remarqua que maintenant que Gaor était en position de soumission. Il ne s'était pas rendu compte que sa rage avait fait peur à son assassin. Sans adoucir le regard, car il ne pouvait tout simplement pas à cause de son état actuel, il fixa Gaor et lança :

Je te laisse un jour pour te reposer de ta vadrouille et de ce que tu as subis.

Puis, il tourna des talons et se dirigea vers le lac d'un pas lourd et brutal. Il ne voulait pas savoir où se trouvait Lester en ce moment. S'il était au courant, il savait très bien qu'il irait à sa rencontre pour l'engueuler et potentiellement lui péter la gueule, même si Gaor allait indirectement en subir les frais. Il prit l'une des bulles qui le mena à l'entrée du campement. Là, il alla vers sa caverne où il prit l'un de ses cure-dents avant de ressortir du campement et de se diriger vers la plage Naïgma. Sans doute qu'il n'y aura pas d'entraînement demain, le temps qu'il fasse l'aller-retour et surtout qu'il décuve. A moins que Nansaa prenne son relais.