Cela faisait un moment qu'il n'était pas venu rendre visite aux fantômes du château du Crépuscule. Même s'ils étaient beaucoup taquins, il préférait les êtres de l'intérieur de la bâtisse à ceux de l'extérieur. Ceux de l'extérieur n'apparaissaient que la nuit, et c'était bien suffisant. Avec leur caractère belliqueux, il ne valait mieux pas s'approcher d'eux. C'est d'ailleurs pour cela qu'il passait la nuit à l'intérieur, quand il lui arrivait d'y passer deux jours ou plus. Ce fut le cas. Arrivé hier vers la fin de l'après-midi, il passa la nuit ici et resta jusqu'à maintenant. Discutant, chassant les rongeurs et jouant avec ces esprits, il essuya également bons nombres de leurs pièges et farces. Cela ne fut pas de tout repos à certains moments. On peut dire qu'ils étaient plein de vie.

Arpentant le cimetière se trouvant autour du château, il regarda les noms sur les pierres. Des loups de l'Air, uniquement. Les alphas, bêtas, nobles et chefs d'armée principalement. Les autres rangs ou loups liés à une famille d'un autre clan étaient enterrés dans le cimetière des âmes damnées, en général. Jeff s'arrêta devant Takeru Kaze et s'assit. Alpha peu présent pour son clan, désertant le campement la plupart du temps pour méditer ou faire sa vie en solitaire. Il aurait dû refuser ce poste et se mettre religieux. Alpha, il n'en avait que le titre. Le clan n'est pas dupe : c'est bien Hydromos qui eut fait le gros du travail jusqu'à sa mort. Takeru Kaze n'était pas une mauvaise personne, mais il eut au moins la délicatesse d'exercer son rang lors de la bataille d'Ultimate, en permettant de tuer l'un des alphas.

Le Faucheur bailla. C'était plutôt une bonne journée avec un ciel dégagé et une chaleur de printemps. Entendant quelqu'un marcher de façon rude et lourde, il leva les yeux. Il vit une chienne marcher en grommelant. Elle est en colère. Il put le sentir aisément, mais surtout le voir clairement. Elle lâcha un grognement avant de s'asseoir en s'appuyant contre une pierre tombale. Jeff était à quelques tombes d'elle. Il ne la quitta pas des yeux. Il ne pense à rien, il la regarde juste de façon indifférente. Il ne dit rien non plus. Il n'a pas envie d'engager la conversation avec quelqu'un d'énervé. En fait, énervé ou pas, il n'engagera pas la conversation de toute façon. Il décide de se lever et s'étire.

De dos à elle, il s'apprêtait à partir. Il voulait rentrer dans l'enceinte du château en attendant que la chienne parte, ne se soit calmée ou ne s'endorme. Afin d'éviter une engueulade inutile voir un combat au pire des cas. Il ressentit sa colère d'ici tellement elle est forte, ce qui faisait naître une pointe d'irritation chez Jeff. Néanmoins, la dogue argentin le remarqua et l'interpella. Il n'eut même pas fait un pas.

Eh ! Toi ! On peut savoir qui t'es ?! Et ce que tu fiches ici tant qu'on y est ! Je te préviens je suis pas d'humeur à être patiente.

Le grand mâle soupira et pivota vers elle. Elle s'approcha de lui. Il ressentit davantage sa colère et son irritation grandit. Cependant, vivant avec cette influence depuis enfant, il savait gérer la chose, quand il le souhaitait. Et là, il n'avait pas spécialement envie que ça tourne mal. Alors, il gardait son calme. Mais si la femelle le titille trop, il allait arrêter de contrôler cet énervement naissant en lui.

Je connais des personnes ici. Je venais leur rendre visite. C'est un cimetière et j'en ai le droit si je connais des défunts...

Il avait volontairement zappé la question de l'identité. Si elle n'était pas stupide, elle sentirait qu'il était un solitaire. Cette information lui suffisait amplement, elle n'avait pas besoin de connaître son nom. Quand bien même elle le lui demanderait, c'est un faux nom qu'il donnera. Il l'avait fait de nombreuses fois à travers les années, surtout avec des personnes en colère qui se déversaient sur lui. Il les jugeait non-digne de connaître son véritable nom.

Mais je comprend ton agressivité envers moi. Je suis un solitaire, je suis chez les Airs et la période est tendue pour tout le monde.

Il ne lui demanda pas de se présenter. Déjà, parce que lui-même ne le fit pas, et ensuite, en supposant qu'il ne la connaisse pas, parce qu'il n'en avait rien à faire. Il ne voulait pas dialoguer avec elle. Du coup, autant raccourcir la discussion en enlevant les éléments optionnels.

La dogue argentin sembla s'apaiser un peu. Cependant, elle le regardait de façon étrange. Jeff avait l'habitude. Depuis belle lurette, il s'était rendu compte que certains canidés ressentaient son aura particulière. Donnant frissons, mal-être, sensations de peur ou de soumission face à lui, même s'il ne faisait rien envers eux. Et cette aura se faisait d'autant plus ressentir quand il était énervé. Plus il était énervé, plus elle se faisait ressentir et plus elle se faisait froide et noire. Parfois il en jouait, asseyant sa dominance sur l'autre. Le grand mâle se dit alors que cette chienne ressentait son aura en ce moment.

Ouais, tout le monde à le droit de rendre visite aux siens. Mais le moment est mal choisit. Tu ne m'as pas donné ton...

Elle s'arrêta en plein dans sa phrase. L'énervement repris place chez elle comme auparavant. Les plumes d'acier ornant sa tête se frottèrent, faisant retentir un bruit peu agréable. Les oreilles de Jeff pivotèrent vers l'arrière pour atténuer ce bruit incessant. Son visage afficha une grimace. La femelle grogna et ses muscles se tendirent par la même occasion. Elle cracha :

Muerte ! Qui viens-tu prendre cette fois ? Ne t'ai-je pas assez donné de vie ?!

Jeff la regarda abasourdit. Qu'est-ce qu'elle racontait ? Avait-elle perdu l'esprit ? Superbe, il était tombé sur une folle. Une folle énervée. Ça promettait pour la suite. Pourquoi est-ce tombée sur lui ? Est-ce Akui, pour se moquer un peu de lui, qui l'avait amené à rencontrer Jeff ? Et dire que la journée s'annonçait sans accro.

Quoi ? Je comprend pas ce que tu dis. On est censé se connaître ?

Pourtant, il ne l'avait jamais rencontré avant aujourd'hui. Elle n’émanait pas cette aura d'immortalité qu'il pouvait ressentir chez ces êtres. Elle était récente sur ces terres. Elle faisait donc erreur sur la personne. Et puis, c'était quoi cette histoire de vies données ? Elle était complètement perchée. Il essayait de rester calme, même si l'irritation en lui se faisant encore présente. La femelle était passablement en colère et le restera sans doute durant toute leur entrevue. Si elle décide de l'attaquer ou qu'elle s'énerve envers lui, il ne répondra plus de rien. Rester calme : OK, mais s’aplatir devant elle : jamais.

La chienne décida de s'asseoir, essayant peut-être de se calmer ou du moins de ne pas aggraver sa rage. Elle secoua la tête, semblant faire le vide de ses pensées. Ses plumes d'aciers se calmèrent, atténuant cet horrible bruit qui disparut au final.

Quand j'étais en Argentine, il y avait une phrase que les loups qui partaient en combats à mort répétaient souvent à propos de la Muerte : "La crinière rouge de La Mort tinte la piste quand tu es victorieux, elle t'étouffe dans le noir de sa queue si tu échoues". Tu ressembles à cette description, tu es le messager de la Muerte ici pas vrai ? Si oui, je t'en supplie dis à ta maîtresse de cesser de me poursuivre. Je lui ai déjà donné bien assez de vies en échange de la mienne, je mérite qu'on me laisse vivre en paix avec mon nouveau clan.

La muerte, c'était donc "La Mort" dans sa langue d'origine. C'était bien la première fois qu'on le surnommé ainsi. Même s'il supposait que son mot avait un lien avec la mort, il n'en était pas sûr à 100% jusqu'à maintenant. Décidément, les étrangers venaient de plus en plus loin. Le temps où, il n'y avait que des étrangers des pays collés aux frontières d'ici, est bien révolu. Si ça se trouve, elle venait même d'un continent autre que le leur. Tout comme la famille de Kaporal, par exemple, qui a ses origines très loin d'ici. Allez savoir combien de pays et d'origines différentes existent-ils. Le monde est bien vaste.

Oui, en ces terres, c'est bien moi le Dieu de la mort, ou la Muerte comme tu dis. Mais je ne suis pas là pour toi ! N'aie crainte à ce sujet. Notre rencontre est le fruit du hasard Platalya.

Il marqua une pause pendant laquelle il s'assit à son tour et poursuivit :

Tu es une âme tourmentée. Je ne connais toute l’étendue de tes souvenirs, mais j'en sais assez pour savoir que ton enfance fut des plus horrible. Cependant, les déesses sont clémentes par ici et elles sauront passer outre tes crimes quand ton jugement sonnera. Elles verront que ce que tu as fais, ne vient pas de ta propre personne, mais de ton éducation et de la dominance abusive de tes aînés. Elles verront aussi tes efforts fournis sur leurs terres pour changer qui tu es. Si tu continues tes efforts et que tu ne replonges pas dans la démence d’antan, elles te réincarneront pour t'offrir une autre vie ici bas, sans les combats à mort que tu as mené.

A la suite de ça, Jeff se tût et leva les yeux vers l'une des tours d'où il entendit du bruit. Par l'une des ouvertures de la tour, il vit deux fantômes semblant se chamailler ou se battre, vu d'ici ça ressemblait plus à cela... Il entendit un fracas contre l'une des parois, sans doute quelque chose qui était tombé ou qui fut balancé. Farceurs etdangereux, heureusement qu'entre eux ils étaient déjà morts.

La peur et l'excitation remplacèrent la colère. Puis se fut le soulagement qui prit le pas sur la peur, une fois que Jeff la rassura. À la suite de ce que le Faucheur lui dit, Plataya fut assailli d'un doute. Elle ne devait pas comprendre pourquoi les malheurs continuaient de lui courir après, alors qu'elle faisait tout ce qu'elle pouvait pour changer la donne.

Je n'aime pas parler de ma vie là-bas. J'ai été plus heureuse ici en quelques mois qu'en des années là-bas. Mais dis moi, si les déesses sont clémentes, pourquoi m'ont elles donné un pouvoir qui me rend folle ? Pourquoi suis-je assaillie de visions, de violence quand tout ce à quoi j'aspire est la paix ?

Il l'écouta tout en ayant le museau pointait vers la tour. Elle ne devait pas bien connaître les divinités d'ici. Savait-elle au moins combien sont-ils ? Peut-être pas. Si elle ne s'y était pas intéressé, elle ne devait pas le savoir. Il ne pouvait pas la blâmer pour cela, nombreux sont ceux qui ne croient pas en les dieux. Néanmoins, certains réticents commençaient à douter de leur opinion avec le réveil d'Akui qui fut officialisé par plusieurs religieux.

Les déesses dont je te parle ne sont pas à l'origine des pouvoirs. Rhéa et Éléonore se chargent du jugement final des âmes et de leur potentielle réincarnation. Les pouvoirs ont été donnés par Akui. Il donna les pouvoirs suivant la nature du clan et de la personne en elle-même. Par la suite, il prit le contrôle des quatre éléments principaux et leur donna un nouvel aspect qui irradia, en quelque sorte, les habitants. Ainsi, il n'eut plus besoin d'agir directement sur les habitants pour leur offrir leur don. C'est grâce aux éléments et l'influence d'un clan que nous possédons encore des pouvoirs quand il est statufié. On ne peut pas vraiment expliquer pourquoi telle personne à ce pouvoir et telle personne à celui-ci. Le type de pouvoir se transmet par lignée ou de façon aléatoire. Il peut aussi exister des liens avec le caractère de la personne et/ou ce qu'elle est. Vu ton passé lourd, il a eut beaucoup d'influence sur ton caractère et tes pensées. On peut donc supposer que ton subconscient remplit de terreur a fait naître ce pouvoir.

Il marqua une pause, le temps de lui laisser assimiler cela. Pendant ses dires, il avait détourné le regard des fantômes pour le reporter sur elle. Puis, il répondit à sa seconde question.

Ce même subconscient te fait avoir des cauchemars ou des visions affreuses. Tu dois à présent le remplir de bons moments que tu vis ici. Les bons moments prendront peu à peu le pas sur les mauvais souvenirs.

La dogue argentin avait déjà tourné le regard vers la tour. Elle l'observa, elle aussi. Elle ne devait pas bien voir les fantômes. Parfois, ils prenaient une forme visible de tous, parfois, ils restaient flous. Après un petit instant, elle reposa ses yeux sur le grand mâle.

- Tu es là pour eux ?
- Oui. Ce sont eux que je suis venu voir. Je suis en leur compagnie depuis hier.

L'atmosphère était à présent calme, presque détendue. Jeff redevenue aussi neutre qu'à son habitude. Son attitude était normale, toute agressivité ou irritation envolée.

Qu'est-ce que tu leur fais ? Tu les captures ? Tu aurais besoin d'aide ? Peut-être pour chasser pour toi ou pour... Eh bien quoi que ce soit d'autre ?

Il tourna la tête une nouvelle fois vers la tour puis lui répondit :

Il est trop tard pour eux. Je ne peux plus les capturer. A part peut-être avec un rituel d'offrande, mais je n'ai jamais tenté la chose. Et puis, ils sont bien. Ils ont trouvé une seconde vie, en quelque sorte.

Un rituel d'offrande. L'idée pourrait paraître saugrenue. Les religieux en faisaient parfois, il avait déjà assisté à certaines d'entre elles ou en avait vue. Cependant, même si l'idée lui avait déjà traversé l'esprit, il ne l'avait jamais réalisé. Il se leva et reposa ses yeux bleus sur la dogue argentin.

Pour l'instant, je n'ai pas besoin d'user de ton aide, mais si jamais j'en ai besoin à un moment ou un autre, je viendrai à ta rencontre. Merci de la proposer.

Il doutait d'avoir un jour besoin de ses services. Jusqu'à présent, il avait toujours tout fait tout seul. Néanmoins, ses talents au combat pourraient bien lui servir un jour. Il avait beau être un adversaire redoutable, le cimetière était à la frontière d'un autre pays. Si un jour, des envahisseurs comme Ultimate débarquent directement chez lui et décident d'envahir son territoire, il lui faudra combattre. S'ils sont une vingtaine, la bataille sera rude. Il gardait toujours cette potentielle menace dans un coin de sa tête. La dernière fois, c'était par les tanières. Qui dit qu'un jour cela n'arrivera pas avec son chez-lui ? Il avait déjà connu des solitaires squattant chez lui. Soit il les laissait vaquer à leurs occupations, soit il les virait de façon plus ou moins brutale. En ce moment, c'était Léone qui arpentait le cimetière à sa recherche. Elle le traquait, voulant obtenir des réponses qu'il n'avait pas donné la dernière fois. Il l'évitait astucieusement et aisément, pour l'instant. Elle finira par se lacer et partira pour de bon.

Les plumes d'acier émirent de nouveau leur bruit horrible. Il tourna le regard une nouvelle fois vers son interlocutrice. La clanique se figea quelques instants, avant de le fixer avec une haine sans merci. Ce changement de comportement soudain n'était pas naturel. Ce n'était pas bon du tout. Sans besoin de trop réfléchir, il pensa à un esprit. Il vit d'ailleurs celui-ci plus loin, à côté d'une pierre tombale. Il n'allait pas le laisser filer celui-là. Il allait lui donner une bonne correction après tout ça.

Platalya, calme toi. Ne l'écoute pas.

Trop tard. Platalya fonça sur lui tête baissée, pointant sa corne imposante en sa direction. Il eut le temps de l'éviter de justesse. Cependant, la dogue argentin le mordit à l'épaule aussitôt. Il ne put éviter cette action et sentit ses crocs se planter. Jeff sera les dents. Une lueur dangereuse passa dans ses yeux bleus. Ni une, ni deux, il fendit sur elle, attrapant son garrot. Son caractère neutre, il y a de cela quelques secondes, se teinta d'une envie de combattre. Il émit un grognement et serra sa prise. Il ne sentait même plus la douleur infligée par la morsure de Platalya. Il sembla revenir à lui quelques instants pendant lesquels il en profita pour lâcher la dogue et la pousser. Il recula également afin de mettre le plus de distance entre eux. La colère de Platalya et son envie de combat l'avaient envahi. Il ne devait pas céder davantage à cette pulsion meurtrière. De toute façon, il gagnera ou au pire, sera laissé pour mort.

Platalya, il faut que tu te calmes et que tu arrêtes de l'écouter ! Sinon nous allons nous entre tuer !

Il eut soudain une idée. Il l'utilisait tellement rarement sur les vivants, que ça ne lui était même pas venu à l'esprit. Sans doute qu'il n'y aurait même pas pensé s'il n'avait pas utilisé le mot "tuer". Si jamais elle fonçait de nouveau sur lui dans l'optique de l'attaquer, il l'utilisera. Il lui faudra être rapide, mais il avait l'habitude. Il mis encore de la distance entre eux pour être sûr d'avoir le temps. Il était prêt.

Platalya ne l'écoutait absolument pas. Elle était obnubilée par la voix que seule elle, pouvait entendre. Jeff grogna de frustration et se campa sur ses pattes. Il était plus que prêt pour un nouvel assaut. Puisqu'elle ne voulait pas l'écouter, soit. Il avait plusieurs atouts et il allait en utiliser un. Le plus efficace de tous dans ce genre de situation. Il fronça les sourcils et grogna de plus belle. Ouvrant la gueule, les babines retroussées, son grognement fut expulsé de façon violente et puissante. Il l'invitait clairement à lui foncer dessus. Et c'est ce qu'elle allait faire, assurément. La musique infernale des plumes d'acier de la dogue, s'opposait à l'aura noire et à la froideur polaire du loup.

TU MENS !

Elle secoua vigoureusement la tête, envoyant ses plumes d'aciers en sa direction. Jeff en évita certaines et s'en prit d'autres dont une qui se planta à la cuisse et une autre qui vint griffer sa joue droite, faisant couler son sang. L’adrénaline lui masquait toute douleur dû aux blessures. La femelle n'en resta pas là puisqu'elle fonça en sa direction. Gagné. Le Faucheur se dévoila complètement. Il cabra tandis qu'une faux aussi longue que lui apparut entre ses crocs. Le glowstick rouge, faisant office de pointe, braillait d'une forte intensité tout comme les yeux de La Mort. Le sablier était en suspens dans l'air, comme si on avait appuyé sur un bouton pause. Mais pas le temps de jeter un œil à son espérance de vie. Jeff retomba sur ses pattes tout en continuant de fixer la dogue argentin dans les yeux. Quand il eut foulé le sol de ses deux pattes avant, une fumée noire enveloppa la chienne, la piégeant dans un bouclier opaque et indestructible. Le Faucheur déposa sa faux au sol et soupira.

À l'intérieur de la boule, Platalya était à présent piégée dans une salle aussi noire que le néant, sans aucune lumière, sans aucun son. Elle pouvait marcher, courir, sauter, elle n'atteindra jamais les parois de cette salle. Elle pouvait hurler, personne ne pourrait l'entendre. Elle était prisonnière d'un autre plan, une autre dimension. Soudain, une brise vint caresser le pelage de la dogue. L'espace autour d'elle se teinta de couleur puis une lumière blanche l'aveugla. Quand la lumière disparut, l'espace noire autour d'elle avait changé. Elle allait revivre des souvenirs comme si elle les vivait une seconde fois. Pas n'importe lesquels. Ses souvenirs les plus heureux et harmonieux, même si elle ne s'en souvenait pas. Une fois que la dogue sera calmée, tout ceci s'arrêtera et elle rejoindra naturellement son monde.

À l'extérieur de ce nouveau monde, Jeff arracha les trois plumes s'étend plantées sur lui. Il grogna par la suite en tournant la tête vers l'esprit opérateur de tout ceci. À lui maintenant, il allait payer. Sans plus attendre, Jeff ramassa sa faux et courut en sa direction. L'esprit entama une fuite, effrayé de ce que Le Faucheur pourrait lui faire. Cependant, il se retrouva lui aussi enfermé dans une boule noire. Contrairement à Platalya, son châtiment allait être tout autre. Ses cauchemars de son vivant viendront le hanter.

Tu l'as pas volé celle-là !

Il tourna la tête en direction du château et lança un regard d'intimidation aux esprits les épiant. Ceux-ci frémirent et se dissipèrent. Cela venait de leur passer toute envie de jouer avec Jeff. Le grand mâle détourna le regard. Il lécha du mieux qu'il put ses blessures, essuyant le sang. Il était à une dizaine de mètres de Platalya, de dos à elle, posé à côté d'une pierre tombale de marbre noir. Sa faux avait disparu.

Le Faucheur finit sa légère toilette. Il se leva, jeta un œil aux deux bulles noires puis détourna le regard vers le ciel. Le soleil brillait de moins en moins, il allait bientôt faire nuit, d'ici quelques heures. Il n'avait aucune envie de rester ici plus longtemps. Il se mit en marche dans l'optique de retourner chez lui, là où son corbeau l'attendait et probablement Léone aussi... Il la contournera de nouveau, il n'avait aucune envie de l'affronter ce soir. Sinon il allait probablement faire un massacre. Peut-être viendra-t-il à sa rencontre demain, après demain ou plus tard. Tandis qu'il s'était éloigné de plusieurs mètres. La voix de Platalya lui parvint une dernière fois. Son voyage dans son flot de souvenirs venait de s'achever.

Pourquoi !? Pourquoi m'avoir fait vivre ces horribles souvenirs ?!

La Mort tourna la tête en sa direction et l'observa d'un air neutre, limite blasé, comme à son naturel.

Ce n'était pas mon but. Mais visiblement, même tes meilleurs souvenirs sont tâchés de noirceurs. Ce n'est pas ma faute.

Après cela, il n'attendit aucune réponse de sa part et partit pour de bon. Marchant d'un pas nonchalant, sans trop se presser, comme à son habitude. De toute manière, Plataya était vaincue, elle ne pourra se relever pour l'instant. De quoi lui laisser le temps de disparaître de son champ de vision et même de la zone du château, d'ici là.